Révision de l’AIInvalidité et classes socialesDes faits contre les mensonges UDC

Révision de l’AI
Invalidité et classes sociales
Des faits contre les mensonges UDC

Malgré le fait que nous soyons
habitués aux bassesses et amalgames de l’UDC il nous reste
encore de quoi vomir quand on lit les arguments trompeurs dans les
encarts publicitaires de leur campagne en faveur de la révision
de l’AI.

Selon ces bien-pensants d’un ordre nouveau il serait
«toujours plus facile» d’entrer à l’AI.
Les statistiques officielles montrent pourtant le contraire. En effet,
entre 2002 et fin 2005 (dernières données officielles
publiées) le nombre de nouvelles rentes a diminué de 26%.
A cette même période, le nombre de nouvelles rentes
était inférieur de 5% à celui de 1996. Et si on
analyse encore plus sérieusement les chiffres en rapportant le
nombre des nouveaux bénéficiaires à la population,
c’est-à-dire lorsqu’on réfléchit en
termes de taux, on s’aperçoit que la diminution des
nouvelles rentes n’est pas de 5% mais de 12% puisque le taux de
nouvelles rentes passe en effet de 0.39% à 0.33%.

L’UDC confond sciemment le nombre de nouveaux
bénéficiaires avec l’ensembles des
rentiers-ères. Leur nombre est soumis à des variations
régulières: il y a les nouveaux cas qui forment un solde
positif, les cas qui sont révisés et qui sortent de
l’AI et les cas des personnes qui, à l’âge de
la retraite, passent de l’AI à l’AVS qui constituent
le solde négatif.  En 2005 il y a eu une distorsion notable
puisque pratiquement aucune femme n’est passée de
l’AI à l’AVS à cause du relèvement de
l’âge de la retraite de 63 à 64 ans. Mais ces
détails n’intéressent nullement les pourvoyeurs
d’intox.

Les abus xénophobes de l’UDC

Autre cible privilégiée, on s’en doutait bien: les
étrangers-ères… Toujours plus d’étrangers
touchent une rente AI, peut-on lire dans les torchons
blochériens. Encore une fois, la réflexion de primate ne
tient nullement compte des répartitions par secteurs
économiques de ces statistiques.

Si des gens sans scrupules peuvent tenir ce genre propos, c’est
aussi parce que la santé des travailleurs-euses
n’intéresse nullement les producteurs de statistiques
officielles. Aujourd’hui, on connaît en détail
l’évolution des rentiers-ères AI selon les cantons,
selon la maladie, selon l’organe touché, selon la
nationalité du bénéficiaire mais aucune
statistique officielle de routine ne peut nous informer sur la branche
économique dans laquelle ces personnes ont travaillé,
pourtant on sait très bien que les secteurs qui produisent le
plus d’accidents et de maladies professionnelles sont
ceux-là mêmes où l’on trouve une proportion
plus importante de travailleuses-eurs étrangers.

En 2003 seulement, l’OFAS a commencé à se pencher
sur la question des caractéristiques socio-économiques
des bénéficiaires des rentes en décidant de
traiter des informations essentielles qui se trouvent dans les dossier
AI, telles que la formation des bénéficiaires et la
branche économique dans laquelle ils ont travaillé.
Jusqu’à présent, seul un article dans la revue de
l’OFAS «Sécurité sociale»1 a
été publié et il ne porte que sur un
échantillon de sept cantons. Cette étude confirme le
niveau élevé des troubles psychiques donnant d roit
à une rente (27%) et montre aussi que plus de 65% des rentes
sont dues à des maladies. Plus intéressant encore: alors
que la moyenne de la probabilité de devenir invalide pour
l’ensemble de toutes les branches économiques se situe
à 0.56%, dans le secteur de la construction cette
probabilité est presque double (1%) et dans ce-lui de
l’hôtellerie et restauration elle est de 0.83%.

