Zones de non-droit pour les migrants

Zones de non-droit pour les migrants



Les nouvelles lois sur l’asile et les
étrangers, votées en septembre 2006, sont entrées
en vigueur le 1er janvier 2008. Comme dans les autres cantons, les
requérant-e-s d’asile déboutés du canton de
Vaud ont de ce fait rejoint le «statut» des personnes
frappées de non entrée en matière (NEM). Ils-elles
sont soumis au régime de l’aide d’urgence, alors que, pour la
plupart, ils-elles habitent en Suisse depuis de nombreuses
années.

Transférées de force dans ces centres, sorties des
registres des habitants des communes, éloignées de leur
environnement social, toutes ces personnes sont désormais dans
une zone d’ombre et de non droit. Sous prétexte que leur
situation est provisoire, dépossédées de tout,
soumises au bon vouloir des agents de sécurité, elles
vivent dans l’angoisse et le désespoir. Des résident-e-s
des Centres EVAM, notamment du Simplon et de Vennes à Lausanne,
soutenus par le Groupe ActionS constitué lors des Etats
généraux vaudois de la migration – la Coordination Asile
Vaud (CAV), SOS Asile, la Bourse à Travail, l’Autre Syndicat, le
Collectif de soutien aux sans-papiers de la Côte, Français
en Jeu, le Mouvement des 2 barques – ont lancé le 30 avril un
appel aux parlementaires vaudois pour qu’ils-elles interviennent
face à cette situation intolérable.

Un véritable régime de liberté surveillée

Encadrés par des agents de sécurité de
sociétés privées, les résident-e-s sont
fouillés régulièrement à
l’entrée des centres. Le droit de visite ou
d’apporter une aide est extrêmement limité. Les
agents de sécurité bénéficient en effet
d’une très grande liberté dans l’application
d’un règlement très restrictif. Récemment,
une femme ayant besoin d’une transfusion sanguine a
été mise en danger suite au refus du surveillant
d’appeler une ambulance pour la conduire à
l’hôpital!

Le respect de la dignité personnelle n’est pas garanti
dans ce régime semi carcéral où les
résident-e-s sont à la merci de la bonne ou mauvaise
volonté de ces agents. Tracasseries, brimades, voire coups font
partie de leur quotidien. La vie privée n’existe pas. Les
affaires personnelles sont séquestrées et seul le strict
minimum, fixé par les autorités, est
toléré. L’espace privé disponible est
restreint à un lit et à une petite armoire : tout ce qui
est posé par terre ou qui dépasse risque d’être
jeté à la poubelle! Les chambres ne peuvent être
fermées à clef. La promiscuité est difficilement
soutenable, et des bagarres éclatent sans que la police ne soit
appelée par les agents de sécurité. Par contre, le
sommeil des résident-e-s est souvent perturbé par des
visites et des fouilles intempestives des surveillants!

Sel et poivre interdit, eau potable aux WC !

Les repas aux centres de Vennes et de Vevey sont servis à des
heures fixes et aucune exception n’est autorisée,
même en cas de force majeure. La nourriture en quantité
restreinte n’est pas variée et peu saine: elle ne correspond
à aucun critère d’équilibre alimentaire. De
plus, il arrive que des «barquettes» soient de très
mauvaise qualité. Bien que leurs régimes ou habitudes
alimentaires ne soient pas respectés, les résident-e-s
n’ont pas le droit de disposer de leurs propres condiments, y
compris de sel ou de poivre…

L’eau potable n’est disponible qu’aux WC, ce qui est
vécu comme quelque chose d’avilissant. Par ailleurs, il
n’y a aucune possibilité pour les mamans du centre du
Simplon de réchauffer le biberon d’un bébé
pendant la nuit et, dans la chambre, leurs appareils électriques
ont été confisqués.

Santé en danger

La santé psychique et physique des débouté-e-s est
en danger. La mauvaise nourriture et son manque de
variété causent des troubles fréquents. Le stress,
la peur, la solitude et la promiscuité sont à
l’origine de dépressions graves ou d’actes de
violence chez des personnes pourtant non-violentes.
L’accès aux soins est difficile et les actes
médicaux sont décidés par le personnel. Des
médicaments et même des tranquillisants sont
distribués par des infirmières sans aucun avis
médical. La consommation de «cachets» est
considérable et entraîne des dépendances.

Des personnes entrées dans les centres en bonne santé
sont maintenant malades, psychiquement ou physiquement. Les centres ne
sont pas équipés pour assurer une hygiène
personnelle normale. L’eau chaude pour les douches n’est
pas toujours suffisante ou disponible. Le chauffage a été
arrêté pendant plusieurs jours à Vennes, pendant
des périodes de grands froids. Au centre du Simplon à
Lausanne, le verrouillage des fenêtres compromet
l’aération, donc la salubrité, des lieux d’habitation.

Jean-Michel Dolivo

Travailleuses et travailleurs sans-papiers en France
une lutte exemplaire

Le défilé du 1er Mai à Paris était
placé cette année sous le signe de la lutte des
travailleuses et des travailleurs sans-papiers. Le 15 avril dernier,
600 d’entre eux-elles se mettaient en grève, soutenus par
la CGT, pour réclamer des régularisations. Le
gouvernement Sarkozy, pour éteindre la grève, a promis
une «étude positive» des 1000 dossiers
déposés en région parisienne.

Mais ces promesses n’ont pas eu l’effet escompté sur
le mouvement, la grève n’a pas cessé. En quelques
jours, plus de 400 sans-papiers ont adhéré à la
CGT. Bien plus, ce sont des milliers d’entre elles-eux qui sont
prêts à rejoindre la lutte, ce qui a d’ailleurs
provoqué quelques frictions entre la centrale syndicale et les
travailleurs-euses, qui réclament l’extension de la
grève, alors que la CGT veut d’abord attendre une
réponse définitive pour les 1000 premiers dossiers
déposés.

Ce mouvement, qui voit les sans-papiers s’insérer à
part entière dans la lutte de classes (syndicalisation,
grèves…), constitue un enjeu très important, en
France et peut-être dans toute l’Europe. Elle bat en
brèche l’idée d’«immigration
choisie» dont Sarkozy avait fait un de ses fonds de commerce
électoral. La grève révèle en effet que les
sans-papiers sont d’abord des travailleuses-eurs, accomplissant
les tâches les plus dures, celles que personne ne veut. La
grève des sans-papiers pourfend ainsi l’idéologie
raciste de la classe dominante et souligne la nécessité
de la solidarité entre toutes et tous les salariés,
qu’ils-elles aient des papiers ou non.  

Hadrien Buclin