Europe centrale et orientale: Le tsunami bancaire et social qui vient
Europe centrale et orientale: Le tsunami bancaire et social qui vient
La plupart dentre eux faisaient
partie de la « Mitteleuropa ».
Aujourdhui, le jargon bruxellois les désigne par
lacronyme PECO. Les Pays de lEurope centrale et orientale
font face à une crise sociale qui va saggravant et
à un lourd endettement, majoritaire-ment auprès des
banques dEurope occidentale. Dans un article à
paraître dans le journal Sozialistiche Zeitung, Catherine Samary
dresse un état de la situation. En voici un résumé
actualisé.
Aujourdhui, le FMI est appelé à la rescousse par
lUkraine, la Hongrie, la Lettonie, La Roumanie, la Pologne et la
Serbie. Ces pays sont confrontés à une chute de la
croissance, des taux de change, à une fuite des capitaux et une
crise bancaire
Les politiques daustérité
budgétaires, sous pression du FMI et de lUnion
européenne (UE), produisent des crises gouvernementales. Le
gouverneur de la banque centrale de Lettonie a déclaré
que son économie était « cliniquement
morte » après une baisse du PIB de 10,5 % au
quatrième trimestre 2008 et autant pour le seul mois de janvier
2009. La population sen est prise au parlement et au
Trésor et une manifestation de plus de 10 000 personnes a
tourné à lémeute en février,
provoquant la chute du gouvernement. La Hongrie (dont le PIB devrait
chuter de 6 % en 2009) a demandé, avec lAutriche, un
plan durgence pour lEurope de lEst à
lUE en vain. Business Week du 3 mars 2009 constate ainsi
que « tous les pays dEurope centrale et orientale
se réveillent aujourdhui avec une douloureuse gueule de
bois, après des années de croissance par endettement
largement financée par les banques occidentales ».
Une restauration capitaliste sans capital
Limplosion du « socialisme réellement
existant » a ouvert la voie à la restauration du
capitalisme, par le biais prioritaire des privatisations. Petit
problème : ces pays ne disposaient pas de capitaux
privés pour y procéder. Certains choisirent de vendre
leurs meilleures entreprises au capital étranger (Hongrie,
Lettonie), dautres optèrent pour des
« privatisations de masse » (par distribution
ou enchères dactions) souvent captées par
lEtat. Ce dernier pouvait ensuite devenir un vrai
propriétaire, susceptible de vendre ou de démanteler les
grandes entreprises. Un processus au cours duquel une partie de
lancienne nomenklatura se recycla dans le business naissant.
Pendant un temps, le maintien (détérioré) du
salaire « en nature » (logements, services) a
atténué, avec les lopins de terre, les explosions
sociales. Mais lensemble sest traduit par une
montée considérable du chômage, de la
pauvreté et des inégalités.
Elargissement de lUnion européenne, privatisation des banques
Lélargissement de lUnion européenne (UE)
fut un choix politique censé répondre aux
désillusions populaires croissantes, nourries par le
démantèlement de lEtat social, et à la
guerre dans les Balkans : lintégration devait
avoir vertu de pacification. La libre circulation des capitaux dans une
vaste zone de libre-échange devait apporter les
financements
Aussi, dans le cadre de la libéralisation
des accords sur les services (AGCS), la plupart des gouvernements
dEurope de lEst candidats à
lintégration dans lUE à
lexception de la Slovénie ont perçu la
privatisation de leur système bancaire par vente aux banques
dEurope occidentale comme une aubaine. Et ces dernières
ont perçu ladhésion à lUE comme une
garantie de juteuses affaires. Le contrôle du système
bancaire des futurs membres fut acquis, à plus de 50 %,
dès 2001. Il est aujourdhui de 66 %.
Etrangères où pas, les banques
privées restent dans le vent des placements rentables et
semparent des bénéfices immédiats
dune libre circulation de leurs capitaux. Elles ont
privilégié les placements sur la dette publique, et les
crédits à la consommation facilitant laccès
aux grandes surfaces des multinationales ou aux placements immobiliers.
Telles ont été les bases dun envol dune
croissance profondément déséquilibrée. Les
firmes multinationales sont à la fois les principales
exportatrices, mais aussi (dans la distribution, lautomobile, la
téléphonie, etc.) des canaux dimportations
croissantes et de rapatriement de leurs profits dans les pays
dorigine. Doù une croissance marquée par
lenvol du crédit et les déséquilibres de la
balance courante…
Le franc suisse joue le rôle de « surprime »
Cette croissance par lendettement connaît aussi son effet
« surprime » à travers
lutilisation du franc suisse comme monnaie de financement et de
refinancement de leurs prêts par les banques (autrichiennes, dont
la Raiffeisen, mais aussi italienne, suédoise et
française ). Ce recours a été initialement
justifié par les taux dintérêt très
bas et par la tendance globalement à la baisse de la devise
helvétique face à leuro
Près de
90 % des hypothèques hongroises sont libellées en
francs suisses depuis 2006 et lon estime que 45 % de
lensemble du marché des crédits immobiliers et
40 % de lensemble des crédits à la
consommation hongrois sont exprimés dans cette monnaie
plutôt que dans le forint national ! Or ce qui était
un filon devient un piège : les taux
dintérêt du franc ont grimpé de plus de
3 % en moins de cinq ans contribuant ainsi à alourdir les
remboursements des débiteurs. La chute du forint hongrois de
près de 10 % face au franc en lespace de quelques
semaines a creusé dautant la dette des Hongrois dont les
revenus sont évidemment toujours libellés en forints. Et
la Hongrie nest pas le seul pays dans ce cas. A des
degrés divers, la Pologne, la Croatie et la Roumanie sont aussi
concernées.
Les politiques daustérité qui
sannoncent pour « assainir » les
finances publiques ont déjà fait descendre 50000
personnes dans la rue à Budapest à mi-avril. Or
léquivalent de 400 milliards de dollars de prêts
occidentaux devront être remboursés cette année par
les PECO
Catherine Samary