LAMal: la droite veut le «tout au marché»!

LAMal: la droite veut le «tout au marché»!



Les batailles autour de la LAMal se sont exacerbées ce printemps au cours de la 2e révision partielle de la loi. En début 2002, (cf. SolidaritéS no 2), nous dénoncions les graves insuffisances et distorsions de la loi d’une part, mais surtout l’échec de la mise en concurrence des caisses-maladie dans le freinage de la hausse des primes.



Un an avant l’échéance des élections fédérales, la LAMal, mise en place par la droite et avec le soutien du PSS, est à nouveau un enjeu politique majeur. Dans sa séance spéciale du 22 mai 2002, le Conseil fédéral a confirmé que, dans l’ensemble, la LAMal avait fait ses preuves, mais qu’il fallait renforcer les mesures de maîtrise des coûts. Dans un communiqué du 3 juillet 2002, le même Conseil fédéral annonçait principalement trois mesures contraignantes, axées sur le volume des prestations: l’accord du médecin-conseil de la caisse-maladie pour plusieurs traitements, l’encouragement ciblé de traitements «adéquats» (disease management – management de la maladie) et surtout le gel des admissions et la clause du besoin pour les nouveaux fournisseurs de prestations.


La question du moratoire



Soutenue par la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires, l’ordonnance sur la planification des besoins (art.55a LAMal) a été dénoncée par la Fédération des médecins (FMH) et par les principaux intéressés. A Genève, le Forum santé a énoncé une série de mesures d’accompagnement, dont l’application permettrait une acceptation de cette clause du besoin. En l’état, sans être intégrée à un ensemble cohérent dans une planification sanitaire nationale, cette décision est opportuniste, voire protectionniste. Elle est toutefois la démonstration que l’installation incontrôlée des fournisseurs de soins entretient, voire accroît les inégalités entre régions, et, en ville, entre quartiers aisés et quartiers populaires. Outil de la planification sanitaire, la clause du besoin doit prioritairement répondre aux besoins de la population et non pas aux seuls critères économiques en réalité, politiques de la maîtrise des coûts.



Réformes pour contrer l’initiative du PSS


Sur mandat du Conseil fédéral en mai, le DFI a proposé d’intégrer à la révision actuelle la compétence du CF d’introduire une carte d’assuré pour une utilisation généralisée, dès 2005 en principe. D’autre part, une nouvelle conception de la réduction de prime a vu le jour. Les cantons doivent prévoir au moins quatre catégories de revenus pour les familles avec enfants et autant pour les autres assurés. La part individuelle maximale est échelonnée selon le revenu net soumis à l’impôt fédéral entre 2 et 10% pour les familles et entre 4 et 12% pour les autres, selon le niveau de revenu donnant droit à une réduction. Le projet de loi prévoit la compétence fédérale pour fixer la prime de référence cantonale déterminante pour la réduction. En fait, ces propositions constituent un contre-projet à l’initiative du PSS et de l’USS «pour une santé à un prix abordable» et mettent la pression sur certains responsables du PSS pour envisager le retrait de l’initiative.



3e révision de la LAMal: le marché à 100%


Le 20 août, le Conseil fédéral a approuvé le projet pour les étapes d’une réforme à plus long terme : outre la modification de la participation aux coûts et la promotion du managed care (gestion des soins), deux propositions visent la soumission de l’ensemble du système de santé aux lois du marché : le financement moniste des hôpitaux et la fin de l’obligation de contracter. Un rapport final doit être présenté au Conseil fédéral en juin 2003.



Rappelons ici que le financement moniste signifie que les subventions des pouvoirs publics aux hôpitaux seront versées aux caisses-maladie, lesquelles «financeront» les hôpitaux et cliniques selon les critères de leur choix. Le but visé est la mise en concurrence sur le même pied du secteur public et du secteur privé. Ainsi, les subventions publiques serviraient aussi à financer le secteur privé! Le récent lancement du référendum de l’Assura va dans ce sens: casser l’accord entre les cantons et «santésuisse» (ex-concordat) pour faire payer sans délai les cantons selon le jugement du TFA de novembre 2001 (700 millions par an pour la participation aux frais hospitaliers liés à l’assurance de base des patients au bénéfice d’une assurance privée ou semi-privée).



La suppression de l’obligation de contracter laisse, elle aussi, le champ libre aux assureurs pour choisir leurs fournisseurs de soins, selon l’arbitraire le plus total. Certains conseillers nationaux de droite y voient la possibilité d’abandonner le Tarmed. La mise en concurrence généralisée des fournisseurs de soins, au lieu de garantir la qualité, risque surtout de développer une médecine à plusieurs vitesses, creuset des inégalités face aux soins. Les responsables de santésuisse n’ont pas caché leur objectif: réduire de l’ordre de 25 à 30% les fournisseurs de soins. Enfin, une initiative pour supprimer l’obligation de s’assurer contre le risque de maladie vient d’être annoncée.


Un financement solidaire plus que jamais nécessaire.



L’assurance-maladie doit être financée selon le revenu, gérée par une seule caisse maladie nationale publique avec un système de péréquation intercantonale. Le système de soins doit rester sous contrôle des pouvoirs publics, avec des contrats de partenariat pour les fournisseurs de soins privés. L’ensemble doit s’inscrire dans une planification sanitaire nationale, définie par des voies démocratiques, répondant aux besoins de la population. Ces besoins doivent être évalués dans un processus de planification qualitative évolutif, transparent. Les coûts sanitaires induits, liés aux mauvaises conditions de travail ou d’environnement au sens large (habitat, alimentation, transports, etc) doivent être reportés sur les secteurs responsables. Mais surtout il doit être combattus à la source. Nous reviendrons prochainement sur nos propositions plus en détail.



Gilles GODINAT