Avortement : Pourquoi faut'il encore se battre ?

Interruption de grossesse


Pourquoi faut-il encore se battre ?


Le 15 décembre, en principe, le Parlement adoptera enfin une législation qui accorde aux femmes de ce pays le libre choix en matière d’avortement, pendant les premières semaines de la grossesse tout au moins. Des milieux conservateurs et le mouvement «Oui à la vie» ont d’ores et déjà annoncé le référendum. Il ne leur sera très vraisemblablement pas difficile de récolter les 50 000 signatures nécessaires si bien que nous aurons à coup sûr une votation populaire sur ce sujet.


par Elisabeth Jobin*


Par ailleurs, l’initiative populaire honteusement appelée «pour la Mère et l’Enfant», sera soumise au peuple puisqu’elle a été déposée en novembre 1999 munie de 105 000 signatures. Rappelons que cette initiative demande l’interdiction totale de l’avortement sauf en cas de danger physique pour la vie de la femme. Il faut donc se mobiliser dès maintenant en prévision de ces deux votations pour qu’enfin le libre choix soit garanti à toutes les femmes de ce pays, indépendamment de leur lieu de domicile, de leur origine et de leurs moyens financiers.


L’avortement en Suisse aujourd’hui


«La personne enceinte qui, par son propre fait ou par celui d’un tiers, se sera fait avorter, sera punie de l’emprisonnement (Art. 118, al. 1 Code pénal suisse)» C’est encore cet article, qui date de 1942, qui est en vigueur aujourd’hui. Les interruptions de grossesse qui se font chaque année (à peu près 12 000) sont légales uniquement grâce au fait que des cantons et des médecins interprètent librement la notion de santé qui figure dans l’article 120 du même code. L’article 120 règle les cas dans lesquels une interruption de grossesse n’est pas punissable («…en vue d’écarter un danger … menaçant la vie de la mère ou menaçant sérieusement sa santé d’une atteinte grave et permanente»).


La situation actuelle est source d’inégalités pour les femmes qui vivent dans ce pays. Elles n’ont pas le même accès à l’interruption de grossesse si elles habitent Uri ou Genève, elles n’ont pas le même accès à la prévention selon qu’elles reçoivent ou non des informations sur les centres de planning familial ou d´autres services de leur région. Le tourisme gynécologique d’un canton à l’autre existe toujours (quand ce n’est pas à l’étranger pour des grossesses avancées).Les femmes étrangères, moins bien informées souvent, sont confrontées à des difficultés importantes.
Et, dans tous les cas, les femmes doivent obtenir un avis conforme d’une deuxième instance avant d’être autorisées à avorter. Cette course à l’autorisation les prive souvent du temps nécessaire à un choix réfléchi et serein. Cette mise sous tutelle des femmes dans notre pays est en passe d’être abolie par le Parlement, enfin. Et c’est bien cette liberté des femmes que les milieux conservateurs veulent empêcher à tout prix.


Initiative parlementaire : la session en cours sera cruciale!


Le projet de loi issu de l’initiative parlementaire Haering Binder sera vraisemblablement adopté le 15 décembre en votre final. C’est dire si les militantes — et les trop rares militants qui les accompagnent sur ce thème — seront suspendues au débat agendé le 7 décembre et au vote final qui devrait suivre!


La conseillère nationale socialiste Barbara Haering Binder a déposé le 29 avril 1993 une initiative parlementaire demandant l’introduction de la solution du délai. L’initiative était munie de signatures de 63 autres membres du conseil national.


Celui-ci s’est prononcé en faveur du régime du délai en octobre 1998. Le Conseil des Etats, lui, s’est prononcé en faveur du régime du délai le 21 septembre dernier. Mais les deux chambres ne se sont pas prononcées sur un texte identique. C’est pourquoi il faut procéder maintenant à la suppression des divergences: le Conseil national va se prononcer sur le texte voté par le Conseil des Etats lors de la prochaine session. La discussion est agendée au jeudi 7 décembre. Soit le Conseil national accepte tel quel le texte des Etats et on peut procéder au vote final. Soit il le modifie et le projet repart devant le Conseil des Etats, en suivant le schéma présenté plus loin. Cependant si les divergences ne sont plus que minimes, il est vraisemblable qu’elles soient réglées encore pendant la même session et que le vote final sur ce sujet puisse avoir lieu le 15 décembre.


