Fonction publique vaudoise«Ce n’est qu’un début, poursuivons le combat!

Fonction publique vaudoise
«Ce n’est qu’un début, poursuivons le combat!»

Avec quelques mois d’avance, les salarié-e-s de la
fonction publique vaudoise ont fêté à leur
manière, le jeudi 31 janvier, l’anniversaire de Mai 68.
Précédée d’une grève réussie,
une manifestation massive et déterminée s’est
déroulée contre la tentative d’imposition, sans
véritable négociation, d’une nouvelle grille
salariale, issue d’une réorganisation de la classification
des fonctions (Decfo/Sysrem).

Dans le contexte helvétique, qui est plutôt celui
d’une atonie sociale, trop rarement traversée de
mobilisations et de luttes des salarié-e-s, l’action de la
fonction publique vaudoise est encourageante. Elle montre à
toutes et à tous que la lutte est possible et qu’elle paie.

La lutte est possible: on aurait tort de croire que la mobilisation
sociale va de soi sous prétexte qu’elle se déroule
dans le cadre des services publics. L’Etat patron n’a eu de
cesse d’intimider et de menacer son personnel durant la
préparation de la grève et de la manifestation. Le
Conseil d’Etat a d’abord déclaré «urbi
et orbi» que la grève était illicite, laissant
ainsi planer la menace de sanctions ou de rétorsions. Puis il a
sorti l’arme de l’inscription du fait de grève dans
le dossier personnel de chaque participant-e à l’action,
pour la rengainer ensuite (c’était un
«couper/coller» malheureux qui n’avait pas
été effacé dans la circulaire!). Ensuite, afin de
désorienter encore plus son personnel, il a multiplié les
effets d’annonce sur de prétendus nouveaux montants qui
seraient débloqués, alors qu’il s’agissait de
sommes déjà présentées durant les phases
antérieures de la pseudo-négociation. Tout ce travail de
sape, foulant au pied libertés syndicales
élémentaires et droits fondamentaux, s’est
déroulé sous la houlette de la délégation
du Conseil d’Etat. Les deux magistrats socialistes qui y
participent n’ont pas jugé bon de se distancier de ces
pratiques classiquement patronales.

La lutte est possible et elle paie: certes, le report de la reprise des
négociations au 31 mars comporte un aspect tactique, le
gouvernement jouant la carte de l’épuisement de la
mobilisation en pariant sur la durée. Reste le fait majeur: le
Conseil d’Etat a reculé. Le Syndicat des services publics
(SSP) intitule son communiqué de presse «Une grève
massive oblige le Conseil d’Etat à revoir sa copie»,
alors que la Fédération syndicale SUD (Solidaires,
Unitaires et Démocratiques) titre « Dans les faits, le
Conseil d’Etat retire le projet Defco-Sysrem».

Cette capacité d’action maintenue du personnel de
l’Etat de Vaud tranche sur l’évolution dans certains
autres cantons romands (Genève, p. ex.) ou en quelques
années le potentiel de riposte de la fonction publique
s’était pour ainsi dire évaporé. Plusieurs
éléments peuvent expliquer le maintien, ou la relance, de
cette combativité.
En cultivant le flou sur ses véritables intentions, en restant
obscure quant au financement du nouveau système salarial, en
entrant en négociations sans y entrer vraiment, le gouvernement
a donné l’impression de mépriser son personnel et
de banaliser les éventuelles baisses de salaires prévues.
Or comme le rappelait Olivier Besancenot à propos du pouvoir
d’achat, «on ne plaisante pas avec le porte-monnaie».

Le retour aux chiffres noirs et aux soldes positifs dans les comptes
cantonaux a été perçu par une grande
majorité du personnel comme étant – à juste
titre – le résultat des politiques
d’austérité qui lui ont été
appliquées. Il lui semblait donc normal qu’après
des années de sacrifices, son tour soit venu de profiter de
l’embellie, manière de faire reconnaître sa
participation au rééquilibrage budgétaire. Ces
deux éléments peuvent expliquer l’extension –
remarquée – de la mobilisation à des secteurs
réputés moins combatifs du personnel (comme certains
secteurs de l’administration).

Constatons en outre que depuis les manifestations contre le plan
d’économie Orchidée au milieu des années 90,
les actions n’ont pas cessé. Avec des hauts et des bas,
bien sûr. Mais, même en 2004, lors de la bataille sur les
salaires, 7’000 personnes étaient descendues dans la rue.
Et ce résultat n’avait pas été jugé
très folichon. L’avenir allait montrer qu’il
s’agissait de l’étiage de la mobilisation.

La poursuite de la lutte contre les plans gouvernementaux demandera
certainement beaucoup de ténacité et d’engagement.
Elle sera longue et complexe, le couple Decfo/Sysrem ne se
caractérisant pas a priori par sa transparence. Un concurrent au
Grand Prix du Maire de Champignac pourrait même dire qu’il
s’agit d’une usine à gaz dans laquelle il y a
à boire et à manger! D’où l’importance
de mettre en avant des revendications unificatrices et de refuser que
les avancées des un-e-s soient financées par les reculs
des autres. D’où l’importance aussi de poursuivre le
travail de solidarité avec la lutte de la fonction publique
vaudoise.

Daniel Süri