Israël:  nouvelle direction, vieille politique

Israël:  nouvelle direction, vieille politique

Le Premier ministre israélien démissionnaire, Ehud
Olmert, impliqué dans une affaire de corruption, comme nombre de
ses prédécesseurs, laisse la place à
l’ex-ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni.
Des élections anticipées devraient avoir lieu, à
l’occasion desquelles la droite dure du Likoud espère bien
revenir au pouvoir.

Le parti Kadima a élu, à une courte majorité, son
nouveau leader, Tzipora (Tzipi) Livni. Livni n’est pas tout
à fait une inconnue, puisqu’elle a été
ministre des Affaires étrangères du gouvernement
dirigé par Ehud Olmert, qui a annoncé sa
démission. Démission forcée, puisque plusieurs
procédures judiciaires pour corruption et malversations sont en
cours et que, depuis quelques années, la loi israélienne
exige d’un ministre inculpé qu’il démissionne
jusqu’à la fin des poursuites.

En devenant leader de Kadima, Livni va aussi prendre la place
d’Olmert à la tête du gouvernement israélien,
jusqu’aux prochaines élections, qui seront
vraisemblablement anticipées. L’élection de Livni a
soulevé, dans une partie de la gauche modérée, en
Israël comme en Europe, un certain optimisme. S’il est vrai
que l’autre prétendant au poste, l’ancien chef
d’état-major Shaul Mofaz, aurait été une
véritable catastrophe, car il combine la brutalité de
Sharon et l’idéologie extrémiste de
Nétanyahou (l’actuel chef de file du Likoud), il ne faut
pas se faire trop d’illusions sur Tzipi Livni. Certes, elle a
rompu, comme Ehud Olmert, avec l’idéologie du Grand
Israël dans laquelle ils avaient grandi, et le fait de parler avec
des dirigeants palestiniens ne lui donne pas d’urticaire, comme
c’est le cas avec Ehud Barak. Mais de là à en faire
une pacifiste…

Nétanyahou en embuscade

Livni représente le pragmatisme de Kadima, la chute libre des
idéologies politiques et, c’est peut-être une de ses
qualités, une compréhension du contexte international que
n’ont pas la plupart des politicien-ne-s israéliens. Elle
a annoncé qu’elle consacrerait l’essentiel de son
temps au «processus de paix», c’est-à-dire
à la poursuite de rencontres régulières avec
Mahmoud Abbas et Ahmed Qoreï, desquelles rien ne sort.
D’autant que le gouvernement qu’elle va constituer sera
instable et, sans doute, de courte durée, ce qui signifie des
élections à court terme.

La probabilité d’une confrontation électorale rend
improbable un accord avec les Palestinien-ne-s qui soit plus
qu’une vague déclaration d’intentions, sans contenu
précis et sans calendrier. D’autant que Benjamin
Nétanyahou a bien l’intention de retourner à la
direction du pays, et son seul moyen d’y parvenir, c’est de
recycler les vieilles peurs sur les dangers qui menacent
l’existence d’Israël, l’Iran, bien sûr, le
terrorisme international, mais aussi les Palestinien-ne-s, qu’ils
soient du Hamas ou… de l’OLP. Tout semble indiquer que
Nétanyahou va déterminer l’ordre du jour des
élections, plaçant ses adversaires de Kadima et du Parti
travailliste sur la défensive.

En bref, l’Etat d’Israël vient de changer de
conducteur, mais le plan de route reste le même, qui indique du
surplace au moins jusqu’à l’intronisation du nouveau
président des Etats-Unis. Et ensuite? Les deux candidats
à la Maison Blanche ont annoncé qu’il y a des
crises beaucoup plus graves que le conflit israélo-palestinien
et, qu’en conséquence, le règlement de ce dernier
ne serait pas une priorité pour la nouvelle administration. Si
Mahmoud Abbas continue, comme il le dit, à miser sur une
intervention américaine pour forcer Israël à se
retirer des territoires occupés, il ferait mieux de ne pas se
représenter et de laisser sa place à un autre. 

Michel Warschawski