Requérant-e-s d’asile à Vallorbe:La commune n’est pas seule en cause

Requérant-e-s d’asile à Vallorbe:
La commune n’est pas seule en cause

A la suite de l’article de D.
Süri critiquant la politique des autorités communales de
Vallorbe en matière d’accueil des requérant-e-s
d’asile (no 120 du 9 janvier), nous avons reçu un courrier
de deux conseillères juridiques, au nom du Service d’aide
juridique aux exilé-e-s (SAJE), que nous publions ci-dessous,
suivi d’une réponse de l’auteur de l’article
incriminé.

«Cher Monsieur Süri,



En tant que conseillères
juridiques au Service d’Aide Juridique aux Exilé-e-s
(SAJE) à Vallorbe, nous avons lu avec attention votre article
intitulé «A Vallorbe, la politique de l’UDC se fait
sans elle!». Nous avons été très surprises
de la simplification de l’analyse que vous offrez à vos
lecteurs et à vos lectrices sur un sujet aussi complexe. En tant
que personnes qui aident les requérant-e-s d’asile sur le
terrain, nous nous permettons de vous faire part de nos remarques.




Vous décrivez la situation de
manière dichotomique en plaçant d’un
côté les Vallorbiers et de l’autre les
requérant-e-s. Il semble que cette dualisation mette de
côté d’autres «acteurs».




Quand le centre
d’enregistrement a été créé (2000),
la municipalité de Vallorbe et l’Office
fédéral des migrations (ODM) ont établi des
règles, afin que la cohabitation se passe au mieux. Les deux
parties avaient notamment passé un accord tacite afin que le
nombre de requérant-e-s dans le centre ne dépasse pas
150. Rappelons que Vallorbe est une petite ville d’environ 3000
habi-tant-e-s. Les requérant-e-s d’asile
séjournaient alors au maximum 30 jours dans le centre, puis
étaient attribué-e-s à un canton.




Actuellement, avec
l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’asile
en janvier 2007 et en janvier 2008, le centre accueille environ 270
personnes en permanence. La procédure (auditions, notification
des décisions… etc.) se passe exclusivement au centre et
les requérant-e-s y restent généralement 2 mois.




Les conditions au centre sont les
suivantes: dortoirs de 16 lits, hommes et femmes
séparé-e-s, fouilles à chaque entrée dans
le centre, heures de sortie limitée, 3.- d’argent de poche
par jour, saisie de certains objets (ex. natel), interdiction
d’amener des produits alimentaires… etc. De plus, il
n’y a plus de personnel médical dans le centre. Le centre
est uniquement géré par des entreprises privées,
à savoir Securitas et ORS. Le tout donne un résultat
explosif. Des personnes traumatisées,
déboussolées, souvent malades séjournent 2 mois
dans un centre qui n’a pas été
aménagé en parallèle avec l’augmentation du
nombre de requérant-e-s et de la durée du séjour.




Avec la mise en place de ces
nouvelles lois, nous sommes les témoins directs de
l’augmentation de la tension et de la violence, dues au mal
être, au désespoir, à l’impuissance et
à l’ennui des requérant-e-s.




Laisser 270 personnes dans cette
situation dans une ville de 3000 habitant-e-s, ce n’est pas
facile à gérer. L’ODM n’a rien mis en place
au niveau de l’encadrement social des requérante-s
d’asile. Elle est pourtant en charge de ce centre
fédéral.




Ce n’est pas à la
commune de Vallorbe seule de gérer des centaines de personnes
traumatisées qui ne savent pas quoi faire de leurs
journées, mais également aux autorités
fédérales, voire cantonales de prendre en main cette
situation difficile, tant pour les requérant-e-s, le personnel
de l’ODM à Vallorbe, des employé-e-s du SAJE, des
bénévoles de l’ARAVOH et des Vallorbiers. Il nous
semble donc que jeter la pierre uniquement sur la population de
Vallorbe et sur ses autorités est un raccourci.




Nous restons bien entendu à
disposition si vous décidez de traiter une nouvelle fois de la
situation des requérant-e-s d’asile dans le canton de Vaud
ou à Vallorbe et nous envoyons nos salutations les meilleures.



Pour le SAJE,


Elise Shubs

et Sandra Paschou Antrilli

Oui, mais…

Merci d’abord à Elise Shubs et Sandra Paschoud Antilli de
leurs remarques et de leurs précisions, en particulier en ce qui
concerne le rôle de l’ODM et des sociétés
privées Securitas et ORS. Comme elles l’indiquent, mon
article ne traitait que de la politique suivie par les autorités
locales, systématiquement dirigée contre la
présence des requérant-e-s. Il ne prétendait pas
représenter une analyse complète de la
problématique, sur laquelle nous reviendrons sans doute à
l’occasion des Etats généraux vaudois de
l’asile et de la migration.

Cette lettre montre clairement que l’entrée en vigueur de
la nouvelle loi sur l’asile (LASI) a dégradé de
manière importante l’accueil des requérant-e-s,
contribuant à accroître le potentiel de friction avec une
partie de la population locale. Cet effet, prévisible, de la
nouvelle loi justifie pleinement la campagne des opposants à la
LASI. Celle que l’exécutif communal voulait, de fait,
interdire à Vallorbe. La Municipalité a ainsi
cherché à faire taire, sur son territoire, les critiques
expliquant pourquoi l’aggravation de la situation des
requérant-e-s n’était ni nécessaire, ni
souhaitable, politiquement, juridiquement et humainement. Je constate
qu’elle a, ce faisant, marqué un bel autogoal à son
camp, au vu des tensions actuelles.

Je ne peux toutefois pas accepter sans réagir votre reproche
concernant ma «dichotomie», opposant Vallorbiers d’un
côté et requérant-e-s de l’autre, pas plus
que je ne souscris à votre appréciation selon laquelle
j’aurai jeté la pierre «uniquement sur la population
de Vallorbe et ses autorités.» Mon article ne parle
exclusivement que des forces et des acteurs politiques de la
localité, en aucune manière des «Vallorbiers»
ou de la «population de Vallorbe» en général.
L’interprétation, abusive à mon sens, que vous
faites de mes propos me semble du reste politiquement dangereuse:
amalgamer la critique d’une autorité politique à
l’ensemble de la population dont elle est issue, c’est
finalement dire que critiquer le Conseil fédéral revient
à critiquer «les Suisses» ou la «population
suisse». Je suis persuadé que telle n’était
pas votre intention et j’accepte volontiers votre offre
concernant de futurs articles sur les conditions d’accueil des
requérant-e-s.

Cordialement.

Daniel Süri