Amiante: briser le mur du silence

Amiante: briser le mur du silence

Poursuivant son action après le
séminaire tenu à Payerne (solidaritéS no 89 du
14.6.06), le Comité d’aide et d’orientation aux
victimes de l’amiante (CAOVA) vient de lancer une pétition
dans le canton de Vaud, afin d’amener les autorités
à agir enfin en direction des personnes ayant été
exposées à cette substance potentiellement
mortifère. Nous publions ci-dessous l’exposé des
motifs de cette pétition, ainsi que son texte et une
brève explication de l’action de l’amiante sur la
santé des humains.

Malgré son interdiction en 1989, les dégâts
provoqués par l’amiante à la santé des
travailleurs- euses et de la population du canton ne cessent de
s’aggraver et se poursuivront pendant une à deux
décennies encore.

Pour tenter de limiter ses effets délétères, notre
Comité a interpellé, dès 2003, les
autorités fédérales, cantonales et locales, les
organisations patronales et syndicales, les services de santé
publique, ainsi que la Suva chargée de la prévention sur
les lieux de travail et de la réparation des dommages qui y ont
été provoqués. Le CAOVA leur a demandé
notamment de mettre en garde l’ensemble des salarié-es
ayant été exposés à l’amiante pour
qu’elles informent leur médecin et puissent ainsi
accéder aux contrôles préventifs et aux soins
médicaux appropriés.

L’identité de ces milliers de personnes à risque
– aumême titre que l’identification des
bâtiments floqués à l’amiante – est
parfaitement connue des employeurs et des assurances. Le refus de les
prévenir constitue une faute pour non-assistance à
personne en danger.

Pourtant, aucune mesure conséquente n’a été
prise, la Suva refusant même de transmettre à l’Etat
italien les dossiers médicaux des immigré-e-s
exposés à l’amiante dans le cadre des
procédures judiciaires en cours. Devons-nous déduire de
ce refus de coopération une volonté de cacher des
manquements coupables de sa part ? Sur le plan parlementaire, les
interventions n’ont cessé de se multiplier depuis 20 ans
sans plus de succès. Pourtant, les médias n’ont eu
de cesse d’alerter les pouvoirs publics sur l’urgence
d’affronter les risques sanitaires qui menacent la population et
de mettre fin, une fois pour toutes, au scandale de l’amiante,
tant en Suisse que dans le monde.

Face à cette conspiration du silence, nous faisons appel
à la population de ce canton et aux immigré-e-s qui
l’ont quitté, après l’avoir enrichi par leur
travail, pour qu’ils prennent à cœur le sort des
victimes de l’amiante et de leurs proches, en interpellant par
cette pétition les élu-e-s qui sont censés veiller
à la santé des habitants.

Alors que les pouvoirs publics gardent le silence, les employeurs, tels
qu’Eternit à Payerne, s’obstinent encore à
minimiser les risques pour dégager leur responsabilité.
Quant à la Suva, elle multiplie les tracasseries à
l’encontre d’assurés qui tentent de faire
reconnaître l’origine professionnelle de leur maladie et
d’obtenir la réparation qui leur est due pour compenser,
ne serait-ce que financièrement, les dommages subis. Grâce
à l’appui solidaire de ses membres et sympathisants, notre
modeste Comité peut assurer l’assistance juridique de
nombreuses victimes, les orienter vers des médecins
compétents et les réunir et les soutenir dans leur
douleur et leur détresse.

Mais le CAOVA n’ayant pas les moyens des services publics
chargés de la prévention, nous vous demandons de les
interpeller par sa pétition. Ceci d’autant plus
qu’elle déborde du cadre emblématique des victimes
de l’amiante, puisque ce drame concerne tous ceux et celles qui
n’ont pas choisi de perdre leur vie à la gagner. En effet,
la santé et la dignité de milliers de travailleurs dans
le canton sont toujours menacées par les maladies
professionnelles provoquées par le nombre croissant de
substances toxiques, cancérigènes ou mutagènes
qu’ils sont forcés de manipuler. Les victimes du Galecron
de Syngenta à Monthey ne sont qu’un cas parmi
d’autres.

Mais la prévention de ces risques restera lettre morte tant que
les responsables seront impunis. S’il est désormais admis
que les pollueurs doivent payer la réparation des
dégâts qu’ils causent à la nature, nous
revendiquons que les empoisonneurs des lieux de travail soient
sommés de réparer le tort qu’ils ont causé
aux êtres humains qu’ils ont contaminés. Il
s’agit en premier lieu du fabricant d’amiante-ciment
coupable d’avoir exposé plus d’unmillier
d’hommes et de femmes à l’usine de Payerne alors
qu’il connaissaient les risques dès les années 50.
Cet employeur est encore coupable d’avoir caché la
toxicité de ses produits Eternit, exposant ainsi les ouvriers du
bâtiment devant les mettre en œuvre. Mais il s’agit
aussi des nombreux patrons qui ont fait manipuler de l’amiante
sans protection dans la métallurgie, les chemins de fer, la
production électrique, l’isolation ou les
démolitions. Si leur société a
“disparu” ou “a fait faillite” comme ils le
prétendent, il reste suffisamment de responsables pour
répondre aux questions de la Justice et suffisamment de
richesses accumulées dans ce canton pour soulager, un tant soit
peu, la souffrance des “amiantés”, leur rendre
justice et restituer leur dignité.

