«plan-Queer», un mouvement LGBT à l’Université de Lausanne
«plan-Queer», un mouvement LGBT à lUniversité de Lausanne
Entretien avec Thierry Delessert, lun des membre fondateur de lassociation «plan-Queer».
Quand, comment et pourquoi lassociation plan-Queer 1
a-t-elle été crée à
lUniversité de Lausanne?
T.D: La fondation de
plan-Queer sur le site de luniversité remonte
à une année exactement. Son socle constitutif est le
groupe EGAL, qui était lui-même un sous-groupe de VoGay
(association vaudoise de personnes concernées par
lhomosexualité). Cependant, bien que plan-Queer emprunte
ses fondements à ces groupes, les membres fondateurs de
lassociation souhaitaient donner une indépendance
supplémentaire à lassociation.
Les milieux intellectuels et universitaires arborent bien souvent une
tolérance de façade à légard des
mouvements LGBT et de leurs membres. Aussi limplantation du
mouvement sur le site universitaire par le biais dune
association a-t-il été comme une mise à
lépreuve de cette tolérance, autant quune
volonté de mise en avant, de plus grande visibilité.
Dun point de vue pratique, nous avons fait principalement
connaître lassociation par une approche festive, pour
faciliter les rencontres et les discussions. Bien évidemment,
chacune des soirées organisées est placée sous le
sigle «hétéro friendly».
Quelle fut la réaction de luniversité et de son corps directeur?
T.D: Dès le
départ, le but de lassociation était
dêtre reconnue par la direction de
luniversité. Cela a posé assez peu de
problèmes. Même si bien entendu, cela ne sest pas
fait immédiatement, car il a fallu attendre novembre 2007 pour
que lassociation soit véritablement reconnue, donc
légitimée par luniversité (la date de
fondation remontant à mai 2007). Depuis que nous sommes
officiellement reconnu-e-s par la direction, nous subissons beaucoup
moins dattaques directes, telles que par exemple
larrachage daffiches.
Rétrospectivement, peux-tu dire que plan-Queer
correspondait à un réel besoin sur le site de
luniversité?
T.D: Tout dabord, il
faut signaler que le «noyau dur» du comité
dorganisation comprend 7 membres nommés auxquels se
joignent entre 5 et 10 membres réguliers. Quant au nombre total
des membres, il sélève aujourdhui à
environ 150. Lassociation sagrandit donc. De plus,
lassociation est également fréquentée par
des étudiants de lEPFL, ce qui est très positif
car le lien entre les deux hautes écoles est souvent difficile
à établir.
Ce que nous avons à regretter actuellement en ce qui concerne la
fréquentation de notre association, cest que la
répartition entre homme et femme nest pas du tout
égale. Il y a environ 80% dhommes pour seulement 20% de
femmes. La raison nen est pas explicable de façon
absolue, mais peut-être cela témoigne-t-il dune
stigmatisation différente qui sexerce à
légard des femmes. Elle est en effet moins frontale, ce
qui ne signifie pas quelle soit moins ressentie. Comme nous le
savons, le modèle patriarcal relègue la femme au second
plan. Du coup, la lesbienne est encore moins considérée.
Elle nest, aux yeux des partisans de ce mode de pensée,
que lesbienne «par défaut», et sa nature de
femme-mère finira par la rattraper
Comment la question homosexuelle sinsère-t-elle dans le climat politique et social suisse actuel?
TD: Il est difficile de répondre précisément
à cela, dans la mesure où nous sommes dans une sorte de
charnière. En effet, nous avons acquis certains droits et les
objets de lutte nationaux sont en cours de discussion avec les
associations faîtières. Cependant, on peut
sattendre à un revirement. Mais dune
manière générale la situation actuelle nest
pas complètement inconfortable, surtout dans les milieux
citadins. En effet, le phénomène de la «grande
ville» permet une plus grande visibilité que les
périphéries et les campagnes où tout est beaucoup
plus individualisé.
Les liens politiques ne sont pas évidents à construire
aujourdhui, car la perspective politique au sein des mouvements
LGBT varie beaucoup en fonction des individus.
Un des objectifs principaux aujourdhui est de renforcer le
mouvement LGBT, et surtout sa dimension «trans» en vue
dune meilleure insertion sociale des transexuel-les, et afin
déviter aussi une binarité homme-femme exclusive.
Cela nexclut bien évidemment pas la
nécessité de lier notre lutte avec celle dautres
minorités opprimées.
Propos recueillis par Justine Detraz
1 Le terme queer refait surface dans le champ politique à la fin des années 1980 aux Etats-Unis.
Il sagit dune reprise de la part de groupes
féministes et gays dun terme péjoratif signifiant
«trouble, louche, bizarre». Il sagit dune
stratégie combative visant à retourner le contenu
infamant dune insulte en le revendiquant.
Sexisme, racisme, oppression de classe: convergence des luttes !
A lheure de la commémoration de mai 68, la
«question homosexuelle» est encore loin dêtre
réglée, comme en attestent par exemple les statistiques
sur les causes principales de suicide chez les jeunes en Suisse
(environ un sur quatre), ou les législations de certains pays
à légard des pratiques sexuelles (à
commencer par les Etats-Unis où les pratiques homosexuelles sont
interdites dans plus de 10 Etats).
Certes le mouvement les-gay-bi-trans (LGBT) a su gagner du terrain en
ce qui concerne une partie de ses revendications, par exemple la mise
en vigueur de la loi sur le partenariat (LPart) le 1er janvier 2007 en
Suisse.
Cependant, loctroi de certains droits témoigne plus
dune tolérance que dune véritable
reconnaissance sociale. Or telle est bien la perversité
dune partie de la stratégie réactionnaire:
accorder des droits pour occulter le fond du problème et surtout
pour dissoudre les mouvements de lutte.
Car noublions pas que
lhétérosexualité «obligatoire»
est une norme primordiale pour loffensive bourgeoise. En effet,
lhétérosexualité est un outil lui
permettant de maintenir en place son autorité patriarcale
centrée sur le noyau familial. Il semble nécessaire de
lier les luttes contre la triple oppression, de classe, de sexe et de
«race». Il ne sagit pas de hiérarchiser ces
trois formes dopposition, mais bien plutôt de les penser
ensemble.
Si limmigration actuelle et la politique raciste qui
sensuit nous fait mieux comprendre la nécessité
dun lien entre une lutte contre le racisme et la lutte de
classes pour ouvrir la perspective dun changement radical, de
même la condamnation des pratiques dites homosexuelles par
lidéologie dominante au motif quelles ne sont pas
destinées à la procréation de «nouveaux
consommateurs», devrait nous faire également comprendre
lintrication qui existe entre loppression des LGBT et
loppression capitaliste.