Le partenariat enregistré, que la route est longue...

Le partenariat enregistré, que la route est longue…


Exclusion de l’adoption, de l’insémination artificielle et solution minimale pour les couples
binationaux: tels sont les points déterminants du projet. Les partis et les organisations
intéressées ou concernées ont jusqu’à fin février 2002 pour prendre position.


Eliane Blanc et Giselda Fernandes*


La Conseillère fédérale Ruth
Metzler a présenté et mis en consultation
le 14 novembre à Berne le projet
de loi qui doit donner une existence
légale aux couples de même sexe.


La nouvelle institution juridique, le
partenariat enregistré, est conçue
comme un pendant au mariage pour
les couples de même sexe, raison
pour laquelle les couples hétéros en
sont exclus.


Les «Oui, mais…»


Ce projet de loi propose l’égalité
dans les domaines du droit successoral,
du droit des assurances sociales,
de la prévoyance professionnelle ainsi
que du droit fiscal. En matière de
rapports patrimoniaux, la solution
proposée correspond au régime de la
séparation des biens dans le mariage.
L’enregistrement relève de la compétence
de l’état-civil, les partenaires
fondent ainsi une communauté de vie
impliquant une responsabilité, ils se
doivent assistance mutuelle et contribuent
à l’entretien de la communauté.


Dans la vie quotidienne, le couple a
le loisir d’utiliser un nom d’alliance
lequel ne peut être porté sur le registre
d’état-civil et ne revêt ainsi aucune
valeur officielle. Cela n’implique
aucun changement non plus au niveau
des droits civiques communaux
ou cantonaux.


Pour les couples binationaux, le
partenariat enregistré donne droit à
une autorisation de séjour au partenaire
étranger ou à la partenaire
étrangère. Un domicile commun est
requis (à la différence des couples
mariés) et après cinq ans, il n’y a pas
de procédure de naturalisation facilitée,
mais seulement le permis d’établissement.


L’adoption par des couples de
même sexe est catégoriquement exclue,
y compris quand il s’agit d’enfants
du partenaire. Toutefois, si une
personne a des enfants issus d’une relation
précédente, le /la partenaire est
tenu-e de l’assister dans l’accomplissement
de son devoir d’entretien et
dans l’exercice de l’autorité parentale,
et de le/la représenter lorsque les
circonstances l’exigent.


Pour la dissolution du partenariat
enregistré, les deux partenaires peuvent
déposer une requête commune
devant le tribunal, une requête unilatérale
est possible lorsque le couple
vit séparé depuis un an au moins.


Les lendemains qui déchantent…


Le même jour, l’organisation suisse
des lesbiennes/LOS et l’antenne gaie
suisse PINK CROSS saluaient par un
communiqué de presse le projet de
loi attendu de longue date (6 ans de
travail, manifestations, pétitions,
etc.)


Cependant ces associations déplorent
– et nous avec – que ces années de
travail n’aient pas permis d’élaborer
une loi éliminant les discriminations
envers les lesbiennes et les gais. Malgré
les propositions avancées «les
couples de même sexe relèvent toujours
d’un droit spécial» donc côté
discrimination «on joue les prolongations…
alors que la Constitution
fédérale stipule clairement que personne
ne peut être discriminé sur la
base de son mode de vie.» Les deux
associations font remarquer aussi
qu’en refusant le droit d’adopter l’enfant
du ou de la partenaire, on ne
prend pas en compte le bien de l’enfant.


Elles relèvent encore que dans les
textes «les gais et les lesbiennes sont
stigmatisé-e-s comme étant des gens
qui profitent et abusent de la loi dans
une plus grande mesure que les
autres, et que pour cette raison, les
partenaires étranger-e-s n’ont pas
droit à une naturalisation facilitée.»