Le CAOVA


Pétition aux autorités vaudoises: Justice pour les victimes de l’amiante

Plusieurs milliers de salarié-e-s ont été
exposés à l’amiante sur leur lieu de travail dans
le canton de Vaud. Certain-e-s, dans des usines en manipulant ces
fibres mortelles, en particulier à Eternit Payerne (Suisse).
D’autres, pour avoir dû travailler sur des chantiers de
construction, de transformation, de démolition ou dans des
bâtiments floqués à l’amiante.

Les employeurs ont négligé de les mettre en garde contre
les risques de cematériau cancérigène. Rares sont
ceux et celles qui ont été suivi-e-s médicalement
pour déceler et prévenir les maladies de l’amiante
telles que l’asbestose, le cancer pulmonaire, les plaques
pleurales ou le mésothéliome. Ainsi, nombreux sont les
travailleurs-euses, des immigré-e-s notamment, qui sont
tombésmalades et sont morts précocement dans la
souffrance, lamoitié d’entre euxelles n’ayant
même pas pu atteindre l’âge de la retraite.

Dans la plupart des cas, leur assurance, généralement la
Suva, refuse de reconnaître l’origine professionnelle de
leurmaladie en prétextant leur comportement individuel à
risque, une contamination insuffisante ou inexistante de leurs lieux de
travail ou en invoquant la prescription, ce qui est inacceptable pour
des maladies mortelles qui ne se déclarent qu’après
plusieurs décennies. Ces victimes et leurs familles sont ainsi
dépossédées arbitrairement de leurs droits
d’assuré-e-s. C’est pourquoi nous demandons à
la population de soutenir les victimes de l’amiante et leurs
familles en signant cette pétition qui exige des
autorités cantonales responsables qu’elles prennent de
toute urgence les mesures suivantes:

  • Recensement de toutes les personnes ayant été
    exposées professionnellement à l’amiante dans le
    canton de Vaud et information des risques qu’elles encourent, y
    compris et surtout celles vivant à l’étranger.
  • Surveillance médicale préventive de tous les
    salarié- e-s ayant été exposés à
    l’amiante, par les moyens de détection les plus efficaces
    et mise à disposition des familles des dossiers médicaux.
  • Contrôle du règlement des indemnités par les
    assurances professionnelles, la Suva notamment, dues aux victimes de
    l’amiante et leurs proches pour les dommages subis.
  • Identification, mise à jour, publication et
    décontamination de tous les bâtiments et postes de travail
    présentant encore des risques d’intoxication à
    l’amiante dans le canton de Vaud.

Pétition à télécharger sur le site du Caova :
www.caova.ch


Comment l’amiante tue

Quand on respire des poussières d’amiante, les fibres vont se planter dans les poumons et l’organisme
est incapable de les éliminer. Résultat : après un certain temps de latence, plusieurs maladies peuvent
se déclarer. Le professeur Philippe Leuenberger, pneumologue, nous les décrit : «On
peut dire qu’il y a deux sortes de maladies. Les maladies
inflammatoires qui touchent le système respiratoire, les
bronches, l’enveloppe du poumon, la cavité autour du
poumon qui est la plèvre. Cela crée un épanchement
pleural et une asbestose, c’est-à-dire un processus qui
rétrécit le poumon et qui correspond à une fibrose
interstitielle. A côté de cela, il y a des maladies
tumorales qui touchent la membrane à la surface des poumons, la
plèvre, c’est le mésothéliome. Il y a aussi
d’autres tumeurs qui sont favorisées par l’amiante,
les tumeurs du poumon, le cancer bronchique, les pathologies tumorales
de la gorge et du tube digestif et des reins
».

Inutile de dire que le tabac augmente considérablement les
risques. Le mésothéliome est considéré
comme le cancer spécifique de l’amiante. Les
médecins sont relativement démunis face au
mésothéliome. Philippe Leuenberger : «Si le
processus est pris très tôt, le chirurgien peut intervenir
et contrôler la maladie. D’autres traitements
n’existent pas. Donc, la seule chose qu’on peut faire,
c’est essayer de pallier les symptômes. Ces gens
développent une insuffisance d’oxygène dans le
sang, ce qu’on appelle insuffisance respiratoire, on va donc leur
donner de l’oxygène. Le mésothéliome a la
particularité d’entraîner des douleurs thoraciques,
et là, bien sûr, il faut donner un traitement
antalgique».

La moitié des malades atteints de mésothéliome
meurent dans les 18mois qui suivent le diagnostic et 95% dans les cinq
ans. Les maladies dues à l’amiante se déclarent en
général entre 20 et 40 ans après
l’exposition aux fibres. On estime que, chaque année, dans
lemonde, elles causent lamort de 100 000 personnes. En Suisse, la Suva,
la Caisse nationale suisse en cas d’accidents, ne comptabilise
que les mésothéliomes reconnus comme conséquence
d’une exposition professionnelle, soit une cinquantaine de morts
par an. Mais certaines estimations comprenant les autres maladies vont
jusqu’à 500 morts par an. Des chiffres qui, en plus,
affichent une hausse inquiétante. Philippe Leuenberger : «Cette
hausse est inquiétante dans lamesure où cettemaladie a un
pronostic extrêmement mauvais. Donc, chaque cas est un drame et
il faut tenter à tout prix de contrôler cette
épidémie. Mais on n’est pas dans une situation
où l’on peut la contrôler. En effet, les cas que
nous voyons maintenant sont issus d’expositions de la fin des
années 70 jusque dans les années 80. Mais ce n’est
qu’en 90 que l’amiante a été interdit en
Suisse»

L’augmentation devrait donc se poursuivre aumoins jusqu’en
2020. Et sans parler des autres pollutions à l’amiante qui
peuvent encore survenir.

www.caova.ch