La fuite en avant de Sharon
Proche-Orient
La fuite en avant de Sharon
Lassassinat du secrétaire général du Front populaire de libération de la Palestine, Abou Ali Mustafa, a marqué une nouvelle escalade dans la politique de répression du gouvernement israélien contre le peuple palestinien.
Lassassinat du secrétaire général du Front populaire de libération de la Palestine, Abou Ali Mustafa, marque la volonté délibérée des dirigeants israéliens de pousser les Palestiniens à des réactions de plus en plus violentes, ce qui leur permettrait daccentuer encore davantage les mesures de punition collective contre les populations de Cisjordanie et de Gaza. Lobjectif politique dAriel Sharon se dessine de plus en plus clairement: mettre les Palestiniens à genoux pour quils acceptent de négocier un «traité provisoire à long terme» qui laisserait à Israël le contrôle denviron 50% de la Cisjordanie, ses frontières, ses ressources en eau, et permettrait non seulement le maintien des colonies existantes, mais aussi la poursuite de la colonisation. En échange de quoi les Palestiniens auraient le droit de gérer, dans une «large autonomie» sous tutelle israélienne, le reste des territoires occupés.
Résistance et guerre dusure
Létat de siège qui confine la population dans des espaces de plus en plus réduits et empêche toute circulation normale des gens et des marchandises, les assassinats de leaders politiques, les bombardements et les incursions de plus en plus systématiques dans les zones autonomes visent donc à écraser la volonté de résistance des Palestiniens afin quils acceptent une capitulation pure et simple. Pourtant, Ariel Sharon et les généraux qui lentourent se trompent une fois de plus. Il est absolument clair que les Palestiniens naccepteront pas de capituler: le prix payé au cours de cette année est trop élevé pour quils fassent marche arrière. Tout semble montrer que lhéroïque résistance de cette population va se poursuivre: une résistance passive face à létat de siège et aux agressions quotidiennes du pouvoir israélien, et une résistance armée contre soldats et colons dans les territoires occupés, qui quelquefois déborde sur le territoire israélien sous forme dattentats- suicides. Si la souffrance des Palestiniens est grande, rien ne semble indiquer un fléchissement de la résistance à loccupation israélienne. Ceci, par contre, nest pas le cas dans la société israélienne, qui semble ces derniers mois marquer un certain essoufflement. Après avoir savouré pendant sept ans une «normalité» qui combinait sécurité et prospérité, les Israéliens ont quelque peine à accepter la fin des sept années de vaches grasses. Au sentiment grandissant dinsécurité, sajoutent maintenant les signes clairs dune récession économique (réduction dun tiers des exportations, crise du tourisme, montée du chômage, etc.) qui va saggraver dans les prochains mois. En outre, la nécessité de mobiliser en masse les réservistes pour suppléer les appelés dans les tâches de répression de lIntifada préoccupe les dirigeants israéliens, car si la majorité de lopinion publique soutient encore aujourdhui la politique répressive de Sharon, rares sont ceux qui se voient y participer directement. En ce sens, le nombre de réservistes réfractaires est surprenant, si lon tient compte du fait quil ny a pas encore de mouvement large contre la politique répressive menée par Sharon et Pérès dans les territoires occupés.
Protéger les Palestiniens
En fait, cest une véritable guerre dusure qui se mène depuis maintenant 10 mois, dans laquelle lécrasante supériorité militaire israélienne est loin de garantir que ce sont les Palestiniens qui craqueront les premiers. Mais cette guerre dusure va encore exiger un prix énorme des populations civiles palestiniennes, et il serait proprement criminel de laisser le sang continuer à couler jusquà épuisement des combattants. Il semble pourtant que ce soit ce choix cynique que font les puissances impérialistes. Alors que les Palestiniens sont unanimes pour demander lenvoi dune force de protection internationale, la communauté internationale fait la sourde oreille et semble attendre que la situation se détériore encore davantage pour enfin prendre ses responsabilités. Il est criminel de laisser les acteurs palestiniens et israéliens dans leur inégal face-à-face, et de se contenter de proposer certaines mesures, telles celles incluses dans le rapport Mitchell, tout en se gardant bien de faire quoi que ce soit pour imposer à Israël la mise en oeuvre de ces décisions. Pour les Américains et les Européens, le violeur aurait un droit de veto sur lintervention de la police…
La direction nationale palestinienne sait quil faut prendre au sérieux les déclarations dAriel Sharon quand il dit quon nen est quaux premiers pas de la «colonisation en Judée et Samarie» et quil est donc hors de question de geler cette dernière, comme lexigent les conclusions du rapport Mitchell que les Israéliens se sont engagés, du bout des lèvres et sous de multiples conditions, à mettre en oeuvre. Seule une forte pression internationale peut donc obliger le gouvernement israélien à remplir ses engagements, et cest au mouvement international de solidarité de se mobiliser pour exiger des gouvernements quils se décident enfin à prendre les mesures indispensables pour mettre fin au massacre des Palestiniens. Les missions civiles de protection initiées en France par plusieurs organisations de solidarité et du mouvement social sont un moyen pour hâter lenvoi dune force internationale de protection. Mais tant que cette dernière continue à se faire attendre, les Palestiniens nauront dautre choix que de continuer à résister et à se battre, avec tous les moyens quils ont à leur disposition.
* Figure bien connue de la gauche radicale israélienne, anti-sioniste de toujours et membre du Centre dInformation Alternative