Berne les travailleurs/euses des hôpitaux font grève


Berne les travailleuses/eurs des hôpitaux font grève


Jeudi 9 mai, les hôpitaux de tout le canton de Berne étaient en grève, le personnel se mobilisait massivement pour défendre ses salaires, ses conditions de travail et la qualité des soins…

Pierre Vanek

L’an passé, dans notre édition de mi-mai, nous relations une mobilisation exceptionnelle du personnel soignant des hôpitaux zurichois, pour leurs salaires, pour leurs conditions de travail et contre le rationnement des soins. Ce sont de sept à huit mille manifestant-e-s qui avaient défilé dans la rue à Zurich sur ces thèmes. En Suisse romande, à part quelques maigres entrefilets, et à part notre couverture de l’événement, les médias avaient fait le black-out sur l’événement. Pourtant, comme nous le soulignions dans notre numéro de juillet dernier, sous le titre «Les salarié-e-s sortent de l’ombre: Oser penser autrement, oser lutter !»1 on assiste aujourd’hui à une certaine multiplication de conflits du travail, à une échelle certes encore modeste, à une remobilisation des salarié-e-s en défense de leurs intérêts, et au-delà des droits sociaux de tous les travailleuses/eurs, avec des foyers significatifs de lutte en Suisse alémanique. Un développement bienvenu face à ceux qui nous serinent – que ce soit pour le condamner ou l’applaudir – l’existence d’un «particularisme romand» qui ferait de la lutte des classes l’apanage d’une minorité nationale réfugiée sur son îlot romand et contournée par les «vraies» questions dictées à l’échelle nationale, et internationale par les thuriféraires d’une «modernité» …néolibérale et capitaliste.


Après Zurich, Berne bouge…


Or, la semaine passée, à Berne, on a vécu un nouveau mouvement dans les hôpitaux: une grève à l’échelle cantonale associant privé et public, avec à la clé une manifestation ayant rassemblé quinze mille personnes dans les rues de la capitale. Encore une fois, les médias romands ont relégué ce mouvement important à hauteur de la rubrique des chiens écrasés. Nous avions, par contre, envoyé un camarade de notre comité de rédaction pour «couvrir» l’événement du 9 mai.


Dans un tract adressé aux patient-e-s et visiteurs des hôpitaux à la veille du mouvement, les organisateurs de la grève le SSP/Vpod, avec l’appui de l’Association Suisse des Infirmières/ers, qui a une section locale combative et de l’Association des médecins assistants et chefs de clinique (ASMAC), notamment s’expliquaient. (voir bas de cette page) En effet, à l’origine de la mobilisation on trouve des problèmes identiques à ceux qu’on connaît à travers tout le pays. La politique d’austérité de ces dix dernières années a fait exploser la charge de travail. Dans la psychiatrie à Berne par exemple, le nombre de patient-e-s a progressé de 20% en cinq ans alors que l’effectif du personnel est resté stable. Les revendications du personnel de toutes les catégories portent notamment sur une baisse du temps de travail (de 42 à 40h) et sur une augmentation à moyenne terme de 20% des effectifs. Sur le plan des salaires la lutte porte sur la hausse des traitements à l’embauche et le déplafonnement des maxima salariaux pour le personnel de longue date.


Une grève offensive et sans complexes


Prenant le relais de mobilisations déjà importantes dans la fonction publique bernoise (15’000 salarié-e-s dans la rue en septembre 1999 contre les plans d’austérité aux dépens des salarié-e-s et des usagers du service public), la lutte en cours aujourd’hui passe à l’«offensive» en revendiquant notamment des améliorations quant aux conditions de travail et de salaire. Sur le plan de la forme d’action également: il s’est agi le 9 mai, non pas d’actions symboliques sur les lieux de travail, mais d’une vraie grève, assumée en tant que telle, comme moyen d’action légitime des travailleuses/eurs.


Dans pratiquement tous les hôpitaux du canton, il n’y a pas eu d’opérations et seuls les services d’urgence ont été intégralement assurés, les établissements tournant au ralenti (comme un dimanche). Les hôpitaux privés ont également été touchés, bien qu’ils ne soient pas directement concernés, démontrant à la fois le mécontentement et la solidarité dans le secteur de la santé. A signaler que c’est la première fois que les médecins participent à une action de cet ordre, ce qui a aidé à la suppression des opérations dans les hôpitaux le 9 mai. En outre, d’autres associations professionnelles du secteur : sages-femmes, laborant-ine-s, ergothérapeutes… se sont réunies dans une structure commune «Zäme geits» (Ensemble, ça ira!) et se sont associées à la mobilisation…


Un essai à transformer


Cette grève a même déployé certains effets anticipés, puisque dix jours avant le mouvement, mais sans que celui-ci n’en soit remis en cause pour autant, le Conseil d’Etat bernois arrivait avec un certain nombre de propositions sur les salaires et les effectifs… Elles ne vont pas assez loin et doivent encore être soumises en juin au Grand Conseil, dont rien ne garantit qu’il les approuvera. La lutte devra donc se poursuivre, mais elle a démarré sous d’excelllents auspices…


En effet, le climat de la manifestation centrale à Berne, autant que celui des actions décentralisées dans les différents hôpitaux régionaux, montre une volonté de lutte largement partagée, un soutien significatif du public, ainsi qu’une capacité d’organisation syndicale, décidée à ne pas se cantonner dans le rôle d’un lobby aux portes du parlement, mais d’utiliser pleinement les moyens propres de l’action syndicale. Affaire (et exemple) …à suivre !




Pourquoi cette journée de protestation ?


Personnel soignant :


Nous voulons, demain comme aujourd’hui, être à même de vous offrir des soins et une prise en charge de qualité. Nos rythmes de travail ont connu une accélération telle que nous n’avons souvent plus le temps de nous acquitter de tâches sensées et nécessaires ou d’accompagner celles-ci d’entretiens, non dénués d’importance. Nous ne sommes pas d’avantage en mesure d’accompagner ou d’appuyer les jeunes en formation devant fournir des prestations de soin.


Personnel médical :


Nous voulons être reposés pour vous examiner et vous traiter, afin de ne pas compromettre votre sécurité. Nos contrats ne sont toujours pas respectés. C’est la raison pour laquelle il peut arriver que vous ayez affaire à un-e médecin déjà sur la brèche depuis 24 heures, ou ayant déjà une semaine de 90 heures à son actif ou étant à bout de forces, physiquement et psychologiquement.


Autre personnel :


D’autres groupes professionnels sont, eux aussi, confrontés à des situations intenables et à des conditions de travail dégradées. Ils se battent avec nous pour de meilleures conditions générales dans leur profession.



  1. Les numéros de solidaritéS cités sont le 108 et le 111