Express/Impartial: Logique financière implacable
Express/Impartial: Logique financière implacable
Le groupe de presse Hersant
Média sest imposé dans le paysage
médiatique romand, à côté dEdipresse.
Il nest pas venu en Suisse par amour de la libre information,
mais dans une logique dexpansion dentreprise
industrielle. Il est actionnaire majoritaire des quotidiens
régionaux lExpress/Impartial. Les premiers effets de
cette logique qui fait passer les profits avant la qualité de
linformation sest, ces derniers mois,
régulièrement fait sentir par une emprise de plus en plus
marquée de la publicité.
Mais vendredi 14 novembre, le groupe Hersant fait un pas de plus en
annonçant 15 licenciements -10 journalistes (1/4 de la
rédaction!) et 5 employés de mise en page- sans
discussion possible.
Le personnel a réagi et lensemble des journalistes a
décidé de se mettre en grève suite au refus de
lemployeur dentrer en matière sur toute
proposition alternative. Un appel à la solidarité a
été lancé dès samedi matin, alors que le
journal, lui, paraissait en pagination réduite avec un article
en première page signé
«Léditeur», dénonçant la
grève comme une violation de la convention collective et de la
Paix du travail et accusant les grévistes de prendre en otage le
journal, ses lecteurs et les employés non-grévistes.
Léditeur na pas hésité à
faire paraître dans lédition de samedi des articles
sous la signature de journalistes en grève, articles
inachevés, laissés en plan à 18h, et
«retravaillés par les cadres de lentreprise».
Tout est bon pour casser une grève. Mais les lecteurs-trices
nont pas tous été dupes: lappel des
grévistes a été entendu et sest largement
exprimé dans lopinion publique. Il sest notamment
traduit par une manifestation de plusieurs centaines de personnes
dimanche après-midi sur la Place du Marché à
Chaux-de-Fonds. Des prises de parole, nombreuses, allant de
solidaritéS au parti radical/libéral (!), ont
exprimé les craintes de voir un quotidien régional, avec
ses qualités, ses défauts et ses limites, se
réduire à un support publicitaire incapable
dexprimer ce qui se passe localement.
Uni dans la grève et unanime dans toutes ses décisions,
le personnel demandait essentiellement de surseoir aux licenciements et
dintroduire des mesures de chômage partiel. Dimanche,
suite à la manifestation, lassemblée du personnel
décidait la reprise du travail, la direction acceptant de
reprendre les négociations sur les revendications des
grévistes. Il aura suffi dun jour de grève pour
faire revenir le groupe Hersant sur ses premières intentions. Un
exemple dont il faudra se souvenir ailleurs.
Finalement laccord signé prévoit 9 licenciements
(4 journalistes et 5 employés de mise en page) et le
dépôt dune demande de chômage partiel. La
direction continue daffirmer que la décision prise ne
fait que repousser les problèmes et quà terme, les
licenciements prévus seront effectifs. La crise
financière et la réduction des annonces publicitaires
sont bien sûr évoquées par léditeur
pour justifier les mesures prises, mais tout le monde voit bien que
cest aussi loccasion dune restructuration
favorable aux actionnaires qui est ici en jeu pour Hersant.
Une chose est certaine: ce cas nest pas isolé. Ailleurs
la crise financière se mue aussi en crise économique et
les annonces de licenciements vont devenir monnaie courante. Oser
sopposer aux décisions unilatérales des directions
et des conseils dadministration et se mettre en grève
pour les faire reculer, voilà qui paie.
Il est symptomatique que toute la discussion a tourné autour de
la légitimité de la grève; on a même vu
«Presse Suisse», lassociation patronale des
éditeurs romands, enjoindre, dans un communiqué, le
syndicat Impressum de «tout mettre en uvre pour faire en
sorte que ses membres renoncent immédiatement à
poursuivre leur mouvement».
En décidant de se mettre en grève, les journalistes de
lExpress/Impartial ont touché juste. Ce que craignent les
patrons, cest le développement dune
résistance active et publique aux licenciements. Et, comme le
rappelle Bruno Clément, secrétaire du syndicat Comedia,
dans les colonnes du Courrier: «La grève est un droit
fondamental. La paix du travail nest pas une obligation des
individus»!