Deuxième pilier peau de chagrin: signons et faisons signer le référendum

Deuxième pilier peau de chagrin: signons et faisons signer le référendum

Le 19 décembre, les
parlementaires ont accepté la diminution du taux de conversion:
en clair une diminution des rentes du deuxième pilier qui doit
entrer en vigueur en 2015. Lors des débats, les
député-e-s bourgeois ont insisté sur la
nécessité de renforcer la confiance de la population
envers le deuxième pilier. Eh bien c’est loupé, et
il y a au moins 4 bonnes raisons de signer le référendum
contre cette décision…

Au moment où les dirigeant-e-s politiques trouvent rapidement 68
milliards pour sauver l’UBS, il est inacceptable de
décider une nouvelle diminution des futures retraites des
salariées et salariés, dont le coût du maintien en
l’état est sans rapport avec ces 68 milliards. Et cette
diminution, en plus de celle déjà décidée
en 2005 et qui aboutira en 2014 à un taux de conversion de 6,8%,
n’est pas un détail: elle ajoute 6% de diminution, ce qui
fait qu’on arrivera au total à une diminution de 9,2% pour
les hommes et de 10,5% pour les femmes. Les montants sont importants,
même pour une retraite déjà pas mirobolante de 2500
francs, comme le montre ce tableau:

tableau A

Les arguments officiels censés justifier cette diminution
ne  tiennent pas la route et sont même malhonnêtes. En
effet, il faut savoir ce que représente ce taux de conversion:
il permet de calculer quelle est la rente annuelle pour un capital
donné, accumulé au moment de la retraite. Par exemple, si
ce taux égale 6,4%, cela implique qu’un capital de 100 000
francs donnera droit à une rente annuelle de 6400 francs.

Qu’est-ce qui peut avoir une influence sur ce taux? Uniquement 2 facteurs:

  • L’espérance de vie, soit le nombre
    d’années pendant lesquelles on recevra une rente. Il est
    clair qu’avec le même capital, si l’on touche en
    moyenne plus longtemps une rente, on aura moins chaque année.
  • Deuxième facteur, le rendement du capital. Il est
    également clair que si ce rendement est moins bon, on aura moins
    d’argent et la rente sera plus petite.

Il ne faut pas oublier en outre que ces facteurs sont projetés
sur le long terme, sur ce qui va se passer dans les 15 à 30
années à venir.

C’étaient ces arguments qui avaient été
à l’origine du passage progressif du taux de conversion de
7,2% à 6,8%, entré en vigueur début 2005. Et
c’est en décembre 2006, moins de 2 ans plus tard, que le
Conseil fédéral propose une diminution
supplémentaire de ce même taux de conversion. Il n’y
a alors que deux explications:

  • soit les décisions prises en 2005 étaient
    basées sur de fausses analyses faites par des
    incompétents, et le Conseil fédéral se donne donc
    un certificat d’incompétence;
  • soit d’énormes progrès ont été
    accomplis en 2 ans dans la connaissance de ce qui se passera dans une
    vingtaine d’années, ce qui n’est vraiment pas
    très crédible.

Pour s’en sortir, les défenseurs de cette nouvelle
diminution se fondent sur la récente crise boursière, qui
affecte sérieusement les caisses de pension. C’est un
nouveau mensonge, particulièrement désagréable
parce qu’il utilise les craintes justifiées de la
population face à cette crise. C’est un mensonge, non pas
parce que les caisses ne sont pas affectées, mais parce que le
taux de conversion appliqué en 2015 n’est lui pas
affecté. La crise actuelle frappe le rendement
d’aujourd’hui, mais sans doute pas celui de 2015, et en
principe elle ne devrait pas bouleverser l’espérance de
vie…

Par contre cette crise touche le capital actuel des caisses de pension,
et peut affecter le capital futur à disposition des rentes.
Donc, la crise actuelle peut diminuer les futures rentes en
réduisant le capital accumulé, et elle sert
d’argument pour une diminution supplémentaire au travers
du taux de conversion. Les défenseurs de ces arguments sont-ils
consciemment malhonnêtes ou simplement ignorants?

Cette dernière diminution projetée des retraites
s’inscrit dans la volonté politique de transformer le
deuxième pilier en peau de chagrin, et cela depuis au moins
2003. Il ne faut pas se laisser faire parce que c’est
«technique». La résistance doit s’organiser
à partir des effets concrets, résumés dans le
tableau suivant, en tenant compte des diminutions du taux de rendement,
du taux de conversion et du taux technique. Le tableau compare la
retraite du deuxième pilier (dans le cas du minimum LPP)
qu’aurait eu à 65 ans un-e salarié-e
âgé aujourd’hui de 40 ans, avec un revenu net de
4000 francs par mois, selon que l’on applique les règles
d’avant 2003 ou les règles actuelles.

tableau B

Plus de 20% de diminution: on retrouve ce chiffre quel que soit le
salaire net initial. Ces différences font que même
l’objectif constitutionnel du deuxième pilier, garantir
avec l’AVS les 60% de l’ancien revenu, n’est plus
respecté. Et cet aspect va sans doute empirer avec
l’indexation des rentes, qui se fera de plus en plus rare,
toujours dans la même logique.

Ces diminutions constantes des prestations vieillesse, liées
à la volonté d’augmenter l’âge de la
retraite (enfin une augmentation!), sont toujours justifiées par
le «on ne peut plus payer, les gens vivent plus longtemps»,
alors que l’augmentation de l’espérance de vie va
moins vite que l’augmentation des richesses produites,
mesurée par le PIB. En d’autres termes, si l’on
maintient la part des richesses créées en Suisse à
la prévoyance vieillesse, on peut conserver et même
améliorer cette prévoyance vieillesse. Mais certains
(devinez qui?) aimeraient s’approprier un peu ou beaucoup plus de
cette richesse produite.

Un deuxième pilier dont les rentes versées diminuent
régulièrement, qui privilégie de plus en plus la
primauté des cotisations (ce qui signifie que les rentes ne
dépendent plus que du capital accumulé et non des
derniers salaires, donc que c’est le-la seul-e salarié-e
qui supporte les risques des variations boursières et qui ignore
ainsi ce que sera sa retraite), montre avec la crise actuelle ses
limites, il perd de sa crédibilité.

Le référendum refusant une diminution des rentes doit
permettre l’ouverture d’un débat plus
général sur la prévoyance vieillesse que nous
voulons.

En particulier, cette prévoyance doit:

  • Permettre à chacun d’avoir les moyens financiers d’une existence convenable.
  • Définir le montant de la retraite à laquelle chaque
    salarié ou salariée aura droit, sans lier ce montant aux
    aléas des rendements du capital.
  • Instituer une solidarité en faveur des bas salaires.
  • Garantir l’indexation des rentes.

Il est clair que l’AVS, au moins dans son principe, répond
infiniment mieux à ces objectifs: la solidarité y est
présente, le système de répartition n’est
pas touché par la bourse.

Il est aujourd’hui nécessaire et possible de repenser tout
notre système de prévoyance vieillesse, en augmentant le
rôle de l’AVS ou en envisageant une fusion entre
l’AVS et le deuxième pilier, fusion qui doit garantir les
droits acquis si elle veut être crédible. Le succès
de ce référendum est une première étape
dans cette direction.

Michel Ducommun

Listes
référendaires, infos et argumentaire disponilbes sur le
site www.solidarites.ch ou sur simple coup de fil au 022 740 07 40