La Critical Mass vue par les vélorutionnaires


La Critical Mass vue par des vélorutionnaires


Tous les derniers vendredis du mois dès 18h. au Pont des Bergues, la Critical Mass rassemble quelques dizaines à quelques centaines d’utilisateurs/trices d’engins non polluants (vélos, skates, patins). Nous nous sommes entretenus avec deux participants. Les prénoms sont fictifs…

Rédaction

Pourquoi participez-vous à la Critical Mass?


André. C’est une forme d’activité qui n’est soumise à aucune règle. Elle fait prendre conscience à la population de la présence des vélos, puisque nous sommes en nombre, et elle leur apprend à faire attention. Nous, on dit: «La rue, pas la route!». C’est une manière de se réapproprier l’espace urbain, monopolisé par les automobilistes. Les responsables politiques, de gauche, comme de droite ont négligé les cyclistes. Il y a une place à reprendre.


Roberto. Le fait de me faire emmerder tout le mois par des bagnoles, ça me donne envie de leur rendre la pareille. Même si, à la base, c’est ça, il y a quand même des automobilistes sympas qui nous encouragent ou nous félicitent.


Qui sont les participant-e-s à Critical Mass?


Roberto. Deux-cent personnes normales et une dizaine de flics à vélo (avec des fourgons derrière).


André. Une majorité de collégiens/ennes. Des très jeunes aussi du Cycle. Certaines personnes viennent en famille. L’autre jour, il y avait même Nils de Dardel, alors qu’il n’y a pas d’élections en vue… La classe!


Mais n’y a-t-il pas précisément des forces politiques qui, comme les verts, ont fait de la défense de l’environnement et des conditions de vie en ville le coeur de leur discours? Sans parler d’associations comme l’ATE ou l’ASPIC?


Roberto. Si on regarde les choses sérieusement. Les pistes cyclables ont coûté quelques millions, alors que le réseau routier et autoroutier genevois a coûté des milliards.


André. Pour ce qui est des verts, ils sont au gouvernement depuis bientôt quatre ans et la place et la sécurité des cyclistes sur les principaux axes urbains n’ont pas sensiblement progressé. Pour ce qui est des associations, elles ont peur de dire les choses franchement pour ne pas se confronter à Gérard Ramseyer.


Est-ce que c’est important pour vous d’agir directement en vous imposant au milieu de la circulation, plutôt que de vous limiter à demander aux autorités de prendre des mesures?


Roberto. Quand on bloque le cœur de la ville, on dérange le système. C’est aussi une façon de le refuser. En agissant directement, on essaie de forcer les choses, de revendiquer nos droits sans les mendier.


André. En février 2000, on nous a passé les menottes. Tantôt ils nous traitent comme des gosses – «allez jouer ailleurs» – tantôt comme des criminels. On ne fera jamais la même chose à quelqu’un qui brûle un feu rouge. Ça montre bien que le système nous perçoit comme des adversaires. En réalité, ça nous stimule à occuper la rue plus nombreux/ses.


Réd. Comment percevez-vous l’attitude de la police à votre égard? Y a-t-il une raison à son comportement particulièrement agressif?


André. En février 2000, ils sont intervenus de façon particulièrement «musclée» pour faire peur aux plus jeunes et aux plus timides et criminaliser par la suite les plus téméraires. Il y a beaucoup de jeunes qui participent pour la première fois à des actions de ce type. Il s’agit de les dissuader, aussi par des amendes salées…


Roberto. Les flics ont une attitude double. Dans la rue, ils expriment une véritable haine à notre égard, ils sont menaçants, insultants… Au tribunal, ils se présentent comme d’honnêtes «gardiens de la paix», compréhensifs à l’égard des cyclistes et soucieux de l’environnement.


Réd. Mais vous avez été acquittés deux fois par le tribunal de police. Pourquoi?


André. C’est que les interpellations sont particulièrement arbitraires. La police n’arrive pas à établir ses chefs d’accusation. Les infractions contre la circulation routière ou pour manifestation non autorisée ne sont pas démontrées. Mais, il y a le risque que la police se prépare mieux pour arracher des condamnations à l’avenir. D’où la nécessité de refuser les contrôles d’identité arbitraires et de s’opposer au travail de repérage systématique de la police.


Roberto. La justice n’ose pas nous condamner, puisque la police a agi avec un manque total de proportionnalité. En même temps, elle ne veut pas non plus légitimer la Critical Mass. Donc, l’avenir de la répression dépend plus des rapports de force sociaux que d’une logique purement policière ou judiciaire.


Réd. Pouquoi avez-vous repris le nom «Vélorution» pour la feuille que vous diffusez à la Critical Mass?


Roberto. Parce qu’on s’oppose à la vélocial-démocratie…



Ramseyer mis en boîte (VELORUTION, janvier 2001)


Avec le chef du Département de Justice et Police, le pitoyable Gérard Ramseyer, VELORUTION ne prend pas de gants. L’insolence est une arme… désarmante, comme le montre ce dialogue mis en scène, à partir de déclarations authentiques du magistrat radical:


Gérard: ces manifestations n’ont jamais fait l’objet de la moindre demande officielle.


Nous: euh, c’est normal, c’est pas des manifs, mais des coïncidences, quand tu vas au travail en voiture, tu ne nous demandes pas non plus l’autorisation. (…)


Gérard: mon département soutient en matière de cyclistes l’action de l’ASPIC (Association pour des pistes cyclables) et du TCS, associations avec lesquelles il entretient des contacts réguliers et fructueux. Il ne reconnaît par contre aucune utilité – pour reprendre votre terminologie – à des manifestation non autorisées, volontairement provocatrices et génératrices de dommages aux biens d’autrui.


Nous: c’est quoi «les biens d’autrui»? Eh, on a une utilité, celle de ne pas polluer et de faire prendre conscience aux gens de la pollution engendrée par les transports motorisés et qui fait 1600 morts en Suisse par an. Nous aussi on a des contacts: matraques contre chair humaine.


Gérard: (…)vous connaissez parfaitement notre vision moderne, notre attitude souple et consensuelle lors des manifestations de rue. Il y en a chaque année entre 500 et 600. Il s’agit cependant de respecter certaines règles minimales (…)


Nous: si il y avait effectivement 500 à 600 manifs par an tu ne serais plus au pouvoir car la révolution serait passée par là. Dans consensuelle, il y a sensuelle et con, à vous de juger.

Site: http://members.tripod.com/organizedcoincidence, e-mail: criticalmass@moncourrier.com