Victimes de l’organisation capitaliste du travail

La même étude nous apprend encore que la
probabilité de devenir invalide est de 1.12% parmi les personnes
qui ont une formation scolaire qui s’arrête à
l’école obligatoire alors qu’elle est de 0.25% chez
les universitaires, de 0.32% chez les porteurs de maturité et
0.78% chez les personnes qui ont suivi un apprentissage. Il ne nous
reste plus qu’à nous poser la question de savoir qui
trouve-t-on dans ces catégories défavorisées et
soi-disant abuseurs-euses. Qui sont donc les abuseurs-euses?
Seraient-ce les hordes d’étrangers-ères qui
travaillent dans les administrations fédérales et
cantonales où l’on trouve pourtant une probabilité
de devenir invalide de 0.83% pour des questions de santé
psychique? Que l’on sache c’est dans le bâtiment,
l’hôtellerie, l’industrie, la santé
qu‘il y a le plus d’étrangers-ères.
C’est là aussi que l’organisation capitaliste du
travail produit le plus de victimes.

Puisque l’AI ne sait pas (encore) fournir des chiffres par
secteur économique nous pouvons nous tourner vers les
statistiques des accidents LAA2 nous apprenons ainsi
qu’en 2004 (derniers chiffres publiés) le risque
d’accident professionnel pour l’ensemble des
travailleurs-euses était de 68.8 pour 1000 travailleurs-euses
à plein temps. Dans le secteur de la construction il
s’élève à 184.7 (2.7 fois plus
élevé), 183.1 dans celui du bois (2.6 fois plus
élevé), 160.2 dans le secteur de l’industrie
extractive (2.3 fois plus élevé), 147.3 dans la
métallurgie…

Invalidité et classes sociales

En 2000, nous avions publié les résultats d’une
étude sur la mortalité prématurée et
l’invalidité selon les professions et la classe sociale
à Genève3 qui montrait un différentiel
de risque de mortalité prématurée et
d’invalidité très important en défaveur des
professions les plus pénibles. Cette brochure avait
été précédée par un article
publié dans une revue à politique éditoriale4
qui n’avait pas donné lieux à contestation puisque
réalisé et présenté selon les normes
scientifiques usuelles. L’étude montrait clairement que le
risque de devenir invalide, voire de mourir précocement,
était une question de classe sociale en Suisse aussi.

Les analyses permettaient aussi de constater que le risque de devenir
bénéficiaire de l’AI n’était pas
lié à la nationalité mais à la
pénibilité du travail. En effet, à parité
d’activité, la couleur du passeport ne préserve pas
la santé. Quel fut le commentaire des patrons suisses du secteur
du bâtiment? «Lügenstudie»(étude
mensongère) «une étude non conforme aux standards
minimum des études scientifiques» avaient-ils
claironné sans donner plus d’explications.

La calomnie et la recherche de boucs émissaires, telle est la
solution adoptée. Il est beaucoup plus facile pour les patrons
de crier «stop aux abuseurs!» avec les loups de
l’Union Démagogique de la Chimie du milliardaire Blocher5
que de réaliser de véritables améliorations dans
l’organisation du travail en fa-veur de la santé des
travailleurs-euses et de maintenir et renforcer le filet social de
l’AI. Il vaut mieux pour eux que les salarié-e-s soient
divisés entre Suisses et étrangers-ères
qu’unis dans la défense des droits sociaux et syndicaux.

Ne nous leurrons pas, la 5e révision de l’AI
est une nième révision patronale de cette assurance
sociale qu’il faut combattre de toutes nos forces.

Massimo Usel


1  E. Staehelin-Witt. Les caractéristiques professionnelles
des bénéficiaires de rente AI. Sécurité
sociale, mai 2004: pp. 304-7.

2 Statistiques des accidents LAA 2006 www.unfallstatistik.ch/f/publik/un fstat/pdf/Ts06_f.pdf)

3   E. Gubéran, M. Usel, Mortalié
prématurée et invalidité selon la profession et la
classe sociale à Genève. Ocirt, Mars 2000.

4 E. Gubéran, M. Usel. International Journal of Epidemiology 1998; 27: 1026-1032.

5  Blocher a été l’actionnaire majoritaire de
EMS-Chimie, avant de passer son portefeuille d’actions à
sa fille après l’accession au conseil
fédéral. Bilanza évalué la fortune de
Blocher à 1,7 milliard de dollars.