Contre l’état d’urgence, solidarité avec le peuple pakistanais

Contre l’état d’urgence, solidarité avec le peuple pakistanais



Lundi 12 novembre dernier, à
l’appel de solidaritéS, de la Gauche anticapitaliste, du
GSsA et du CADTM, un piquet de protestation a été
organisé à Genève contre l’état
d’urgence et la répression au Pakistan. Au nom de
solidaritéS, Jean Batou a fait la déclaration suivante.

En proclamant l’état d’urgence (pratiquement la loi
martiale), le 3 novembre dernier, avec l’aval officieux des
Etats-Unis, le général Musharraf a réalisé
un nouveau coup d’Etat contre le peuple du Pakistan. Pour lui, il
s’agissait au départ de mener une opération
chirurgicale contre les milieux de la justice et des médias, de
plus en plus critiques à l’égard du pouvoir mafieux
de l’armée. En effet, les juges pointaient du doigt la
disparition de prisonniers d’opinion, de même que la
corruption entourant l’accélération des
privatisations. De leur côté, les médias laissaient
filtrer de plus en plus souvent des informations gênantes et des
opinions critiques.

Le coup du 3 novembre a cependant suscité une courageuse
résistance des avocats et des militant-e-s des droits de
l’homme, en partie liés au Parti du Peuple de Benazir
Bhutto. De ce fait, les négociations entre le pouvoir militaire
et l’ancienne présidente, encouragées par les
Etats-Unis, ont été subitement interrompues. De nombreux
militant-e-s du Parti du Peuple Pakistanais sont aujourd’hui
réprimés… et Mme Bhutto est maintenue sous
contrôle militaire, malgré la levée de son
assignation à résidence.

Depuis le milieu de la semaine du 5 au 11 novembre, la polarisation
politique a poussé à la polarisation sociale. Celle-ci se
nourrit de l’appauvrissement général de la
population, causée par l’un des programmes
néolibéraux les plus brutaux d’Asie… Jeudi 8
novembre, The News International titrait ainsi: «Le pouvoir
étudiant sort de sa léthargie». Le lendemain, les
ouvriers proches du Parti du Peuple s’affrontaient à la
police à Rawalpindi, débouchant sur 5000 interpellations.
La longue Marche de Lahore à Islamabad (275 km) contre
l’état d’urgence, appelée le 13 novembre par
Benazir Bhutto, a été interdite…

Plateforme d’intervention des Etats-Unis dans toute la
sous-région, le Pakistan est aussi un laboratoire
néolibéral de la pire espèce. Comme le relevait
une note des services économiques du gouvernement Musharraf,
datée du 17 février dernier: «les trois piliers de
l’économie pakistanaise sont la
dérégulation, la libéralisation et la
privatisation». On ne pouvait être plus clair! En effet,
depuis 1991, le pays a privatisé 163 entreprises publiques et un
rapport de l’International Finance Corp. et de la Banque
Mondiale, intitulé «Doing Business in 2006», place
le Pakistan en tête des pays «ouverts aux
réformes» de l’Asie du Sud.

Enfin, la Suisse n’est pas insensible aux charmes de ce pays. En
2006, les exportations du Pakistan vers la Suisse ont crû de 50%,
motivant la visite, au début de cette année, d’une
délégation officielle de Berne, dirigée par Monika
Ruhl Burzi, ambassadrice et membre de la direction du SECO, responsable
du développement des relations bilatérales avec les pays
émergents. Celle-ci a affirmé à M. Zahid Hamid,
Ministre de la privatisation et de l’investissement du Pakistan
(sic!), que «les compagnies suisses opérant au Pakistan se
sentaient très à l’aise et avaient
l’intention de continuer à augmenter le volume de leurs
investissements». Les exportations d’armes de la Suisse
vers ce pays en crise s’inscrivent dans ce contexte.

Le général Musharraf est de plus en plus isolé,
dénoncé aux Etats-Unis même par l’Association
des avocats… Le 5 novembre dernier, la bourse de ce pays perdait
5 milliards $, sa pire journée depuis 17 ans. Et malgré
l’annonce du maintien des élections législatives en
janvier, le régime de Pervez Musharraf ne peut se maintenir
qu’avec le soutien effectif de l’Administration Bush,
quelles que soient les précautions oratoires de Condolezza
Rice…

Contre la logique du fait accompli et contre le pouvoir des casernes,
solidaritéS revendique la levée immédiate de
l’état d’urgence au Pakistan, la libération
de tous les prisonniers politiques (plus de 10 000
aujourd’hui) et le rétablissement de l’ensemble des
libertés garanties par la Constitution. Nous soutenons les
organisations de la société civile, plus
précisément le mouvement syndical et la gauche
anticapitaliste, en particulier le Parti du travail du Pakistan. Nous
revendiquons l’arrêt de toute ingérence
extérieure dans la politique du Pakistan, l’annulation de
la dette odieuse de ce pays, ainsi que l’interruption de toute
collaboration militaire et économique de la Suisse avec le
régime pro-impérialiste et néolibéral de
choc du général-président Pervez Musharraf.