Impôts sur l’héritage: riches de père en fils

Impôts sur l’héritage: riches de père en fils



Le projet de loi issu des travaux de la commission fiscalité du Grand Conseil supprime l’impôt pour le conjoint survivant, abandonne l’idée d’un taux progressif et limite l’impôt en ligne directe à 3% quel que soit la fortune héritée. Les recettes de l’Etat diminueront environ de moitié.



Face à cet inacceptable cadeau aux riches, trois commissaires (2 PopEcoSol, 1 PS) ont présenté un rapport de minorité et une série d’amendements qui répondent aux principes de base suivants:



  • le taux d’imposition est progressif pour tous les héritiers; il varie en fonction de la fortune héritée et du degré de parenté.

  • le taux d’imposition atteint dans tous les cas son maximum à partir de 1 million de francs (toutes déductions légales faites).

  • un-e conjoint-e très fortuné-e paie un impôt sur l’héritage (déduction acceptée: 500000 francs)

  • le taux d’imposition des enfants, des pères et mères et des grands-parents atteint au maximium 10%; le taux d’imposition des autres héritiers va au-delà de 10%.

  • les couples non mariés, enregistrés -hétérosexuels ou homosexuels- sont traités comme les couples mariés.



Nous reproduisons ici quelques extraits de l’intervention au Grand Conseil faite le 4 septembre lors du débat d’entrée en matière par une des commissaires de la minorité, Marianne Ebel, porte-parole du groupe PopEcoSol.



Nos amendements n’ont rien d’exagéré, puisqu’ils se situent bien en-deçà des normes en usage dans le reste de l’Europe ou aux Etats-Unis (voir encart ci-dessous), nous invitons le Grand Conseil à choisir l’esprit républicain d’égalité, de liberté et de solidarité contre les volontés d’enrichissement à court terme.



Henri Vuilliomenet




L’impôt sur les successions et les donations est emblématique des valeurs d’une société; il définit ce qui s’accumule dans la construction des fortunes privées et ce que, au contraire, l’on est prêt à partager, ce que l’on est d’accord de mettre en commun pour construire un monde acceptable et vivable par toutes et tous. Dans toute l’Europe, les anciens régimes aristocratiques ont été renversés notamment parce que les privilèges de la naissance y étaient absolus et que cela devenait insoutenable.



Nous ne voulons pas qu’une nouvelle caste privilégiée s’érige -les riches, toujours plus riches- pour monopoliser les biens et se les transmettre de génération en génération. Il n’y a aucun mérite particulier d’être né dans une famille riche.



Qu’un héritage puisse être libre d’impôt pour le conjoint survivant, nous l’admettons jusqu’à hauteur de 500000 francs. Mais qu’on ne retienne que 3% à un fils ou à une fille qui font un héritage d’un ou plusieurs millions, voilà qui n’est pas normal. Qu’ont-ils donc fait pour mériter de devenir millionnaire ou multi-millionnaires d’un jour à l’autre, qu’ont-ils fait de plus ou de mieux que celui ou celle qui a des parents sans fortune?



L’impôt sur la succession et les donations est plus qu’un moyen noble de remplir les caisses de l’Etat pour lui permettre d’accomplir ses tâches: c’est un instrument qui donne sens à des valeurs importantes, puisque fondatrices de toute société démocratique.



Parce qu’il assure un certain partage d’une fortune, l’impôt sur l’héritage garantit davantage d’égalité entre ceux qui héritent une bonne fortune et les autres. C’est un acte de justice sociale et de solidarité, mais aussi une façon active d’œuvrer pour une société de liberté. Chacun sait que l’Etat ne pourrait pas garantir à toutes et tous le libre accès à l’école, à de bons soins et assurer la sécurité de chacun sans disposer de recettes suffisantes. Or quoi de plus juste que de partager ainsi –par une taxe progressive- une partie des fortunes héritées.



(…)Baisser l’impôt sur l’héritage, en particulier pour les plus hautes fortunes, comme le propose aujourd’hui la majorité de la commission soi-disant pour rendre le canton de Neuchâtel plus attractif, c’est un signe politique qui nous inquiète: c’est le signe d’une volonté de renforcer les privilèges, d’augmenter les inégalités. Ce n’est pas notre volonté. L’impôt sur les successions touche certes la partie la plus fortunée de la population, mais c’est bien et cela devrait rester ainsi.



PopEcoSol est favorable à l’exonération totale ou partielle pour les petits héritages. Mais que signifie «petit héritage», où fixer les limites, quelle progression retenir dans les taux d’imposition pour que l’Etat ne voie pas les rentrées fiscales chuter? Les commissaires libéraux et radicaux -qui entre eux formaient une faible majorité- ont refusé cette étude qui aurait pu déboucher sur une alternative crédible.



Convaincus que la réponse intéressera de nombreux Neuchâtelois-es, nous éritérons notre question «Le Conseil d’Etat peut-il nous dire, sur les chiffres de 1999 p.ex., quelle progression il faudrait envisager et jusqu’à quel taux maximal il faudrait aller pour assurer à l’Etat approchant les mêmes rentrées, tout en acceptant d’exonérer les premiers 50000.- hérités en ligne directe?»



(…)




L’imposition des successions telle qu’elle est appliquée dans trois pays:



  • Allemagne Pour le conjoint, après un abattement d’environ127000 euros (250000 DM), le taux démarre à 3%; les tranches d’environ 410000 à 460000 euros (800000 à 900000 DM) sont taxées à 10%. Le taux maximal pour un conjoint est fixé à 35% (pour un héritage de 25 millions d’euros et plus). Les enfants connaissent le même taux, avec un abattement réduit à 25000 euros.

  • France La taxation est plus élevée qu’en Allemagne, les abattements y sont plus faibles. Entre époux ou descendants en ligne directe, le taux part de 5% au-delà de 7600 euros et progresse jusqu’à 40% au-delà de 1700000 euros.


  • Etats-Unis Après une exonération à hauteur de 600000 dollars (1euro = 1$) sur la masse, l’Etat fédéral impose un taux qui part à 16% et grimpe jusqu’à 55% pour tous les héritiers, sauf les conjoints. Mais à cet impôt fédéral s’ajoute l’impôt des différents Etats, qui sont souvent plus élevés encore, puisqu’ ils n’acceptent pas d’abattement important et qu’ils taxent les conjoints.