L’Uni aux mains d’un manager… pas question !

L’Uni aux mains d’un manager… pas question !

Le projet de loi sur l’Université de Genève,
d’inspiration néolibérale, prévoit l’introduction
d’une structure hiérarchisée, basée sur un
«rectorat fort», jugée plus apte que les structures
participatives à imposer à la communauté
universitaire les impératifs dictés par les milieux
économiques. Il en résultera immanquablement une
soumission de la recherche au diktat du financement privé au
détriment de la liberté académique. En outre, les
étudiant-e-s comme le personnel seront touchés par la
détérioration de leur statut et l’augmentation
prévisible des taxes. En réaction, la CUAE a lancé
l’initiative «pour la démocratisation de
l’Université», qui prévoit la gratuité des
études universitaires, l’instauration d’une véritable
démocratie interne, et des garanties concernant le statut et les
conditions de travail du personnel.

Bourses insuffisantes et taxes en hausse…

La situation sociale des étudiant-e-s est
présentée à tort comme celle de
privilégié-e-s. La réalité est tout autre.

A l’Université de Genève (selon les chiffres de son
«Observatoire de la vie étudiante»), plus de 80 %
des étudiant-e-s ont un travail rémunéré en
parallèle à leurs études, et il est
considéré comme «absolument
nécessaire» par plus de la moitié d’entre
eux-elles. Les foyers pour étudiant-e-s sont pleins, les
chambres chez l’habitant-e trop souvent hors de prix. Les régies
ont du mal à signer un contrat de bail à cette population
précaire à bas revenus, qui pourrait ne pas avoir les
moyens de les engraisser. Quant aux squats, la répression accrue
de ces derniers temps permet difficilement de les envisager comme lieu
d’habitation suffisamment stable.

Cette situation est évidemment à mettre en
parallèle avec le système de bourses absolument impropre
à couvrir les besoins vitaux d’un-e étudiant-e.
L’allocation maximale est en effet fixée à 10 700 francs
par année pour un-e étudiant-e de plus de 25 ans, alors
que le Bureau universitaire d’information sociale estime le budget
annuel minimal à 26 000 francs, en tenant compte de l’heureuse
hypothèse d’un loyer modéré. En outre, un-e
étudiant-e qui poursuit ses études à un rythme
plus lent – en raison notamment d’un travail
rémunéré – perd son droit à l’allocation
(grâce au critère de «normalité» des
études).

Suite à la «crise de l’Université» du
printemps 2006, largement mise en scène par les médias,
la commission externe chargée de concoter un avant-projet de loi
a proposer de confier à l’Université le soin de fixer les
taxes d’études. Cette dérive
antidémocratique a été considérée
comme inacceptable, même par le Conseil d’Etat, qui a
préféré se défausser en appelant de ses
voeux une «loi spéciale», à qui il reviendra
de fixer ces taxes. Quand on s’intéresse aux diverses
propositions en la matière, on ne peut que s’inquiéter
devant de nouvelles annonces de dérives d’inspiration populiste
ou ultralibérale : faire payer aux étudiant-e-s
migrant-e-s le coût réel de leurs études1
(jusqu’à 45 000 francs !) ou augmenter les taxes pour tous les
étudiant-e-s à 5000 francs par semestre…2

Sélection, autoritarisme et libéralisation

Un renforcement du rôle de la sélection sociale à
l’Université (comme dans l’ensemble du système
éducatif) est donc à l’ordre du jour, et cette situation
peut être généralisée à la Suisse
comme à l’ensemble de l’Europe. Une manière de s’opposer
à cette dégradation est d’instaurer enfin la
gratuité de l’enseignement supérieur, comme la Suisse
s’est engagée à le faire en signant le pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels sous l’égide de l’UNESCO.3

Afin d’éviter toute contestation, qui ne serait que
«perte de temps», le projet de loi prévoit de vider
davantage la participation de son sens. Non seulement le corps
professoral demeure surreprésenté dans la nouvelle
«Assemblée de l’Université», mais surtout,
cette assemblée n’a plus aucune possibilité de prendre
des décisions! La nouvelle loi ne lui réserve qu’une
fonction d’organe consultatif dépourvu de toute
prérogative réelle. Bien sûr, le rectorat
s’étonnera que cette prétendue participation n’attire pas
grand monde: c’est étrange que les étudiant-e-s ne
veuillent pas jouer un rôle de figuration! Il en va de même
en ce qui concerne le personnel administratif et technique (PAT) ainsi
que le corps intermédiaire, eux aussi systématiquement
minorisés dans les divers organes «participatifs».
Enfin, le projet de loi prévoit que l’Université devienne
l’employeur du personnel. Il importe au contraire d’assurer le maintien
du personnel dans le cadre de la fonction publique, et de lui garantir
des conditions de travail propre à l’exercice de sa mission.
Ceci ne peut être fait que par l’Etat et les
collectivités publiques.

Actuellement, la majorité du corps intermédiaire a un
statut précaire fait de contrats renouvelés à
court terme et impropres à l’exercice de la liberté
académique comme à l’établissement d’un
véritable projet de recherche. Nombre d’assistant-e-s sont
employé-e-s (et donc payé-e-s) à des taux de 50
à 70 % pour un travail représentant plus de 100 %, alors
que dans le même temps, le projet de loi prévoit
d’augmenter le salaire de prétendues sommités du corps
professoral, pourtant déjà grassement
rémunérées. Il en est de même pour le
travail du personnel administratif et technique, qui n’est pas reconnu
à sa juste valeur, et se voit souvent externalisé dans
des conditions scandaleuses.

Le Comité de la Conférence universitaires des Associations d’Etudiant-e-s (CUAE)*

* Intertitres de la rédaction
1    PL 9818              
2    PL 9856
3    Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, art. 13.

Initiative importante, référendum essentiel!

solidaritéS soutient l’initiative lancée par la
CUAE «pour la démocratisation de
l’université» qui demande la gratuité des
taxes d’études, des conseils paritaires et
décisionnaires, un statut correct du personnel administratif et
technique et le rattachement des instituts subventionnés
à l’UNIGE. Nous appelons nos lecteurs-trices genevois
à la signer et à la faire signer.

Le texte est disponible sur www.asso-etud.unige.ch/cuae/ ou sur www.solidarites.ch.
Les initiant-e-s ne disposent actuellement que de 3500 signatures
environ (sur les 11 000 à 12 000 nécessaires), et le
délai de dépôt est au 8 avril… La mission
est donc ardue!

En vue du référendum nécessaire contre la nouvelle
loi sur l’UNIGE, nous appelons à créer un large
front et à travailler collectivement pour que la population
puisse se prononcer in fine.   

Marie-Eve Tejedor