Votation fédérale du 30 novembre: un OUI à la LStup indispensable!
Votation fédérale du 30 novembre: un OUI à la LStup indispensable!
Le 30 novembre prochain, deux projets
concernant la toxicomanie seront soumis aux électeurs-trices. La
«Loi fédérale sur les stupéfiants et les
substances psychotropes» (LStup) et linitiative populaire
«Pour une politique raisonnable en matière de chanvre
protégeant efficacement la jeunesse». On peut
déplorer que ces deux projets législatifs concernant des
problèmes de toxicomanie soient soumis au vote en même
temps. Le risque de confusion nest pas nul même si la
LStup et linitiative sur le chanvre nont finalement
quun rapport assez lointain. Lorsque lon sait les
réactions émotionnelles que provoque toute
décision sur les questions de drogue, il sagit de bien
distinguer les deux objets.
Lacceptation de la LStup revêt une extrême
importance. Elle donne une forme légale à une politique
de la toxicomanie mise en place depuis plusieurs années,
politique appelée «politique des quatre piliers».
Cette manière intégrée de considérer et de
traiter les problèmes de la toxicomanie a prouvé son
efficacité par rapport à une politique purement
répressive. Léchec reconnu et les dangers des
politiques basées principalement sur la répression
nont pas empêché lUDF, soutenue par
lUDC, de lancer un référendum contre la LStup,
avec beaucoup de mensonges et une argumentation simpliste dont elle a
le secret.
La loi soumise au vote apporte un cadre légal à la
politique de la toxicomanie menée depuis plusieurs années
en Suisse qui repose actuellement sur différentes dispositions
fédérales souvent très novatrices qui envisagent
le problème de la toxicomanie dune manière
globale. La LStup doit donc succéder à ces dispositions
en donnant une stabilité légale à une politique
qui a fait ses preuves. Ainsi, pas de grands changements dans cette loi
par rapport aux pratiques actuelles, mais la reconnaissance dun
travail de fond dans un domaine où les solutions simplistes sont
toujours des catastrophes.
Le modèle des quatre piliers
Ainsi, la LStup consolide la politique dite des «quatre
piliers»: prévention, thérapie et
réinsertion, réduction des risques et aide à la
survie, contrôle et répression. Ces quatre
éléments permettent une approche globale des
problèmes posés par la toxicomanie.
Prévention. La
prévention a pour mission dempêcher
lapparition de problèmes de santé
(prévention primaire) ou den assurer le dépistage
et le traitement précoce (prévention secondaire).
Actuellement, la prévention ne représente que 2% des
dépenses publiques en matière de dépendances. Il
ne fait pas de doute que leffort de prévention doit
être développé, ce que la loi prévoit. Le
travail de prévention reste aux cantons et garantit ainsi la
proximité des réalités locales. Mais une
coordination nationale sera mise en place pour tirer les enseignements
des expériences cantonales. De plus, des campagnes seront
organisées au niveau national.
Thérapie et réinsertion.
La mise en place ces dernières années de thérapies
très diversifiées est reconnue comme une
nécessité et inscrite dans la LStup. Les problèmes
des personnes dépendantes sont multiples, selon le cadre de vie,
les problèmes psychiatriques associés et lorigine
de la dépendance. Si labstinence reste le but final,
latteindre nest guère facile. Ainsi, du simple
contact avec un intervenant aux traitements de substitution avec de la
méthadone ou de lhéroïne, un ensemble
cohérent de thérapies est offert. Diversité des
thérapies mais également diversité des lieux
dintervention, thérapies résidentielles ou
thérapies ambulatoires. Toutes les études montrent
que seule la diversité des moyens mis en uvre offre une
chance quelconque de succès. Nen déplaise aux
tenants du modèle «abstinence-répression».
Réduction des risques et aide à la survie.
