Autriche

Les Verts au gouvernement, la compétitivité au pinacle

Les élections du 29 septembre 2019 ont désigné deux nets vainqueurs. D’une part le Parti conservateur (ÖVP : Parti populaire autrichien) avec 37,5 % des voix et d’autre part le Parti vert (Grüne Partei) avec 14 % (+ 10,1 %). Les sociaux-démocrates (SPÖ : Parti social-démocrate d’Autriche) ont reculé à 21,2 % (– 5,7 %), comme la droite xénophobe du FPÖ (Parti de la liberté d’Autriche), qui est tombée à 16,2 % (– 9,8 %).

Le président Alexander Van der Bellen, le chancelier Sebastian Kurz (ÖVP) et Werner Koegler (les Verts)
Le président Alexander Van der Bellen, le chancelier Sebastian Kurz (ÖVP) et Werner Koegler (les Verts)

Deux ans auparavant seulement, le Parti vert avait subi une défaite douloureuse. Cette fois, porté par la vague du mouvement pour le climat, il a bénéficié d’une progression considérable. Le score des conservateurs du Parti populaire est l’expression d’une véritable hégémonie conservatrice dans le pays. Mais l’ÖVP profite aussi de la saignée subie par le FPÖ, formation nationale-populiste et post-fasciste, qui paye ainsi l’addition du scandale de corruption qui a touché sa direction, tout en arrivant à se stabiliser à un niveau important. La défaite du SPÖ est cuisante, puisque le Parti social-démocrate obtient son pire résultat depuis cinq décennies.

Après trois mois de négociations pour former une coalition, les dirigeants Sebastian Kurz (ÖVP) et Werner Koegler (les Verts), ont présenté le programme de cet attelage le 2 janvier. La classe dirigeante, à travers ce programme, signifie clairement qu’elle veut soumettre tous les secteurs de la société à l’impératif de la compétitivité des entreprises exportatrices. Chaque domaine spécifique, en particulier celui de la politique climatique, est subordonné à la compétitivité des grandes entreprises. Kurz et Koegler l’ont répété presque mot à mot dans leur présentation. Les associations patronales et la Chambre de commerce sont ravies.

Le nouveau gouvernement ne touchera à aucune des mesures antisociales et racistes du gouvernement ÖVP-FPÖ de 2017-2019. Le programme de gouvernement poursuit une politique d’asile inhumaine et la migration est aussi subordonnée à l’impératif de la compétitivité.

L’exécutif ÖVP-Verts veut baisser de manière significative les impôts sur le revenu et sur les bénéfices des entreprises. Le taux d’imposition maximal des millionnaires doit être revu à la baisse. La seule réduction de la fiscalité des entreprises amènera une diminution de 2 milliards d’euros des rentrées fiscales. En même temps, ce gouvernement entend respecter la règle du zéro déficit et a pour objectif de ramener à moins de 60 % du Produit intérieur brut la dette publique, soit en dessous de la norme fixée par l’Union européenne. Il apparaît ainsi clairement que ces contraintes supplémentaires vont servir à renforcer la politique d’austérité du gouvernement précédent.

Les médias et le Parti vert ont propagé l’idée que le programme gouvernemental contenait tout de même des avancées vers la réduction des émissions de gaz à effet de serre. C’est faux et cela revient à tromper l’opinion publique.

Le texte gouvernemental ne se prononce pas sur les grands projets fossiles en cours, comme l’agrandissement de l’aéroport de Vienne-Schwechat ou divers projets autoroutiers. Le chancelier Kurz a souligné que tous ces projets seraient réalisés. Un choix qui pèse d’autant plus lourd que l’on a appris que les émissions de CO2du trafic routier avaient de nouveau augmenté en 2019, et cela pour la cinquième année de suite.

Le programme veut que la production d’énergie provienne totalement des énergies renouvelables jusqu’en 2030. Il postule même pompeusement qu’à partir de 2040 l’Autriche sera neutre sur le plan des émissions de gaz à effet de serre. Mais comme il ne mentionne pas une seule mesure concrète pour y arriver, ces passages ne sont que de béquilles pour la propagande des Verts. Matériellement, ces déclarations n’ont aucun poids.

Toutefois, le programme prévoit un abonnement autrichien des transports publics pour la somme annuelle de 1 095 euro. Ici aussi, toutefois, il n’y a pas de délai pour son introduction et la question de son financement n’est pas résolue. En outre, de nombreuses questions concrètes touchant la compatibilité de cet abonnement avec les communautés tarifaires existantes se posent.

Résumons : ce gouvernement est au service des nanti·e·s et poursuivra la politique hautement antisociale de son prédécesseur. Il n’apportera rien en matière de protection du climat.

Les Verts ne sont pas un parti œuvrant pour la protection du climat, mais un parti libéral soutenant la compétitivité des multinationales autrichiennes. Les mobilisations du mouvement pour le climat ont entraîné le succès électoral du Parti vert, sans qu’il y contribue lui-même. Entré au gouvernement, il mène une politique contre des acquis sociaux à défendre et utilise la protection du climat comme une pure opportunité de propagande.

L’alternative est claire : il s’agit de construire une opposition large, au niveau de la société, à ce gouvernement et un puissant mouvement pour la protection du climat, un mouvement capable d’imposer des mesures réelles.

Christian Zeller
Adaptation et traduction : Daniel Süri
Une version plus longue de cet article est disponible sur notre site