Liens de sang, un film de Fabienne Abramovich







Liens de sang, un film de Fabienne Abramovitch

Du 17 mai au 2 juin, au
Cinéma Bio (Carouge), au Zinéma (Lausanne), au
Royal (Sainte-Croix) et à l’ABC (Chaux-de-Fonds)

Après «Dieu sait quoi», qui croquait sur
le vif les échanges entre quelques vieux habitués
du parc Monceau à Paris, Fabienne Abramovich livre
aujourd’hui une nouvelle œuvre
cinématographique au public romand: «Liens de
sang». Tourné durant trois ans, de 2005
à 2008, ce film évoque d’un
œil pudique, mais combien attentif, les liens qui se nouent
au sein de quatre familles habitant toutes l’immeuble des
«Stroumpfs» à Genève.

Amour et tendresse, mais aussi agressivité et rancoeur, y
dessinent les contours d’un quotidien en constante mutation.
Plus que la parenté «biologique»,
c’est le rapport tribal en construction, qui
découle de la vie commune, que la caméra
s’efforce ici de saisir. En suivant les membres de familles
souvent divisées et recomposées, elle montre du
lien brut en train de se faire, dans le conflit, la peine, la joie
aussi…

Les foyers ainsi saisis sur le vif ont bien sûr
accepté le regard extérieur de la
caméra pendant de nombreux mois. Pour cela, il a fallu
négocier un accord précis avec chaque
participant-e-s. Le travail de la réalisatrice
résidait dès lors à choisir ses
moments, sur plusieurs années, et à enregistrer
de nombreuses scènes de la vie quotidienne. Une
enquête de longue haleine qui privilégie
l’espace commun des foyers (de nombreuses scènes
dans les cuisines et livings; bien peu dans les chambres à
coucher)!

L’unité de lieu – l’immeuble
des «Stroumpfs» ¬–
découle d’un parti pris. Pour Fabienne Abramovich,
le quartier, l’environnement sociologique, les
activités extérieures des protagonistes importent
peu. Le lien qu’elle traque se tisse en effet
en-deçà de telles contingences: abstrait de son
contexte, il est approché dans son
«corps», dans sa substance première.
Est-ce vraiment possible? Difficile à dire. Le spectateur y
répondra pour lui-même.

On notera enfin une grande cohérence dans le choix
systématique d’un cadrage respectueux et discret,
visant toujours au plus près l’interaction entre
parents et enfants. Le montage joue ensuite un rôle
décisif dans la construction du récit: il est
envisagé à la façon d’un
puzzle, chaque pièce étant
sélectionnée avec le plus grand soin et
disposée «à sa place» pour
bâtir cette épure du lien familial en devenir que
la réalisatrice veut donner à voir.

«Liens de sang» se présente ainsi sans
artifices. Pas de commentaires en voix off pour guider le public par la
main. Celui-ci est invité à regarder vivre
plusieurs familles, à les écouter se parler au
quotidien, et à percevoir, au-delà de mille
petits défauts de communication, ce qui fait
qu’elles construisent ensemble une partie de leur destin.

Jean Batou