Honduras: menaces sur les archives, les bibliothèques et leurs responsables
Honduras: menaces sur les archives, les bibliothèques et leurs responsables
Un aspect du coup dEtat au
Honduras ne fait pas la « une » en
Europe : le gouvernement de facto sest attaqué aux
institutions culturelles ; leurs responsables craignent donc des
dégâts irrémédiables pour les fonds
patrimoniaux.
Le journal El Clarin de Chile sest entretenu, le 31 août
2009, avec Natalie Roque Sandoval directrice du
Département des périodiques de la Bibliothèque
nationale et, le 9 octobre 2009, avec Rebeca Becerra
directrice générale de lOffice du Livre
toutes deux destituées par Myrna Castro (ministre de
lInculture du gouvernement
« Goriletti »).
Le 21 juillet, Natalie Roque fut expulsée
manu militari des locaux du Service des périodiques. Un mois
plus tard, le docteur Dario Euraque, directeur de lInstitut
hondurien danthropologie et dhistoire (IHAH) fut
révoqué pour sêtre opposé à la
militarisation de cette institution. Les
employé·e·s de lIHAH et leur syndicat ont
empêché lapplication de cette mesure (ce qui ne fut
pas le cas pour Natalie Roque).
Autre institution militarisée (et donc
potentiellement menacée dans son intégrité) : le
Centre documentaire de recherches historiques du Honduras (CDIHH),
où se trouvent les Archives nationales.
Le revanchisme et lignorance des putschistes
nont pas de limites. Or, il existe une forte tradition de
censure au Honduras : ainsi, Rebeca Becerra rappelle que, sous
le gouvernement de Ramón Villeda Morales (1957-1963), le
décret nº 183 (27.7.1959) plus connu comme
« la loi brûle-livres »
prévoyait quil était possible de retirer des
bibliothèques particulières les livres à contenu
supposé communiste ou « défendant des
doctrines contraires à lordre démocratique
établi », pour quils soient ensuite
brûlés (!)
Pour mémoire, il faut rappeler
quaprès le coup dEtat du 11 septembre 1973 au
Chili, les bibliothèques furent purgées de toute
littérature « subversive » et que des
collections de revues (El Siglo, Chile Hoy, Punto Final) furent
détruites par la soldatesque.
Virée pour divulgation dinformations exactes
Natalie Roque déclare : « Mme Myrna Castro
na pu supporter de mentendre lui exprimer mon rejet du
coup dEtat et de son autorité de facto. Elle na
pas non plus supporté que je dévoile le passé
répugnant de ses chefs actuels et ma
dénoncée au Ministère public pour avoir
exprimé ma pensée et diffusé du matériel
public ».
Ce matériel concernait le
général Romeo Vásquez, pris en flagrant
délit de vol de voiture par la police, le 15 février
1993. « Un ami, proche dun ex-fonctionnaire de la
Direction nationale des enquêtes criminelles, sest souvenu
du cas de Roméo Vásquez. Il ma demandé de
rechercher cette information dans les périodiques et ces faits
ont été ensuite diffusés dans de nombreux
médias en Amérique latine et en Europe »
[ndr : sauf des journaux dits de référence, comme
Le Monde, Libé, El Pais
]. « De nombreux
putschistes sont impliqués dans des cas de corruption, viol de
la Constitution, participation à des crimes ou enrichissement
illégitime au dépens de lEtat ».
Et Natalie Roque dajouter :
« Nous craignons pour tous les fonds documentaires et
bibliographiques conservés à la Bibliothèque, aux
Archives nationales et au Département des périodiques.
Mme Castro a déclaré vouloir censurer des publications,
les fonds de la Bibliothèque nationale et des
bibliothèques publiques pourraient donc être
retirés et détruits ».
Purge du cadastre hondurien
La directrice de lOffice du Livre a vécu les
conséquences de la « sale guerre »
menée, dans les années 1980, par larmée
contre le mouvement populaire : son frère, José
Eduardo Becerra, arrêté le premier août 1982,
na jamais réapparu depuis lors.
Rebeca Becerra confirme les craintes de Natalie
Roque : « Le patrimoine documentaire du Honduras
est menacé par une ministre ignorante : ces documents
nont aucune valeur historique pour un gouvernement
dextrême-droite qui tente de cacher les faits. Des
documents cadastraux ont été confisqués à
lInstitut national agraire, car avant le putsch ils auraient
permis de résoudre les problèmes de la terre en faveur
des paysans. Le président José Manuel Zelaya avait
promulgué le décret no 18/2008, afin dapaiser les
conflits entre paysans et grands propriétaires, problème
non-résolu au Honduras : de nombreux paysans ont
été tué par des grands propriétaires et
larmée, lors de la récupération de terres,
comme à Santa Clara et à Los Horcones
(1975) ».
Une politique culturelle de frères et surs ignorantin·e·s
Les institutions culturelles menaient un important travail
dédition et de mise en valeurs de leurs fonds
patrimoniaux. Or, la ministre de lInculture a rayé,
dun trait de plume, les budgets des publications de
« Editorial Cultural » et des projets en
matière de culture et dalphabétisation.
Lattaque à la mémoire
historique sinscrit dans une stratégie
élaborée. Ainsi, en 2003, larmée
étatsunienne qui a formé les militaires
honduriens
avait sécurisé le
ministère du Pétrole irakien et laissé piller les
musées et la Bibliothèque nationale de Bagdad.
Hans-Peter Renk
(bibliothécaire solidaire)