Elections allemandes: « die Linke » a le vent en poupe
Elections allemandes: « die Linke » a le vent en poupe
Selon les derniers sondages
« Die Linke » améliore son score de 4
points et arrivait ainsi, quelques jours avant les élections du
parlement fédéral, à 14% pour tout le pays.
Reste à savoir, dans quelle mesure ces valeurs de sondage
nettement améliorées seront retrouvées dans les
urnes. Quoi quil en soit, on peut déjà parler
dune tendance positive, dont nous pouvons essayer de comprendre
les raisons.
Dans les commentaires publiés, jai
rencontré trois types dexplications: premièrement
les élections en Sarre, deuxièmement les élections
en Sarre, et troisièmement lattitude de
« die Linke » face à
lengagement militaire en Afghanistan.
- Les élections en Sarre, parce que le succès dans un
Land occidental compte double, et parce que le succès engendre
le succès. Depuis les élections sarroises, de nombreux
électrices et électeurs qui, tout en penchant vers
« die Linke » étaient hésitants
à cause du nombre jusquà maintenant modeste de
suffrages pour ce parti, ont davantage le sentiment quune croix
dans la case « die Linke » fait un bulletin
de vote utile et augmente linfluence de positions de gauche. - Les élections en Sarre, parce que
léventualité point à lhorizon, que
même dans des Länder occidentaux le parti « die
Linke » pourra se trouver dans la situation
détablir une majorité parlementaire à
gauche de la CDU et du FDP et dentamer avec le SPD et les Verts
une politique plus sociale que celle de la coalition noire-jaune. - Lattitude de « die Linke »
concernant lenvoi de troupes fédérales en
Afghanistan, parce que la population est dans sa majorité contre
cet engagement, surtout après la recrudescence récente
des hostilités, et parce que « die
Linke » a la « qualité
unique » de sengager clairement pour que les
soldats allemands quittent lAfghanistan.
A juste titre, les révolutionnaires et la
gauche anticapitaliste sont contre la participation à des
gouvernements qui mènent une politique dans
lintérêt du capital. Ils mettent en garde contre le
rôle de « junior partner » du SPD et
des Verts. En même temps, ils ont intérêt à
ne pas sortir affaiblis et isolés mais renforcés
dun déplacement de la conscience des masses vers la
gauche. Il sagit de ne pas être réduit à une
formulation négative de leur position tels des
troubles-fête ou des Cassandres, mais de les formuler
positivement en montrant de nouvelles perspectives.
Saisir lespoir, sans propager dillusions
Il sagit donc de saisir les espoirs de toujours plus de gens,
sans pour autant partager leurs illusions. Seule lorganisation
dexpériences communes et leur élaboration commune
permet une évolution de la conscience, surtout
lévolution de la conscience politique de classe. Avec des
mots dordre du style « Un contre
quatre » (pour dire que « die
Linke » est le seul parti qui exprime les
intérêts des travailleurs-euses et des
chômeurs-euses et soppose aux missions guerrières)
on fait une part du chemin mais on nest pas encore au but. Cela
revient finalement à la revendication « Die Linke
seule au gouvernement », ce qui nest pas
crédible actuellement et ne le sera pas dans un avenir proche.
Pour cette raison – comme Angela Klein la
relevé – la gauche de la gauche aussi doit formuler positivement
ce que doit faire un gouvernement, auquel elle participerait.
Là, il ne sagit pas de « lignes
rouges », pour lheure la seule formule de la gauche
anticapitaliste, ni de « conditions minima »
trop facilement comprises comme lexpression embrouillée
dun « niet » de principe, mais de la
formulation concise des tâches les plus urgentes dun
gouvernement défendant les intérêts des
travailleurs-euses et des chômeurs-euses et opposé aux
engagements guerriers et à lirresponsabilité
écologique.
Avant tout, il doit être prêt à
imposer ces intérêts contre le capital et ses complices,
ce qui nest possible quen sappuyant sur la
mobilisation massive et lauto-organisation des
concerné·e·s. Leur activation systématique
doit faire partie de tout accord de coopération et de coalition,
et les méthodes de cette activation ne doivent pas se limiter
à des appels. Le moyen le plus efficace dactiver des
gens, qui sont normalement exclus des prises de décision, est de
leur donner des compétences de décision et de rendre
possible leur participation réelle aux décisions
politiques et économiques.