Voir et… être vu-e


Pour mémoire, la remise de la pétition
«Mêmes droits pour les couples
de même sexe» en 1985, l’initiative
parlementaire de l’ancien conseiller
national Jean-Michel Gros, libéral
genevois, en 1999 en faveur d’une
loi pour le partenariat enregistré,
les prises de position des organisations
homosexuelles suisses pendant
les Prides sont quelques marques
visibles du parcours suivi par la
communauté homosexuelle suisse et
ses revendications.


Avec un soutien grandissant de certains
secteurs de la société: Eglises,
monde du travail, monde politique, et
même la Pride Sion-2001.


En 1998 déjà, dans le cadre d’un
sondage de l’Institut Link, la majorité
de la population suisse s’était prononcée
pour l’ouverture du mariage
aux couples homosexuels.


Variante minimale


Dernièrement le débat public a
commencé à intégrer la défense des
droits humains liés à l’orientation
sexuelle, du côté des politiques «on a
toujours dit aux couples de même
sexe d’être patients… on avait reconnu
le problème» et dans son communiqué
de presse le Département
fédéral de justice et police annonce
que « la reconnaissance par l’Etat des
couples de même sexe devrait contribuer
à mettre fin aux discriminations
et à éradiquer les préjugés.» Cela
montre bien le côté «variante minimale» de la loi proposée.


M. Leuenberger, président de la
Confédération, lors de la Christopher
Street Day
de juin dernier à Zurich, a
déclaré que «la politique des petits
pas est aussi la politique du respect.
Respect pour les personnes aux yeux
desquelles tout va trop vite et qui se
sentent bousculées.»


Alors une question s’impose: combien
de petit pas nous attendent encore
dans le domaine de la reconnaissance
et du respect de nos droits humains?


Il faut espérer que les partis et associations
concernées par la consultation
oseront des grands pas vers cette
direction. Pour le bien commun.


* membres d’Action femmes solidaires




Pour plus d’information

M. Hermann Schmid,
office fédéral de la justice,
tel. 031 322 40 87

www.pinkcross.chwww.ofj.admin.ch
«individu & société», «couples
homosexuels».




Une fois n’est pas coutume


Le 21 septembre dernier, le Comité des Ministres (CM) du Conseil de
l’Europe (CE) a publié une déclaration regrettant que les discriminations
et les violences contre les homosexuel-le-s soient encore pratiquées en
Europe. Le document (Doc. 9217) reconnaît que les Etats-membres doivent
faire progresser leurs lois et pratiques juridiques pour mettre fin à
cette réalité. Le CM, soit l’exécutif du Conseil, regroupe des ministres des
affaires étrangères et des député-e-s représentant quarante trois pays
pour une population de 800 millions de personnes.


La déclaration en question est la première, en cinquante ans d’histoire du
Conseil de l’Europe, à s’aligner sur la défense des droits des homosexuelle-
s.


Elle répond à une Recommandation de l’Assemblée parlementaire européenne
sur la situation de cette communauté appelant le CM à adresser
onze recommandations spécifiques aux Etats-membres, y compris sur
l’abrogation des lois discriminatoires ou la régularisation du partenariat
enregistré. Si le CM s’est prononcé de façon générale à la faveur de ces
recommandations, l’accent est mis sur l’éducation et la formation professionnelle
pour combattre l’homophobie dans certains secteurs. La valeur
de ce document réside dans le fait que jamais autant de gouvernements
n’avaient pris position ensemble contre l’homophobie et, pour les onze
pays dont la législation homophobe est encore en cours, cela équivaut à
une autocritique devant la communauté internationale. La Déclaration est
aussi l’aboutissement de deux ans de travail et de coopération très rapprochées
entre l’ILGA-Europe (International lesbian and gay association)
et trois membres (socialistes) de l’Assemblée parlementaire: Imraut
Karlsson (Autriche), Maria del Carmen Calleja (Espagne) et
Csaba Tabajdi (Hongrie). (eb/gf)


Voir: http://www.ilga-europe.org/
http://stars.coe.fr/ta/ta00/EREC1474.HTM
http://cm.coe.int/dec/2001/765/43.htm