Le 15 octobre à Genève, Berne, NeuchâtelQuand le bâtiment va... entrer en grève !

Le 15 octobre à Genève, Berne, Neuchâtel
Quand le bâtiment va… entrer en grève !



Nous publions ci-dessous un entretien
avec Alessandro Pelizzari, secrétaire syndical d’UNIA
à Genève, à la veille de la prochaine étape
de lutte des travailleurs et travailleuses du bâtiment, qui
feront grève le 15 octobre à Genève, Berne et
Neuchâtel.

Un retour d’abord de ta part sur la manif du 22 septembre à Zurich?

La mobilisation a été un énorme succès pour
nous. On tablait sur 12 000 manifestant-e-s, il y en a eu 17 000 dans
la rue. Pour Genève, c’est un peu la même chose: on
pensait mobiliser 700 personnes et c’est un bon millier qui
s’est déplacé. Cela montre que malgré les
difficultés qu’on craignait avoir dans la mobilisation, la
situation se présente nettement mieux que ce qu’on pouvait
espérer. C’est aussi et surtout évidemment une
expression de la détermination des maçons
eux-mêmes… C’est quelque chose que l’on voit bien
d’ailleurs sur les chantiers.

Avec ces 17 000 personnes mobilisées, on a vu aussi le large
soutien que cette lutte des maçons est en train de recueillir de
la part des salarié-e-s dans d’autres branches. Ça
montre que les des larges couches de salariés comprennent
très bien quels sont les enjeux pour lesquels luttent les
travailleurs de la construction actuellement, qui ne sont pas des
enjeux qui concernent uniquement leurs propres conditions de travail et
leur branche seulement. En effet, cette convention n’est pas
juste une convention collective parmi d’autres, c’est une
des conventions les plus importantes en Suisse, elle a joué un
rôle précurseur par rapport à des
améliorations des conditions dans d’autres branches, par
exemple en ce qui concerne la semaine de 5 jours, le treizième
salaire, la retraite anticipée, etc. Ce sont des revendications
pour lesquelles les maçons se sont battus. Les travailleurs de
la construction ont toujours été à la pointe de la
lutte et s’ils perdent un certain nombre d’acquis
importants, les autres travailleurs-euses vont les perdre
également.

En outre, on commence à se rendre compte de l’importance
d’un cadre collectif de protection des conditions de travail
contre le dumping salarial et social. Il était
intéressant de noter la participation importante des
épouses des maçons à la manifestation de Zurich,
qui gèrent souvent les budgets des familles et se rendent bien
compte de ce que ça signifie si le pouvoir d’achat
continue de baisser dans cette branche. Ça pose
évidemment aussi la question, dès aujourd’hui, du
bilan qu’on peut faire de la «libre circulation» et
des «mesures d’accompagnement» avec une convention
importante qui tombe.

Et, finalement, l’ampleur de la manifestation a prouvé que
l’aspect «idéologique» de l’attaque
patronale a été comprise: la dénonciation de la
convention ne tombe pas par hasard dans cette branche. C’est bien
une attaque qui vise à casser les reins du syndicat dans une
branche extrêmement combative où le taux de
syndicalisation est particulièrement élevé, 70%
à l’échelle nationale.

Qu’en sera-t-il de l’étape suivante, les
grèves du 15 octobre à Genève, Berne et
Neuchâtel?

Le syndicat se doit de répondre au durcissement de la politique
patronale, qui se constate d’ailleurs aussi dans d’autres
champs, où des compromis sociaux volent en éclat parce
que les patrons ont décidé de s’en
débarrasser. On peut citer à cet égard tout le
débat sur la loi sur le chômage à Genève…
Dans ce contexte, le syndicat doit se préparer à des
luttes qui seront plus dures que par le passé.

Je suis assez confiant dans la capacité du syndicat à
relever ce défi, parce que la préparation du 15 octobre
se présente extrêmement bien, après le
succès non seulement de la manif du 2 septembre à Zurich,
mais aussi des mobilisations précédentes à
Lucerne, où le nombre de personnes mobilisées
était tout à fait inattendu, comme aussi à
Genève le 18 juin. A Genève notamment, le message des
travailleurs de la construction est très clair: ce qu’ils
attendent de nous, c’est qu’on lutte pour nous donner les
moyens de renégocier dans le futur sur une autre base et que le
syndicat sorte renforcé de cette bagarre.

Donc, pour le 15 octobre à Genève, je suis très
confiant, c’est le cas aussi pour Berne et Neuchâtel
D’après les informations que j’ai eues, la
mobilisation s’y passe assez bien, les gens sont
déterminés à lutter et conscients que ce sera une
lutte dure et longue.

Et au-delà du 15, quelles sont les échéances et perspectives?

Les deux gros syndicats nationaux de la branche, SYNA et UNIA, ont
voté tous les deux un programme de luttes et de grèves.
Le 15 octobre ne sera donc qu’un début. En fait, il y aura
des grèves ensuite à Zurich et à Bâle et il
y a des grèves plus longues et déterminées, en
novembre, dans un plus grand nombre de régions encore.

On se prépare donc maintenant pour un automne de lutte avec un
crescendo de mobilisations. On espère aussi que la bataille
qu’on est en train de mener à Genève contribuera
à dynamiser le travail de mobilisation des collègues dans
d’autres régions.

Pour l’instant donc, le syndicat est clairement en train de
réoccuper le terrain des luttes du travail, pour donner aux
travailleurs les moyens de s’auto-défendre. C’est
là aussi un enjeu pour nous… Une séance de
négociation est certes prévue à
l’échelle nationale le 4 novembre, mais à vrai dire
personne n’en attend grand chose car les conditions ne semblent
pas réunies pour trouver une base commune quelconque, vu le
durcissement qui continue de la part patronale, y compris et surtout de
la part des patrons genevois d’ailleurs.

Qu’en est-il du soutien «extérieur»?

A Genève, la compréhension du caractère central de
cette lutte, dont j’ai déjà parlé, se
cristallise à travers la constitution d’un comité
de soutien. D’autres vont se mettre en place également
dans d’autres régions et c’est quelques chose
d’essentiel.

En effet, les syndicats font le travail de mobilisation dans la
branche, mais on a besoin actuellement de porter le débat sur le
fond, à un niveau plus politique C’est ce que vise
particulièrement le comité de soutien, qui est
composé notamment de personnes qui sont actives syndicalement
dans d’autres branches. Clairement, l’objectif est
qu’à terme, il y ait des actions de solidarité avec
les maçons menées par des travailleurs dans
d’autres branches…

propos recueillis par Pierre Vanek