Privatisations électriques: vers le nucléaire ET la bougie?

Privatisations électriques

Vers le nucléaire ET la bougie?


Dans notre dernier numéro avant ces vacances d’été, nous relevions le fait que les promoteurs de la Loi sur le Marché de l’Electricité (LME), du côté d’EconomieSuisse, étaient contraints de mener une campagne parés d’oripeaux de «gauche»: défense du service public, de l’environnement, des petits consommateurs, etc… pour vendre la marchandise néolibérale frelatée que constitue la LME.



Un aveu qu’en fait, sur le plan des idées, la bataille des référendaires est d’une certaine manière déjà gagnée du point de vue de l’opinion publique. Même si, sur le plan de la décision politique, la droite patronale compte bien – évidemment – remporter la bataille du 22 septembre, fut-ce sous un pavillion qui n’est pas le sien.



Ainsi entend-on, à journées faites les responsables patronaux, abjurer la libéralisation et les privatisations et se poser en champions de la régulation et du contrôle étatique.



Le sommet du reniement vient du Conseil fédéral, qui dans sa brochure destinée aux électeurs-trices écrit, textuellement: «L’électricité est (…) un bien trop précieux pour la population et l’économie pour qu’on le livre à la loi du marché», tout en appelant à voter une loi qui «vise à créer les conditions d’un marché axé sur la concurrence» (Art. 1 LME)



A Genève, l’association antinucléaire ContrAtom, comme d’ailleurs l’ensemble des milieux de défense de l’environnement genevois, regroupés dans la «Coordination Energie» (v. affiche ci-dessous), ne s’est pas laissé embarquer dans cette galère. Dans ces deux pages nous livrons donc à nos lecteurs-trices la substance du tract-journal (spécial No 65) que ContrAtom diffuse largement ces jours… (pv)


Ce 22 septembre, ContrAtom vous appelle à refuser la LME, comme il y a douze ans, le 23 septembre 1990, nous appelions au vote contre le recours à l’énergie atomique et son cortège de dangers mortels, démontrés par Tchernobyl et incarnés par le surgénérateur de Malville à nos portes.



Le moratoire atomique, adopté ce jour là, gelait le nucléaire en Suisse. A l’époque, le Conseil fédéral jurait que ça nous amènerait les pires ennuis. La réalité lui a donné tort!



Aujourd’hui, il jure qu’il serait dangereux de refuser sa Loi sur le marché de l’électricité (LME) néolibérale, «vendue» comme écologique et sociale, alors qu’elle est d’inspiration diamétralement opposée. Comme il jurait en 1997 que le démantèlement des PTT préserverait le service public postal et l’emploi…



Le gouvernement nous trompait alors, comme il le fait aujourd’hui encore…



En 1990, les milieux affairistes et pronucléaires ressassaient que le choix c’était l’atome ou la bougie!



Aujourd’hui, c’est aux USA patrie de la «libéralisation» électrique, qu’on a besoin de bougies, de la Californie à New York, pour faire face aux pannes de courant …et qu’on est confronté à la relance du nucléaire, incluant des surgénérateurs au plutonium hyper-dangereux comme Superphénix. La multinationale de l’énergie ENRON a largement contribué a ce scénario.



Sa faillite a révélé un concentré de spéculation, de corruption, et de spoliation des consommateurs et travailleurs. Le secrétaire au trésor US déclarait pourtant en janvier dernier à ce sujet: «Tout ça fait partie du génie du capitalisme!»



Depuis, ce mauvais génie continue ses ravages, de Swissair aux caisses de pension… la facture est pour nous, les profits pour les spéculateurs.



Pour notre avenir énergétique, nous ne voulons faire confiance ni au génie du capitalisme …ni au «génies» du Conseil fédéral (ou du lobby patronal EconomieSuisse… qui se démène en faveur de la LME tout en mettant en avant d’autres de ses «bonnes» idées: augmenter l’âge de la retraite, privatiser les routes et «rejeter tout renforcement de la promotion des énergies renouvelables»…)



Nous ne voulons pas de Loi sur le Marché de l’Electricité – qui considère le courant comme une simple marchandise – mais bien d’une Loi fédérale sur l’approvisionnement électrique pour les usagers, qui maintienne et développe un service public, transparent, soumis au contrôle des citoyen-ne-s et aux exigences écologiques et sociales!



A Genève, nous voulons garder comme fournisseur et comme interlocuteur, nos Services Industriels (SIG) un service public qui va – peu à peu, et aussi grâce à nous – en direction de l’application de la volonté des citoyen-ne-s exprimée en matière d’énergie par l’article 160 C de notre Constitution, issu de l’initiative «L’Energie notre affaire»…



Ce ne sera possible que si nous disons NON à cette LME du Conseil fédéral.



Si elle est acceptée, les SIG prendront le chemin de la privatisation et tomberont sous la coupe de telle ou telle multinationale. Nous aurons certes le «privilège» de pouvoir changer de fournisseur électrique, comme on a celui de changer d’assurance-maladie avec la LAMAL… Mais chacun-e sait aujourd’hui, d’amère expérience, qu’une assurance unique, publique, transparente, contrôlée par les pouvoirs publics, vaudrait bien mieux que ce «privilège» et cette «liberté» douteuses.


Anne-Cécile REIMANN

Présidente de ContrAtom