Une visite pour plaire…

Fin avril, la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider visitait le Centre fédéral pour requérant·e·s d’asile à Boudry. Entretien avec Louise Wehrli, déléguée de Droit de Rester Neuchâtel.

Elisabeth Baume-Schneider en visite à Boudry
Tout avait été soigneusement préparé pour la visite d’Elisabeth Baume-Schneider à Boudry.
Canton de Neuchâtel

Quelles préoccupations ont été au centre de cette rencontre ?

Il a été davantage question de sécurité et des quelques personnes qui posent problème que des difficultés que rencontrent la très grande majorité des requérant·e·s. Avant la table ronde, on nous a fait faire un tour du Centre fédéral (CFA). Tout était calme et propre. Pas de requérant·e·s d’asile en vue. 

J’ai appris le lendemain que le repas était meilleur que les autres jours, que les occupant·e·s du lieu avaient été « briefé·e·s » pour que personne ne trouble cette visite. 

Les autorités fédérales, Mme Baume-Schneider en premier lieu, avaient clairement en tête de rassurer les autorités cantonales et la commune de Boudry. De la poudre aux yeux, comme le centre de fitness nouvellement installé, récupéré à Giffers, qu’iels nous ont fièrement montré. Iels ont beaucoup parlé chiffres et se sont mis d’accord sur le fait qu’on n’arrive plus à 1000 personnes comme ça a été le cas en automne 2022, alors que le centre de Boudry est construit pour 480 personnes. Personne n’était là pour remettre en cause la politique semi-carcérale du CFA de Boudry. 

As-tu le sentiment d’avoir tout de même été écoutée et entendue ?

J’ai des doutes. J’ai insisté sur plusieurs points : le fait qu’on en est toujours à 3 francs d’argent de poche par jour alors que le ticket Boudry-Neuchâtel simple course coûte 4 francs 20. J’ai dénoncé une fois de plus que les agences de sécurité sont là pour faire du profit [nda  – il s’agit d’ORS, prestataire de services offrant une assistance professionnelle aux réfugié·e·s] racheté par l’entreprise britannique Serco l’année dernière). 

Mme Baume-Schneider a écouté, mais je voyais bien qu’elle était là pour se faire bien voir par les autorités cantonales et communales et que le côté social était secondaire. Le CFA est resté cette boîte noire, ce huis-clos d’où rien de négatif ne doit sortir. 

Depuis octobre 2022, la campagne « Stop Dublin Croatie » bat son plein. As-tu pu en parler ?

Non, ce n’était clairement pas le sujet. Mme Schraner-­Burgener, la secrétaire d’État du Secrétariat d’État aux migrations (SEM), s’est vantée sur le ton de la plaisanterie qu’on est quasi les champions des renvois vers l’Algérie : « Les autres pays sont presque jaloux de nous. » Mme Baume-Schneider se félicitait du fait que les Burundais·es ne peuvent plus entrer en Serbie sans visa (ces mêmes personnes qui ont ensuite été torturées en Croatie). 

À la fin, je lui ai glissé un témoignage dans la main sur le processus de dévalorisation à l’œuvre dans les CFA souvent entendu : « Suis-je au bon endroit ? Est-ce une prison ? » Ce qu’elle en fera, je n’en sais rien.

Propos recueillis par Marianne Ebel