La réduction des risques est une politique pragmatique
permettant de diminuer les risques doverdoses, dinfection
par le virus du Sida et dhépatites. Ces mesures
nont donc pas pour but premier la sortie de la toxicomanie, mais
sont une première ouverture. Car, lisolement social et
les atteintes à la santé pèsent lourd sur les
toxicomanes. Pour faire autre chose de sa vie, encore faut-il
être vivant et, si possible, ne pas avoir trop de handicaps
liés à lusage de drogues. Il faut
reconnaître que la réaction pragmatique et rapide
des autorités suisses dans les «années
Sida» a été remarquable. Elle est à
lorigine des mesures de réduction des risques. Font
actuellement partie de ces mesures, laccessibilité
au matériel dinjection et de sniff propre, les salles de
consommation (comme Quai 9) et, bien sûr, laccueil dans
des structures dites à bas seuil dexigence, premier pas
vers une éventuelle prise en charge.
Contrôle et répression.
La LStup nest pas une loi laxiste comme le prétendent les
opposants. Bien au contraire. Aux instruments des trois premiers
piliers de la loi sajoutent des éléments
importants de répression du commerce de la drogue. Aucune
ambiguïté sur ce point. Dautre part, la
Confédération exercera un contrôle important sur
les mesures pilotées presque exclusivement par les cantons. Elle
mettra en place également des programmes de recherche
nécessaire à lévaluation continue des
résultats.
La prescription dhéroïne et les salles de consommation
La prescription dhéroïne est une des cibles
privilégiées des opposants à la LStup. Pourtant,
ces programmes existent en Suisse depuis 1994 avec des résultats
extrêmement intéressants. Ils sont offerts à une
frange restreinte de la population usagère de drogues (50 places
à Genève) lorsque les thérapies plus
conventionnelles ont échoué. Les critères
dentrée dans un programme de prescription
dhéroïne sont donc aussi stricts que le
contrôle fédéral qui pilote ces projets. Ce sont
les résultats positifs dune telle thérapie qui ont
incité le législateur à linsérer
dans le système intégré proposé par la
LStup. La diminution de la criminalité, les améliorations
de la santé physique, psychique et sociale peuvent en
effet être constatées dans le suivi de ces
expériences. Dire comme les opposants que la loi permettra une
extension pratiquement sans contrôle de ce type de traitements
est totalement inexact.
Les salles de consommation (comme Quai 9 à Genève)
constituent lautre cible privilégiée des opposants
à la LStup. Pourtant, il sagit dun
élément extrêmement important du programme de
réduction des risques. Elles offrent aux usagers-ères un
espace pour consommer des drogues achetées dans la rue à
moindre risques: diminution du partage du matériel
dinjection et donc des risques dinfections, diminution du
risque doverdose. Elles sont le lieu dun premier contact
social, accrochage potentiel vers une prise en charge plus
élaborée. Sy tiennent des consultations
médicales permettant le repérage précoce de
situations potentiellement dangereuses. Comment dès lors
accepter comme les opposants à la loi labandon
dune partie des toxicomanes à la rue?
La situation dans dautres pays
La Suisse est en avance dans la prise en charge de la toxicomanie par
rapport à nombre de pays européens. Le gouvernement
français par exemple reste actuellement encore sur le seul
modèle «abstinence – répression» même
si au niveau des villes des programmes plus élaborés sont
mis en uvre. En Espagne, comme en Allemagne, des programmes de
réduction des risques sont développés. Mais il est
vrai que la Suisse et la Hollande sont les seuls pays à avoir
mis en place un véritable traitement intégré et
cohérent de la toxicomanie.
Les conséquences dun refus de loi
Un non le 30 novembre serait catastrophique. Tout un pan des
thérapies et des prises en charge actuellement en cours risque
dêtre abandonné. Catastrophe non seulement au plan
des soins individuels mais également catastrophe en terme de
santé publique. Il ne faut pas oublier que la diminution de la
propagation du Sida ou des hépatites tient pour une part non
négligeable au contrôle sanitaire que permet la politique
intégrée proposée aux toxicomanes.
Un non aurait également des conséquences graves en ce qui
concerne la gestion de la toxicomanie dans les villes. Car, encore une
fois, la répression ne parviendra pas à résoudre
la question. Quant à leffet économique, il
faut répéter à ceux qui ne pensent à
la santé publique quen termes de coûts quun
toxicomane en traitement coûte beaucoup moins cher selon
lOFSP quun toxicomane en prison.
