Autriche
Succès du Parti communiste à Salzbourg: Un tournant socio-écologique?
Le Parti communiste autrichien (KPÖ) a remporté un succès étonnant lors des élections municipales du 10 mars dans la ville de Salzbourg. Depuis, pas mal de gens de gauche, surtout en Allemagne, pensent que le KPÖ est un modèle à suivre. Mais il n’y a pas de modèle…
Le 10 mars, le KPÖ a obtenu 23,1% des voix dans la ville de Salzbourg et a ainsi décuplé sa représentation au Conseil municipal, passant de 1 à 10 sièges. Kay-Michael Dankl, le candidat du parti à la mairie, a même obtenu 28% des voix, reléguant le candidat du parti conservateur ÖVP (Österreichische Volkspartei) à la troisième place. Le 24 mars, le deuxième tour du scrutin pour la mairie a finalement été remporté par le social-démocrate (SPÖ) Bernhard Auinger avec 62,5% des voix, contre 37,5% pour Kay-Michael Dankl.
Le grand perdant des élections était le parti conservateur ÖVP, qui avait détenait la mairie depuis 2017. Il a chuté de 36,7% à 20,8% des voix. Le SPÖ a certes réussi à se stabiliser à 25,6%, mais il a obtenu son plus mauvais résultat depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le parti populiste de droite, voire d’extrême-droite, FPÖ, a progressé à 10,8%, ce qui est toutefois nettement inférieur à ses propres attentes.
Le KPÖ Salzbourg a confirmé sa progression amorcée lors des élections régionales du 23 avril 2023 dans le Land de Salzbourg. Il avait obtenu 11,7% des voix dans ce Land conservateur et 21,5% des voix en ville de Salzbourg. C’était une grande surprise et a permis au parti de revenir au parlement pour la première fois depuis 1949. Rappelons que le KPÖ était sorti premier parti de la ville de Graz lors des élections communales de 2021 avec plus de 29% des voix. Et le parti avait obtenu 0,69% des voix lors des élections nationales de 2019.
Le gouvernement de la ville de Salzbourg est formé d’une coalition multipartite fonctionnant selon le principe du consensus. Durant la dernière législature, elle a été dirigée par l’ÖVP et soutenue harmonieusement par les Verts et le SPÖ. Le Land de Salzbourg a été gouverné jusqu’à 2023 par une coalition conservatrice-libérale-verte. Les gouvernements de la ville et du Land ont mené une politique particulièrement antisociale et nuisible à l’environnement. La politique du logement du gouvernement régional s’est orientée vers une promotion réactionnaire de la propriété privée.
Le logement, thème central
Le coût élevé du logement est depuis des années un problème majeur pour de nombreux·ses salarié·es. Les propriétaires de longue date en profitent. La construction de logements se concentre sur des appartements lucratifs dans le segment haut de gamme. Contrairement à Vienne ou Linz, Salzbourg ne construit pas de logements communaux. Pour de nombreux·ses salarié·es, le coût du logement est devenu insupportable. La situation s’est aggravée en raison de la hausse considérable des coûts de l’énergie.
Lors de la campagne électorale, le KPÖ s’est limité au thème du «logement abordable», sujet de société le plus brûlant à Salzbourg. Le KPÖ exige la construction de logements locatifs subventionnés, l’achat de terrains par les pouvoirs publics pour la construction de logements subventionnés et la reprise de la construction de logements communaux. Le KPÖ ne pose cependant aucune exigence qui irait au-delà d’un programme d’atténuation sociale. La question de la propriété privée reste par exemple taboue. Le KPÖ fait ce que le SPÖ faisait historiquement, mais de manière encore plus timide. L’éloquence ainsi que l’attitude simple et modeste de leur candidat Kay-Michael Dankl ont été un facteur essentiel de son succès électoral. Il a réussi à ramener systématiquement chaque question d’interview au thème central du «logement abordable».
Pas de changement décisif
Le succès électoral du KPÖ correspond-il à un virage à gauche de la société ou même à un renforcement des positions socio-écologiques par les électeur·ices? Le KPÖ a réussi à attirer de nombreux abstentionnistes. Le résultat des élections exprime donc aussi un mécontentement de ceux d’en bas contre ceux d’en haut. Le succès du KPÖ montre que dans la situation actuelle, un petit collectif peut construire en quelques années une organisation qui change le paysage partisan. Les rapports de force sociaux n’ont cependant guère évolué. Ni les syndicats, ni par exemple le mouvement climatique ou les initiatives antiracistes n’ont réussi à imposer des succès mesurables. Bien au contraire, les conditions générales sont particulièrement défavorables à de véritables réformes sociales et écologiques.
Christian Zeller
Enrichissement électif interdit
Depuis 1998, les élu·es du KPÖ limitent leur salaire à celui d’un·e ouvrier·e qualifié·e (2300 euros nets en moyenne). Le reste est reversé à des personnes en situation de détresse. En 2023, le montant ainsi redistribué a atteint près de 320000 euros.