Les besoins des gens dabord
Lors de la campagne électorale déjà,
« die Linke » fait bien de développer
sa « qualité unique » en
renonçant de plus à promettre quelle fera du bien
par délégation et en affirmant clairement que seule la
mobilisation et linitiative de millions de personnes contre les
millionnaires et les milliardaires – jusquà des
mouvements de grève de masse – pourra renverser le rapport de
forces et garantir laboutissement de leurs revendications.
Lentête générale
dun programme gouvernemental de gauche doit être le
renversement total des priorités. La redistribution, qui
seffectue actuellement du bas vers le haut dans
lintérêt du profit, doit être
organisée pour quelle se fasse de haut en bas pour
accomplir les tâches les plus urgentes sur le plan
économique, social, écologique et culturel. La justice
sociale est seulement possible si tous les revenus augmentent
massivement au détriment des riches et des très riches.
Les étatisations et collectivisations ne
doivent pas être entreprises seulement « au
besoin », comme il est malheureusement écrit en
première page de nos
« Flugschriften ». Il faut les
présenter comme des mesures politiquement indispensables et
souhaitables: ce qui est important pour toute la société
doit être géré et contrôlé
socialement. Cela nest possible quà travers des
étatisations, assorties dun droit de veto des
employé·e·s sur toute question les concernant et
dun système de contrôle démocratique
impliquant aussi les usagers-ères et les consommateurs-trices.
Le critère de production de biens et de services doit être
les besoins des gens et non la recherche du profit pour les grandes
entreprises privées, consortiums, banques et compagnies
dassurances.
Un progrès sur le plan social, humain et
environnemental nest pas possible sans
léradication du chômage massif. Avec la
réduction substantielle du temps de travail sans diminution du
salaire appliquée aux employé·e·s des
services publics, un gouvernement de gauche doit en faire un
modèle pour la limitation légale du temps de travail pour
tous et toutes.
Les licenciements doivent être interdits. Chaque personne apte au
travail a un droit fondamental à un travail
rétribué lui permettant de vivre une vie digne de ce nom.
Ce serait déjà la tâche dun siècle de
réorganiser la société afin
quécologiquement elle ait un avenir; une tâche qui
exige un aménagement tout différent de lespace et
des infrastructures, où se côtoient vivre, travailler, se
cultiver, faire du sport et se reposer pour toutes et tous
Poser la question de la propriété et du pouvoir
Nous pourrions continuer cette énumération mais ce qui
importe sont la méthode et le ton. Il ne sagit pas de
« conditions minimales » mais de perspectives
qui entraînent, de visions qui mobilisent, dun concept
réaliste dun changement social vers le mieux. Tout
gouvernement devient le valet des capitalistes, sil ne pose pas
la question de la propriété et du pouvoir et ne
sengage pas pour qualitativement plus de démocratie et
donc pour une gestion démocratique des biens sociaux;
cest la seule manière de gagner une partie de la masse
des abstentionnistes et de ceux qui ont « marre de la
politique ». Assez ! Que celui qui veut
enchaîner son sort aux intérêts du profit le dise
ouvertement et publiquement. Notre vie vaut plus que leurs
profits !
Il se peut évidemment que ni au niveau national (fort
improbable) ni après les élections de 2010 en
Rhénanie-du-Nord-Westphalie (peu probable, parce «die
Linke» seule na pas la force de compenser la tendance
négative du SPD) le parti «die Linke» ne soit
confronté directement à la question du gouvernement. Mais
il lest déjà non seulement à lEst,
mais aussi en Sarre.
Donc le débat commencera de tout façon, et nous avons la
tâche den devenir le moteur ou du moins de faire
apparaître un pôle visible, ce qui se décidera
à court terme en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Quand bien
même en RNW la question immédiate ne serait pas celle du
gouvernement à cause de limpossibilité
mathématique de former une majorité à la gauche
des CDU/SPD, « die Linke » a tout
intérêt à être perçue comme
protagoniste dun tournant à gauche. En contact
étroit avec des mouvements extraparlementaires, le SPD et les
Verts, elle ferait des propositions concrètes pour une action
commune avec comme but de modifier les rapports de forces et de
majorité, de sorte quun gouvernement dévoué
aux intérêts des travailleurs·euses,
chômeurs·euses, pauvres et
opprimé·e·s sapproche à
portée de main.
Manuel Kellner
(Notre traduction par Anna Spillmann)