Les milieux conservateurs et le mouvement «Oui à la vie» ont annoncé de longue date qu’ils lanceraient un référendum contre le régime du délai s’il était accepté par le Parlement. C’est une certitude. Le délai de récolte des signatures est de 100 jours. Si le calendrier annoncé plus haut est maintenu, le délai référendaire courra donc jusqu’à mi-avril 2001.


Le référendum contre le régime du délai et l’initiative «Pour la Mère et l’Enfant» seront soumis au peuple dans les deux ans qui viennent, ensemble ou séparément. On doit donc se préparer à une votation populaire peut-être déjà à la fin de l’année 2001, en tous les cas en 2002. Un gros travail d’information, de sensibilisation et de mobilisation commence pour les femmes. Nous aurons besoin des forces de chacune et de celles de nos compagnons!
*Membre de la Commission nationale de l’ASDAC (Association suisse pour le droit à l’avortement et à la contraception) et du Groupe de travail national «Interruption de grossesse» dont font partie les organisations suivantes:

-Alliance de sociétés féminines suisses (ASF)

-Association suisse pour les droits de la femme (ADF)

-Société d’utilité publique des femmes suisses (SUPFS)

-Association suisse des conseillères en planning familial (ASCPF)

-Arbeitsgemeinschaft für Schwangerschafts- und Sexualberatung (ASSB)

-Union suisse pour décriminaliser l’avortement (USPDA)

-Association suisse pour le droit à l’avortement et à la contraception (ASDAC)



Droits humains

Turquie


Grève de la faim dans les prisons

Depuis le 20 octobre, près de 1000 prisonniers politiques ont entamé une grève de la faim dans la plupart des prisons turques. Ils protestent contre les mesures du gouvernement qui prévoit le transfert de nombre d’entre eux dans des cellules d’isolement dites de type F.


Au 30ème jour de cette grève, une quarantaine d’entre eux ont décidé que leur grève serait illimitée, jusqu’à la mort, si leur revendications n’étaient pas satisfaites. En Europe, cinq cent personnes font une grève de la faim en signe de solidarité dont une quinzaine dans notre ville, au siège de la Maison populaire de Genève, dont les locaux sont à la Maison des Associations.


Dans son communiqué du 28 novembre, Amnesty International indique que l’organisation s’est adressée aux autorités turques afin d’exprimer sa vive préoccupation sur les mesures d’isolement et leurs effets. Amnesty «appelle le gouvernement turc à s’assurer que tous les prisonniers, ainsi que les prisonniers politiques, soient traités en accord avec les normes internationales. Les prisonniers doivent pouvoir bénéficier d’un moment, tous les jours, pendant lequel ils peuvent avoir des contacts avec d’autres détenus, à l’extérieur de l’isolement de leur cellule ou dortoir, ainsi que du sport.»


Lors de sa séance du 1er décembre, le Grand Conseil genevois a voté, à l’unanimité, une résolution signée par de nombreux-euses député-e-s de la gauche et des verts, invitant les autorités fédérales:

– à manifester leur inquiétude auprès des autorités turques face à la violation des droits élémentaires des prisonniers en Turquie;

– à intervenir auprès des autorités turques pour leur rappeler leurs obligations en vertu des instruments internationaux et européens de protection des droits de l’Homme (notamment l’article 7 des Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus) adoptés par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 14 décembre 1990;


Le parlement genevois a également décidé de publier une annonce de protestation reprenant la résolution en question dans les principaux quotidiens de Turquie.


Cette lutte continue! Manifestez votre solidarité en adressant des messages à la Maison populaire à Genève Fax: 022.328 92 83.


(ac)