Salut l’étranger: intégration ou désintégration?

Salut l’étranger: intégration ou désintégration?


Depuis quelque temps, la Confédération offre aux cantons un budget destiné à améliorer l’intégration des étrangers.



SolidaritéS/NE trouve ses racines dans la lutte commune de Suisses et d’Immigré/es pour la conquête ou la restauration de droits sociaux pour tous et pour toutes. Cette alliance entre «autochtones» et travailleurs «étrangers» (c’est-à-dire n’ayant pas le passeport suisse) conduit naturellement notre organisation à défendre des principes tels que l’égalité des droits pour tous et toutes – et notamment des droits civiques.



Mais l’égalité n’est pas chose triviale. Elle doit se construire. Elle ne peut exister que s’il y a dialogue entre individus libres. Il est donc indispensable de permettre ce dialogue. C’est l’un des buts souvent attribué aux politiques d’intégration.



Mais cette idée d’«intégration» est elle même assez pauvre puisqu’elle sous-enetend que la bonne relation «autochtone» / «étranger» passe par la dissolution des étranger-e-s dans la soupe nationale, ce qui rejoint paradoxalement l’un des axiomes de la mondialisation néolibérale par les nantis des nations nanties sous la férule des USA qui veut que tout le monde devient «Américain».



Mais même si l’intégration des étrangers a des connotations négatives, il n’en reste pas moins utile de fournir aux personnes immigrées les moyens d’exister dignement. Pour cela, elles doivent pouvoir communiquer avec les populations locales.



SolidaritéS/NE accorde une importance capitale aux politiques d’accueils des étrangers. Nous avions donc récemment proposé la création d’un poste de délégué-e communal-e dédié à cette fonction. Ayant parmi nos conseillers généraux une vraie étrangère déguisée en Suisse, le dossier lui revient, oserai-je dire de droit. Ingrid Mougin-Mora est d’origine péruvienne. Mariée à un helvète, elle devient Suisse et assez populaire pour être l’une de nos élues. Certes notre motion à été rejetée par la majorité du conseil général. Nous devrons reprendre le débat au sein de solidaritéS/NE au vue de la nouvelle situation. En attendant, voici donc quelques-unes de ses réflexions sur ce dossier dont elle a la charge.



Jacques SILBERSTEIN

La Confédération offre aux cantons des subsides pour organiser l’intégration des étrangers. Qu’en est-il à Neuchâtel?


C’est le canton qui a cette responsabilité. Le bureau du délégué aux étrangers fonctionne maintenant depuis plusieurs années. Ils est tenu par M. Fachinetti. De par mes propres expériences et les rapports que j’ai avec bien d’autres étrangers, notamment latinos, je puis affirmer que ce bureau fait du bon travail.

Oui, mais au niveau de la commune existe-t-il quelque chose de concret?


La commune de Neuchâtel accueille officiellement les étrangers plusieurs fois l’an selon les arrivées. La première de ces cérémonies s’est tenue en mai 2001, si je me souviens bien.

En quoi consiste cette cérémonie et qui la finance?


En fait, la commune organise cette cérémonie pour le compte du canton. Mais cela se fait donc sur le budget cantonal et à la requête du canton. La cérémonie consiste en un accueil de chacun/e et à la remise de matériel d’information rédigé en différente langues. Ces langues ont été choisies surtout en fonction de la difficulté pour ceux qui les pratiquent à se débrouiller avec les langues usuelles en Suisse. Ensuite, il y a un film sur différent aspects de Neuchâtel. Les associations qui travaillent dans ce contexte se présentent également. Je veux citer en particulier Recif, Bibliomonde, la BPU, le Centre culturel, etc. Le tout évidement clôturé par une verrée au vin de la ville et un buffet. Ce final quoique rituel est bien utile car il permet des prises de contact individuelles dans un contexte détendu.

Et après, le rideau est tiré, chacun rentre dans sa tanière et plus rien ne se passe?


C’est cela. Enfin officiellement. En fait ,le délégué cantonal, M. Fachinetti suit bien tout sont petit monde. Il participe à toutes les manifestions où les étrangers se retrouvent. Il est de plus très apprécié.

Et vis-à-vis des sans papier que fait ce délégué? Que peut-il faire?


Officiellement rien. Officieusement, il fait au mieux, je le sais. Mais vraiment cette question-là n’est pas à poser dans ce contexte. La Suisse ne veut pas intégrer les étrangers en leur conférant des papiers soit de citoyen, soit de résidant. Le travail clandestin rapporte beaucoup à certains. Le problème est dans la frilosité suisse à admettre qu’une personne de couleur soit Suisse, sauf si c’est un champion de football, et à admettre qu’un juif allemand soit Suisse, sauf s’il s’appelle Einstein. Certes, il y aurait moins d’étrangers et en particulier moins de sans papiers, s’il y avait plus de papiers. Mais quelle perte pour certains exploitants…

Ne serait-il pas préférable d’avoir un délégué dans les communes comme Lausanne l’a fait?


La ville de Lausanne l’a fait certes, mais pas les autres communes de ce canton. Il y a malgré tout une question de taille. La ville de Lausanne à elle seule est plus peuplée que le canton de Neuchâtel. La ville Neuchâtel ne compte qu’une trentaine de milliers d’habitants. De plus, les organisations (comme Recif et autres) travaillent au niveau cantonal même si elles sont installées en ville. Et il n’y a aucune raison, ni possibilité financière, pour qu’elles se mettent à travailler au niveau communal. Donc tout le monde travaille au même niveau. L’échelle cantonale est adaptée pour un si petit canton.

Oui mais le canton est à droite. Or la ville est à gauche et nous y avons de l’influence. Donc ne serait-il pas plus sûr d’avoir un-e délégué-e communal-e sur lequel nous aurions plus de contrôle et moins de risques tel qu’un suivi des dossiers par la police cantonale?


La ville est certes légèrement à gauche et le canton franchement à droite. Je ne sais pas ce qu’il en est des risques (NDLR: ou certitudes) de surveillance par la gendarmerie. Mais je pense que – pour la gauche et solidaritéS en particulier – l’objectif devrait plutôt être de conquérir le pouvoir cantonal que de diviser un poste de délégué aux étrangers entre quatre grandes communes et les autres…



Evidemment avec de nouveau budgets, on pourrait imaginer mieux…



Propos recueillis par J. Silberstein