Un petit Davos pour l'Afrique au Mont-Pèlerin


Un petit Davos pour l’Afrique
au Mont-Pèlerin


L’Afrique est sans doute le continent qui paie depuis le plus longtemps le prix le plus lourd pour son insertion forcée à l’économie capitaliste mondialisée.
En dépit de ses économies profondément sinistrées, elle continue pourtant à attirer des investisseurs, mais sous certaines conditions… D’où l’idée d’une «bourse internationale du développement», à Genève qui pourrait fonctionner comme thermomètre et garant de la finance internationale.
C’est dans ce cadre, que le fort discret Institut CARFMAN annonce un Forum Economique Africain «Pour une Afrique moderne et compétitive» dans les salons feutrés de l’hôtel du Parc au Mont-Pèlerin, du 28 au 30 mai prochain.

J.B.


Un WEF pour l’Afrique?


Un Forum Economique Africain au Mont-Pèlerin1 intitulé «Pour une Afrique moderne et compétitive». Voilà déjà un programme riche en symboles. Le ticket d’entrée y est tout de même moins cher qu’à Davos (1’100 Frs pour trois jours, sans compter les frais d’hôtel).


Parmi les invités: 7 ambassadeurs africains, le représentant spécial du FMI auprès de l’OMC, l’ambassadeur de la Commission de l’Union Européenne, le Premier conseiller de l’ambassade de France, le Vice-président de la Fédération de chambres du commerce Suisse-Afrique, le Directeur des affaires publiques de Nestlé (Côte d’Ivoire), ainsi que, pour faire bonne mesure, un certain nombre d’émissaires de l’OMS, de l’UNICEF et des milieux universitaires. Parmi les «membres d’honneur», une Conseillère Nationale des verts, Anne-Catherine Menetrey!


De quoi est-il prévu de parler? de la globalisation, de l’avenir économique et social de l’Afrique, de la crise dans la région des Grands Lacs, de l’intégration africaine, de la «nouvelle économie» en Afrique. (voir www.carfman.org)


Qui organise ces festivités? le Centre Africain de Recherche et de Formation en Management CARFMAN. Et qui finance l’opération? Essentiellement un sponsor de marque, EMA INVEST à Genève (voir plus loin).


Un Centre Africain de management (CARFMAN)


«Entrez avec CARFMAN dans le monde différent de l’Africain, annonce pompeusement le site du Centre, vous éviterez bien des malentendus… dans vos contacts et projets avec des hommes d’affaires et politiques africains».


Parmi les buts de l’association: «promouvoir un concept de ‘management’ adapté aux caractéristiques socio-culturelles, politiques et économiques spécifiques à l’Afrique… contribuer de façon efficace au développement des personnes chargées de gérer des entreprises africaines.»


Avec de tels promoteurs, on ne s’étonnera pas de trouver cette déclaration d’intention dans les buts du Forum Economique Africain: «Il servira de plate-forme de discussion entre entrepreneurs africains et investisseurs potentiels». (www.carfman.org)


Un «Nasdaq du développement»2 par EMA Invest


La Fondation EMA est une organisation «à but non-lucratif» fondée en 1988 avec le soutien du Secrétariat d’Etat à l’Economie Suisse, du Canton et de la Ville de Genève, mais aussi de la Banque Mondiale, du Financial Times, d’ABB, de Genève Place Financière, ainsi que des banques Pictet, Bordier, BNP Paribas, SCS Alliance. Elle est présidée par Guy Mettan, conseiller municipal PDC et ancien rédacteur en chef de la Tribune de Genève. Que font les autorités genevoises dans cette galère? Nous le leur demanderons…


Cette fondation organise un salon annuel pour les investisseurs, que le Secrétaire Général de la CNUCED, Rubens Ricupero, voue à un «devenir aussi important que le Salon international de l’Automobile». La philosophie de son action se résume ainsi: «le libre marché constitue la meilleure solution pour résoudre les problèmes de développement». A cette fin, il convient de promouvoir «une classe d’entrepreneurs nationaux bénéficiant d’un accès direct aux investissements, technologies et savoir-faire des pays industrialisés».


Dans le but de drainer des capitaux, au-delà des investissements directs, EMA à lancé l’idée de créer une «Bourse internationale du développement» à Genève.


Principaux objectifs


Favoriser la dynamique «Nouvelle Economie» dans les pays émergents, conditionner la cotation à des critères de «gestion rigoureuse», enfin, garantir une sécurité optimale aux investisseurs. «Genève apporterait de la notoriété, une image consensuelle et une réelle proximité avec les organisations internationales».


A l’occasion du 2e salon EMA, en septembre dernier, le représentant d’une ONG généralement plus critique, invité parmi un aréopage de banquiers, paraît avoir cédé aux sirènes des initiateurs du projet: «Peut-être qu’un tel marché serait en effet profitable au tiers-monde car il implique des entreprises et non des Etats». On croit rêver…
(Voir www.emainvest.com)



  1. La Société du même nom fut fondée après-guerre par les pionniers du néolibéralisme international
  2. La formule a été lancée par les initiateurs avant l’effondrement du Nasdaq