Finances, Une politique d'austérité brutale
Une politique daustérité brutale
Suite de notre série darticles sur la politique financière de la Suisse, ici quelques indications sur lampleur de la politique daustérité conduite jusquà maintenant.
Sébastien Guex
Sous la pression des déficits largement creusés par la politique des caisses vides, les autorités fédérales et cantonales ont mené tout au long des années 1990 une politique daustérité brutale. Dès 1992, de nombreux et sévères programmes déconomies ont été adoptés; ils sont entrés en vigueur dès 1993 sur le plan fédéral et dans les cantons. 2 Il serait beaucoup trop long den détailler les multiples aspects, mais il est en revanche utile den montrer les résultats globaux.
Augmentations?
Les dépenses de lensemble des collectivités publiques ont augmenté, en francs constants, de 12% de 1992 à 1998, 3 soit de 2% par an, cela durant la pire crise économique que la Suisse ait connue depuis celle des années 1930 (Durant cette dernière, de 1930/31 à 1936, les dépenses de la Confédération et des cantons avaient crû de plus de 30% en termes réels, soit de près de 6% par an en moyenne). En fait, en examinant plus précisément les données, on constate que ces dépenses ont fortement augmenté en 1993 (+ 6,5% en francs constants par rapport à 1992), mais que depuis cette année, date de lentrée en vigueur des programmes daustérité, elles nont crû en tout et pour tout que de 6,4%, soit de 1,3% par année. 4 Si lon rapporte les dépenses au nombre dhabitants, la sévérité de la politique daustérité apparaît encore plus nettement: de 1993 à 1998, les dépenses par habitant de la Confédération, des cantons et des communes ont progressé, en francs constants, de 4,3%, soit, de 0,8% par an. 5 En dautres termes, la politique daustérité a eu pour effet une quasi-stagnation des dépenses des collectivités publiques helvétiques, alors que le nombre de chômeurs sélevait, selon les chiffres officiels, à près de 200000 en 1997.
En ce qui concerne la seule Confédération, les dépenses ont connu une croissance, toujours en termes réels, de 16% entre 1992 et 1999, soit une augmentation annuelle de 2,2%. Cette croissance un tout petit peu plus généreuse sexplique essentiellement par le fait quune large partie des dépenses provoquées par laugmentation brutale du chômage à partir de 1991 a été pris en charge, par le biais de lassurance-chômage et de lassurance-invalidité, par lEtat fédéral. Cela ne signifie pas que la politique daustérité nait pas été ici aussi très rigoureuse: en fait, dès 1993, moment où le premier programme déconomies fédéral a été appliqué, les dépenses nont augmenté quau rythme moyen de 1,5% par an jusquen 1999. Quant aux dépenses pour le personnel administratif de la Confédération, elles ont diminué, en francs constants, de 1,7% entre 1993 et 1999. 6
Sur le plan cantonal, et surtout au sein de certains cantons, la politique daustérité a été encore plus brutale. Globalement, les dépenses des cantons ont progressé de 14,8% entre 1992 et 1998, soit de 2,3% par an. A partir de 1993, la croissance nest plus que de 1,4% par année (et de 0,8% par an si lon tient compte de la croissance du nombre dhabitants). 7 Cependant, dans plusieurs grands cantons, il ny a même pas eu croissance très faible mais régression des dépenses depuis 1993. Dans le canton de Zurich, les six plans daustérité successifs ont entraîné une diminution des dépenses, en francs constants, de 0,5% entre 1993 et 1998. Dans celui de Schaffhouse, les dépenses ont régressé de 1,7% et dans celui de Genève de 2,4%. 8 Cette politique sest notamment faite au détriment des employés cantonaux qui, dans le canton de Genève par exemple, ont dû faire, depuis le début des années 1990, des sacrifices salariaux cumulés atteignant 1,5 milliard de francs. 9
… Non, diminutions
Limage qui se dégage des communes est encore plus sombre. Dans lensemble, les dépenses des communes suisses ont progressé de 6,2% entre 1992 et 1998, soit au rythme de 1% par année. A partir de 1993, date de lentrée en vigueur des programmes daustérité, lallure se ralentit encore: elle nest plus que de 0,8% par an; quant aux dépenses par habitants, elles font du surplace (+ 0,1% par an entre 1993 et 1998).A nouveau, ces résultats globaux ne doivent pas cacher que dans maintes grandes villes, les dépenses ont en fait régressé en termes réels entre 1992 et 1998: de 2,8% pour Genève, de 6,3% pour Aarau, de 17,6% pour Lugano et même de 23,2% pour Soleure. 10
- Lécriture de cette étude a été achevée à la mi-décembre 2000.
- Cf. S. Guex, op. cit., pp. 187-207.
- Les comptes définitifs des cantons et des communes ne sont malheureusement pas encore disponibles au moment où cet article est rédigé.
- Les données sont tirées de Administration des finances, Finances publiques en Suisse 1998, Berne, 2000, p. 3. Lindice des prix utilisé pour déflater les données est celui calculé pour les finances fédérales; cf. le Compte dEtat de la Confédération suisse 1998, p. 229.
- Cf. Ibid., p. 5.
- Cf. le Compte dEtat de la Confédération suisse 1999, pp. 235 et 279.
- Les données sont titée de Administration des finances, Finances publiques en Suisse 1998, Berne, 2000, p. 2.
- Cf. Ibid., p. 59.
- Cf. Le Temps du 31 mars 2000.
- Les données sont titée de Administration des finances, Finances publiques en Suisse 1998, Berne, 2000, pp. 2, 73 et 100.