EgalitéLes femmes se fâchent contre l’immobilisme

Egalité
Les femmes se fâchent contre l’immobilisme

Les associations féminines et
les anciennes déléguées à
l’égalité et à la famille viennent
d’envoyer aux autorités neuchâteloises une lettre de
protestation et un dossier dûment argumenté
démontrant, chiffres à l’appui, que la situation
des femmes et des familles s’est péjorée au cours
des deux dernières années. Catherine Laubscher Paratte et
Martine Kurth, anciennes délégués du Bureau de
l’égalité accordent une interview au journal
solidaritéS.

En tant qu’ancienne déléguée du Bureau
de l’égalité, vous tirez, à
mi-législature, un bilan critique de la politique du Conseil
d’Etat concernant les droits des femmes et des familles. Quelles
sont vos principaux griefs?

Nous reprochons au gouvernement d’avoir péjoré la
situation financière des familles et des femmes. Là
où la réalité commandait par exemple
d’augmenter fortement les subsides à l’assurance
maladie ou les avances sur pensions alimentaires, on les a
baissés en 2006; ça a des conséquences dramatiques
sur la vie des personnes concernées. Ce n’est pas une
bagarre de chiffres, c’est une bagarre de vies, et cela, le
gouvernement semble avoir tendance à l’oublier. Nous
reprochons au gouvernement de n’avoir pas appliqué la loi
sur les structures d’accueil pour les enfants. Non seulement il
n’a pas respecté la législation,
plébiscitée par le peuple neuchâtelois, mais le
nombre de places a diminué depuis un peu plus d’un an!

Nous reprochons au gouvernement d’avoir réduit lemandat de
l’Office de la politique familiale à un simplemandat
interne à l’administration c’est-à-dire au
service des seule-s fonctionnaires, aumépris total de la
volonté populaire. Et en plus sans compétences
réelles pour mener à bien cette tâche!
L’administration cantonale a un rôle demodèle
à jouer c’est sûr.Mais la volonté populaire
exprimée dans le lancement de l’initiative cantonale pour
une politique familiale active – initiative acceptée par
le Gouvernement et par le Parlement – demandait un Office de la
politique familiale et de l’égalité au service de
l’ensemble de la population. Le quotidien des femmes et des
familles de notre canton se péjore de jour en jour, quand bien
même il y a une embellie économique. Cela démontre
qu’un office au service de tous et toutes est plus que jamais
nécessaire.

Jean Studer, conseiller d’Etat responsable du bureau de
l’égalité rétorque par voie de presse que la
situation des familles monoparentales ne sera pas péjorée
par la réforme fiscale qu’il propose (Express, 1er
sept.2007) et que vous confondez facture fiscale et revenu imposable.
Derrière cette bagarre de chiffres, que se cache-t-il?

Jean Studer a tort. Nous, nous ne confondons rien du tout. En fait, le
projet de réforme fiscale prévoit des déductions
supplémentaires pour les enfants, et pour les frais de garde. Et
cela pour toutes les familles.Mais, en ce qui concerne les foyers
monoparentaux, la réforme implique aussi la suppression de la
déduction fiscale spécifique à ces foyers, qui
s’élève à 7700 francs plus 1800 francs par
enfant supplémentaire. Ces familles-là verront donc leur
revenu imposable augmenter d’autant. En revanche, leur facture
d’impôt, calculée différemment, va baisser.

Jusque-là, tout va bien. Le problème, c’est par
exemple que les tarifs des crèches sont fixés en fonction
non pas du montant d’impôt à payer, mais du revenu
imposable. Avec cette réforme, toutes les familles payeront
moins d’impôts, c’est l’aspect facture fiscale.
Mais pour certains foyers monoparentaux, l’augmentation des frais
de crèche risque d’être plus importante que la
diminution de la facture fiscale; c’est l’aspect revenu
imposable. Et l’aspect très concret, c’est que ces
familles risquent d’avoir moins d’argent dans leur
porte-monnaie. Au final, le problème de cette réforme,
c’est qu’elle a été pensée par des
spécialistes des chiffres, qui n’ont visiblement pas une
vision globale des liens et des incidences entre la fiscalité et
d’autres prestations de politique sociale et familiale.

Quelles sont, selon vous, les revendications les plus urgentes pour débloquer la situation?

La première revendication, c’est que la politique de la
famille et de l’égalité soit
considérée comme une priorité politique majeure,
ancrée dans les programmes de législature, avec des
objectifs détaillés clairs, quantifiables et mesurables.
Les politiques familiales et de l’égalité
n’ont jamais progressé sans que les autorités
politiques n’y manifestent des signes forts et y mettent les
ressources nécessaires. Nous attendons donc que la
majorité de gauche – que les femmes et les familles ont
largement aidé à élire! – prenne enfin
lesmesures pour améliorer le quotidien des enfants, des familles
et des femmes de ce canton.Nous attendons que la politique familiale et
de l’égalité deviennent une préoccupation
transversale, qui touche à tous les domaines de
compétences de l’Etat.

Interview réalisée par Marianne Ebel