Assurer un succès important le 30 novembre
Le Conseil des Etats a voté la LStup à
lunanimité. Le Conseil national la accepté
à une grande majorité. Le Conseil fédéral a
dit tout le bien quil en pensait. Pourtant rien nest
gagné. Les arguments populistes de lUDF et de lUDC
qui présentent la toxicomanie comme un danger pour les braves
gens ont facilement permis de trouver les 50 000 signatures pour le
référendum. Dans les cantons, on commence à voir
des ralliements délus de droite à la droite
populiste sur cette question. Changement de conviction ou prudence
électorale? En tous les cas, ni intelligence, ni courage
politique.
De toutes manière, les partis politiques gouvernementaux ont
dautres chats à fouetter. Ils ne sengageront
guère dans la campagne. Reste un engagement important des
intervenants en toxicomanie qui eux mesurent de très près
les conséquences dun refus. Reste également
lengagement personnel de chacun dentre nous pour porter
un OUI décisif.
Pour plus dinformations:
- GREA Groupement romand détudes des addictions: www.grea.ch
- www.lstup.ch
- www.bag.admin.ch
Linitiative «Pour une politique raisonnable en
matière de chanvre protégeant efficacement la
jeunesse»
Linitiative propose une dépénalisation de la
consommation de cannabis ainsi que le contrôle par la
Confédération de son commerce. En gros, il sagit
de la reprise dun projet de la commission fédérale
des drogues élaboré en 1999.
En ce qui concerne la consommation de cannabis, linitiative a le
mérite de mettre fin à une hypocrisie manifeste.
Léchec de la répression est patent. Il suffit pour
cela de considérer le nombre de consommateurs et la
facilité dapprovisionnement. Une répression accrue
ny fera rien. Il ne faudra toujours guère plus de 10
minutes à un adolescent pour se procurer du cannabis quelle que
soit la forme choisie. Comme aujourdhui.
Quant au contrôle de la production et du commerce du chanvre et
de ses dérivés par la Confédération, il
aurait lavantage de mettre à mal le trafic illégal
de produits qui contiennent souvent des substances dangereuses. Mais,
plus encore, la loi permettra un contrôle social accru en
même temps quune prévention active et intensive.
Toute comparaison avec les problèmes de lalcool est un
sacrilège en Suisse. Pourtant
.
Il faut voter OUI à linitiative le 30 novembre. Mais, pas de confusion, la priorité reste à la LStup
Lapplication du modèle des quatre piliers depuis
plusieurs années a permis den étudier les effets.
Nombre de ces études, en particulier celles publiées par
lOFSP (Office Fédéral de la Santé
Publique), montrent les avantages de lapproche
intégrée des problèmes de la toxicomanie.
Quelques éléments de ces rapports:
- Sur la totalité des patients suivant un traitement de
prescription dhéroïne (HeGeBe), 72% sont
restés en traitement une année et 52% deux ans ou plus,
ce qui démontre que cest un traitement à long
terme qui doit servir détape intermédiaire vers un
autre traitement orienté vers labstinence (OFSP, 2005). - En 1999, parmi les personnes ayant quitté un programme de
prescription dhéroïne, 30% dentre elles se
sont dirigées vers un programme visant labstinence, alors
que 37% choisissaient un programme avec prescription de
méthadone. En 2004, 42,3% des personnes quittant le programme de
prescription dhéroïne se dirigeaient vers lun
ou lautre programme, pourcentage en augmentation par rapport
à 2003. (OFSP, 1999, 2005) - Les traitements fondés sur la prescription de
méthadone et dhéroïne obtiennent de bons
résultats au niveau de la santé en général,
de la qualité de vie, des problèmes liés aux
drogues, de lusage dhéroïne non prescrite, de
comportements à risque concernant les diverses infections dont
le sida, le statut psychologique, social et familial (March et al.
2006). - En début de traitement (prescription
dhéroïne), 70% des patient-e-s avaient des revenus
illégaux ou semi légaux. Après 18 mois de
traitement, ils ne sont plus que 10% à y avoir recours. (OFSP,
1999). - La population toxicomane est la population qui montre la plus
grande diminution de propagation du VIH (virus du sida) en Suisse,
conséquence de la prise en charge globale de cette population.