Luttes ouvrières en Suisse
Les conflits sociaux ne manquent pas, par contre le rapport de forces social pour permettre la mobilisation et l’organisation du monde du travail est encore largement à construire. Les évènements des dernières semaines nous le rappellent durement.
A Dättwil en Argovie, c’est dans un commerce attenant à une station service de la chaîne SPAR, que le conflit a éclaté. 21 employé·e·s, organisés par le syndicat Unia, se sont mis en grève parce que les salaires sont trop bas, les heures supplémentaires sont arbitraires et les exigences de travail démesurées. Les négociations ont été difficiles à obtenir et se sont terminées rapidement par le licenciement de tous les grévistes. Après la Providence à Neuchâtel, c’est la répétition d’un scandale social : la grève est un droit constitutionnel et une nouvelle fois l’Etat reste passif devant cette violation flagrante d’un droit constitutionnel. Remettre la question du respect du droit de grève au centre du débat politique pour obtenir son application réelle est une tâche essentielle.
L’ouverture de négociations à SPAR a évidemment buté sur le statut de ces fameux « shops » qui fleurissent autour des stations d’essence. S’agit-il de commerces ou de stations services ? Quand on regarde la publicité qu’ils font pour leurs produits, il n’est nullement question d’essence ou d’articles de voyage, mais bien de tous les produits propres à un supermarché. Ils prétendent d’ailleurs avoir des prix plus bas que leurs concurrents et ne nient pas qu’ils vendent des produits analogues… Quand il s’agit de payer le personnel, de respecter les contraintes légales ils se transforment en station d’essence…
Il est grand temps de mettre un terme à ce dumping social qui se fait aux dépens de tous les employé·e·s de la vente.
S’opposer aux licenciements dans des multinationales qui font des profits massifs
Au Locle, c’est l’annonce d’un probable licenciement de masse chez Biomet – 245 personnes – qui pointe la difficulté à s’opposer aux décisions des multinationales. Biomet, c’est la multinationale qui a racheté il y a un an le département matériel orthopédique d’une autre multinationale, Johnson & Johnson, installée depuis les années 90 dans le canton de Neuchâtel à coups de subsides et d’exonérations fiscales. D’ailleurs, quel a été le soutien de l’Etat lors du rachat l’an passé ? Biomet
a-elle jamais payé des impôts ? L’opacité reste de mise.
Comme chez ses consœurs anglo-saxonnes, la règle à Biomet c’est « le syndicat ça n’existe pas ». Ils s’installent à proximité de la frontière pour avoir accès à un large marché du travail dans des conditions fiscales « attractives ». Quand ce n’est plus intéressant, ils se déplacent.
A noter qu’aujourd’hui Biomet (au Locle comme ailleurs) n’est nullement en manque de travail ou en déficit. La décision de la fermeture de l’usine a été prise au niveau le plus élevé de la direction et les négociateurs sur place n’auront probablement aucune marge de manœuvre.
La première réaction du personnel a été l’anéantissement?; la colère bien sûr, mais sans syndicat, avec un travail en équipes tournantes 24 h sur 24 et un management qui met la pression en permanence, il est très difficile d’avoir une organisation collective indépendante de la direction.
Les assemblées du personnel avec Unia ont permis une première rencontre sans la présence de la direction et une première appréhension collective de ce qui les attend. Conformément à la législation, s’ouvre maintenant une période de consultation de 30 jours avant la décision définitive formelle. Le personnel a donné mandat à Unia pour représenter ses intérêts et faire des propositions pour le maintien de l’entreprise.
Dans les grandes lignes, les assemblées du personnel demandent le maintien de l’entreprise au Locle, puisque commandes il y a et que l’usine n’est nullement déficitaire?; l’interpellation du Conseil d’Etat qui ne doit pas être là seulement pour accorder des avantages fiscaux mais aussi pour mettre la pression sur l’entreprise dont les bénéfices sont substantiels?; des cadeaux fiscaux pas seulement pour les actionnaires mais aussi pour les travailleurs.euses. Les assemblées demandent ainsi au Conseil d’Etat de défiscaliser, en cas de licenciement, les plans sociaux négociés. En clair : ne pas ajouter le plan social au revenu, contrairement à ce qui se fait en général dans le canton de Neuchâtel?; cette pratique peut en effet entraîner une forte hausse de l’impôt, et impliquer une réduction de fait de l’indemnité de licenciement.
Faire revenir cette multinationale sur sa décision semble hors de portée. Mais les possibilités de lutte s’ouvriront peut-être au moment des discussions sur les indemnités. Comme chez Aptar à Neuchâtel, où la grève avait permis de doubler le plan social.
Henri Vuilliomenet
Intervention de Unia et du SSP auprès du Conseil Fédéral et de l’OIT
La législation suisse permet aux patrons de faire ce qu’ils veulent en particulier en matière de licenciements et ils ne s’en privent pas. Les licenciements de grévistes à La Providence et à SPAR ont mis en évidence le mépris patronal pour le droit du travail. Les deux syndicats ont déposé plainte auprès de l’OIT pour non-respect des conventions signées par la Suisse et revendiquent une modification du code des obligations pour renforcer la protection des tra-vail-leurs·euses. Exigence urgente. Affaire à suivre.
HvU