Un bras-de-fer sans concession …d’eau

Entre Nestlé et les citoyen-ne-s


Un bras-de-fer sans concession …d’eau


Le réseau d’Attac fonctionne. Un soir de septembre 2001, un membre me téléphone pour m’alerter et demander si nous avons prévu d’agir…

André Babey*

En effet, selon la Feuille Officielle (v.encadré), Nestlé veut acheter une concession d’eau dans la commune de Bevaix. Pas besoin de beaucoup de réflexion pour lui dire que nous interviendrons dans cette affaire. Nestlé et l’eau, je connais, grâce à Riccardo Petrella dont le Manifeste de l’eau»1 est incontournable sur la question. Il faut aller vite, nous avions jusqu’au 2 novembre pour faire opposition. D’abord, nous relevons les données du dossier déposé à l’économie des eaux du canton. On y trouve des indications qu’il s’agit d’un ballon d’essai de Nestlé qui ne se contentera pas des 20 000 m3 demandés. Il y a un temps pour tout avec une multinationale. Nous avons découvert qu’en Egypte Nestlé pompait et commercialisait de l’eau sous le label Vittel avec le même type de bouteille. Ayant perdu le procès intenté par Vittel, Nestlé a pourtant reconnu avoir gagné son pari d’accoutumance et de vente d’eau en Egypte. Ainsi irait l’aventure de l’or bleu de Bevaix vendu comme Aquarel, mais au détriment de qui?


Appel aux habitant-e-s


Un échange de vues au comité d’Attac a débouché sur le projet d’une assemblée de citoyen-ne-s. Des tracts sont distribués aux 2000 ménages de la commune avec invitation à une soirée d’information sur l’eau de Bevaix. Plus de 70 citoyen-ne-s viennent pour écouter et réagir à la tentative de Nestlé de mettre officiellement le grappin sur leur eau, par la demande d’une concession à l’Etat. Nous rappelons l’importance de l’eau dans la vie de nos communautés. Les questions fusent sur la fonction de l’eau, sur sa qualité, sur la quantité suffisante et sur Nestlé qui se fait toute «petite» pour soutirer une «mini-quantité» d’eau! Mais se cache-t-il derrière cette main mise sur l’eau de réseau? Les citoyen-ne-s donnent eux-mêmes les réponses et sont choqués d’apprendre que l’Exécutif de leur commune a discuté depuis plus d’un an avec Nestlé sans en souffler mot. Nous leur apprenons ce soir-là que le Conseil communal vient de mandater un avocat pour faire opposition au projet de Nestlé, alors qu’il l’avait donné un préavis favorable avant notre tract.


Opposition au projet


La mise à l’enquête d’une demande est soumise au droit d’opposition des citoyen-ne-s. Pour notre rencontre avec ceux de Bevaix, un avocat a mis au point une lettre d’opposition à signer et envoyer au Département de la gestion du territoire. Bien des citoyen-ne-s ont réagi très positivement et ont envoyé leur opposition sur laquelle l’Etat devra statuer. Nous verrons comment réagir promptement si l’Etat levait les oppositions.


En ville de Neuchâtel aussi…


Pour étendre notre campagne d’information, nous faisons signer la lettre d’opposition aux citoyen-ne-s présents dans la rue un samedi. Succès évident ! Nous aurons eu ainsi pris la température de la rue: très favorable à une action de défense de l’eau, bien commun, patrimoine de l’humanité. L’eau n’est pas une marchandise, mais une source de vie, essentielle dans la cité. Ce message, répété inlassablement par nombre de militant-e-s d’Attac, a fini par être entendu: journaux, radio, TV régionale et certains médias romands en ont parlé.


Perspectives


Nestlé, de même que le conseiller d’Etat Hirschi, croyaient pouvoir aller vite en besogne pour accorder cette concession d’eau sans coup férir. Nestlé évite les oppositions car elle a les moyens d’agir par des voies discrètes en achetant de l’eau dans des petites régions. Elle utilise des mandataires sur place. L’avocat qui a adressé la demande de concession, va même jusqu’à demander que le nom de Nestlé n’apparaisse pas dans la mise à l’enquête. Mais le fonctionnaire responsable le fera tout de même paraître. En mettant le pied dans une région où il y a de l’eau pure chimiquement, qui ne nécessite aucun traitement préalable pour sa mise en valeur, Nestlé a des visées «claires» sur de l’eau de réseau. Pour régler la demande de concession, l’Etat devrait recourir à la Loi sur les mines et les carrières et non à la Loi sur les eaux. Cette dernière ne prévoit pas la vente d’eau en bouteilles par des sociétés commerciales. Il devrait en plus passer devant le Grand Conseil pour la modifier… L’action de mobilisation d’Attac NE contre la demande de Nestlé, se révèle très fructueuse et trouve une écoute favorable auprès des citoyen-ne-s. L’eau est au cœur des luttes citoyennes; ne faire aucune concession dans ce domaine est le seul moyen de faire reculer les multinationales qui visent leur profit au détriment des citoyens qui, eux, doivent bénéficier de la meilleure eau au prix imbattable du réseau public. Non à la privatisation de l’eau!

Demande de Concession de Prélèvement d’eau minérale


Par mandat de M. Jacques Chautant et de M. Jean-Bernard Claude domiciliés à la Chaux-de-Fonds, agissant pour le Groupe Nestlé, «leader» dans la distribution d’eaux de boisson et minérales (Perrier – Vittel [Suisse] SA), Me Roland Châtelain, avocat à la Chaux-de-Fonds, sollicite une demande de concession d’eau minérale à partir du Puits de Treytel, propriété de la commune de Bevaix. La demande porte, dans un premier temps, sur une quantité annuelle de 2000 m3 d’eau et, à terme, sur une quantité annuelle de 20 000 m3 d’eau, a embouteiller et à commercialiser, dans des contenants de 5 gallons (19 l. env.) et des bouteilles de 5 l. La commune de Bevaix, concessionnaire du Puits de Treytel, dont la capacité suffisante permettra la réalisation du projet, exprime par son Conseil Communal un préavis favorable à la présente demande. (FO du 12.9.2001)


*L’auteur est militant d’ATTAC NE


1 Paru aux Editions Page Deux