Logement et asile
Quand Genève a perdu de vue son humanité
Neuf ans après la lutte acharnée de collectifs de soutien et de personnes dans l’asile pour dénoncer, et finalement faire fermer, les lieux d’hébergement souterrains, la Confédération rouvre des bunkers.
En 2015, une occupation de plusieurs mois de lieux publics (dont le centre du Grütli) avait permis de forcer les autorités genevoises à ouvrir les yeux sur leurs pratiques. La lutte avait été initiée par des personnes exilées que l’Hospice général avait placées dans des bunkers sous terre, parfois depuis un an, les forçant à vivre, selon leurs propres mots, «comme des rats». Aujourd’hui, la donne est différente.
Les deux abris de protection civile (à Thônex et Plan-les-Ouates) sont des Centres fédéraux d’asile (CFA), c’est-à-dire des espaces sous la coupe exclusive de la Confédération qui en délègue la gestion à l’entreprise privée ORS. La cinquantaine d’hommes placés dans ces souterrains sont arrivés très récemment en Suisse: ils sont dans les 140 premiers jours après le dépôt de leur demande d’asile.
Les conditions de vie dans les abris PC sont plus que spartiates (ni cuisine ni fenêtre, quelques douches pour des dizaines de lits), mais il faut également compter avec des horaires de sortie restrictifs, l’interdiction de certains produits alimentaires, ainsi que des fouilles corporelles à l’entrée par les équipes de sécurité.
Palexpo, la halle de la honte
Si ce sont aujourd’hui aux autorités fédérales que nous reprochons la mise sous terre des personnes en exil, Genève n’est certainement pas un canton modèle. Depuis des mois, le site de Palexpo héberge plus de 600 personnes dans une vaste halle, comprenant des box séparés entre eux par de simples draps accrochés à des barres métalliques. Dans ces box se trouvent quatre lits superposés, donc 8 places, occupées par des personnes seules, des familles, des femmes enceintes, des nouveau-nés…
Peu d’espaces communs pour vivre, pour faire ses devoirs, pour jouer. Pas de cuisine, du bruit, de la lumière… La vie dans le centre de Palexpo est tout sauf reposante et agréable. Pourtant, les personnes doivent y rester parfois six mois, voire plus…
Un accueil digne, c’est possible!
Bunkers, gigantesque halle, foyers qui ne sont pas aux normes, souvent insalubres… L’accueil à Genève est loin d’être digne pour les personnes dans l’asile. Pourtant, il serait possible de mieux faire, par exemple en réquisitionnant des immeubles vides, au nom de l’urgence et du devoir d’offrir un toit décent aux personnes qui viennent chercher refuge à Genève. Par exemple en imposant une politique du logement qui permette d’avoir suffisamment de logements à loyers abordables pour tout le monde, quel que soit son permis de séjour.
En attendant, nous continuerons de dénoncer l’entassement des personnes migrantes et le logement en bunker!
Aude Martenot