Initiative « anti-minarets »,
Initiative « anti-minarets »,
« antiburqa »
: taratata,
islamophobe !
Certain·e·s
hésitent à dire que la campagne autour de
linitiative contre la construction de minarets est raciste.
Comment est-ce possible ?
Invité par Infrarouge le 20 octobre dernier, Doudou
Diène, ancien Rapporteur spécial des Nations Unies sur le
racisme, rappelait la montée actuelle de toutes les formes de
racisme et de xénophobie.
En 1964, le philosophe antico-lonialiste Albert
Memmi a donné sa définition, devenue classique, du
racisme : la valorisation, généralisée et
définitive, de différences réelles ou imaginaires,
au profit de laccusateur et au détriment de sa victime,
afin de légitimer une agression (Albert Memmi, 1964).
Le racisme réduit des personnes à leur
appartenance à des supposées
« races », religions, nationalités,
genres, classes ou statuts que distingueraient leur apparence physique,
leurs croyances, leurs cultures, leurs psychologies ou leurs
comportements.
Un recul préoccupant. Le retour de la bête immonde
La chute du mur de Berlin (1989), celle de lapartheid (1991)
soulevaient un espoir immense. Les politiques colonialistes des
années 1990 et 2000, lexclusion et la stigmatisation des
migrants fuyant leurs champs de bataille, la misère ou les
catastrophes climatiques, nont pas cessé
détouffer cet espoir.
En 1994, la Suisse a ratifié la Convention de
lONU contre le racisme et ouvert le débat sur son
antisémitisme et sur les rapports de ses autorités avec
le nazisme.
En 2007, Sarkozy invente le ministère de
lImmigration et de lIdentité nationale. Il stimule
dans son pays
l« Überfremdungspolitik » que
nous connaissons depuis 1917, son droit des étrangers, sa
politique des étrangers, sa police des étrangers. Lundi 2
novembre, son ministre, le transfuge socialiste Luc Besson, lance un
débat sur lidentité nationale qui na rien
à envier à linitiative anti-minarets :
« La burqa heurte de front les valeurs de lidentité nationale ».
Lourde dun racisme xénophobe qui a
survécu à la Deuxième Guerre mondiale, la Suisse
de ces années-là est mûre pour nourrir de son
expérience lEurope qui simpose aujourdhui.
LUDC ment sur toute la ligne
La construction des minarets nest pas un problème.
LUDC le sait. Elle sait aussi que son initiative ne passera pas.
Heureusement pour elle, car ce texte ridicule est inapplicable. Elle
feint de vouloir son succès, mais en réalité
cherche à susciter la haine contre les musulmans en se vautrant
dans les poubelles de Bush.
LUDC prétend ne pas être
raciste, mais ne sattaquer quà des abus.
Après les mains rapaces, les moutons noirs, et les corbeaux,
elle abat ses cartes. Elle stigmatise explicitement la minorité
musulmane. Pourquoi ?
« Les minarets ? Des objets
phalliques. On demande une sorte de circoncision pour avoir la
paix » : le conseiller national UDC Dominique
Baettig en goguette chez les fascistes le mois dernier à Orange.
Le racisme de lUDC applique consciencieusement les
méthodes antisémites de la fin du 19e siècle. De
même que ses prédécesseurs combattant les Juifs,
lUDC ignore les musulman-e-s réels que chacun-e
côtoie dans son voisinage, sur son lieu de travail, dans les
transports, en vacances
Cette minorité partage la vie
quotidienne des peuples parmi lesquels elle vit. Ensemble, ils
expriment leurs intérêts communs.
Les antisémites des années 1930
recouraient à limage du ploutocrate judéo
bolchevik et du protocole des Sages de Sion. Les islamophobes des
années 2000 lui ont substitué limage dAl
Qaïda et des complots terroristes.
De même que lantisémitisme,
lislamophobie accrédite lexistence dun
musulman imaginaire, que définissent les fantasmes et les
préjugés que charrie lhistoire.
Les campagnes antisémites du début du
20e siècle comme les campagnes islamophobes du début du
21e siècle reposent sur des images. La caricature porte un
message quaucun texte ne peut communiquer. Limage du
terrorisme musulman, du fantôme en burqa jouent un rôle
identique à celle du Juif dominant des réseaux tout
puissants. Imprégnant limaginaire, les caricatures sont
supposées illustrer le danger que représentait chaque
Juif, que représente chaque musulman.
Sur le plateau dInfrarouge en débat
avec Doudou Diène, le 20 octobre dernier, Yvan Perrin,
vice-président de lUDC, expose sa méthode en toute
simplicité. « Choquante
notre affiche ? Nous lassumons, le problème dont
nous parlons lest aussi. [
] Les problèmes que
nous dénonçons augmentent en intensité, nos
affiches suivent »
De quels problèmes parle-t-il ? Selon Napoléon,
nous dit-il, un bon croquis vaut mieux quun discours. Le croquis
cest laffiche. Et le discours ? « Celui
de Tayyip Erdogan qui est quand même le premier ministre de
Turquie : Nos mosquées sont nos casernes, nos dômes
sont nos casques, nos minarets sont nos baïonnettes et les
croyants nos soldats ». Bien sûr, Yvan
Perrin, manipule une citation qui est antérieure de 10 ans
à lélection dErdogan. Mais
lessentiel est ailleurs. Le voilà : « Jaurais
bien aimé quau sein de la communauté des croyants
des voix sélèvent pour dire non, ce nest
pas ça que nous voulons ».
Perrin est clair. Pour lui, tous les musulmans qui
ne dénoncent pas ce propos lapprouvent. Voilà une
généralisation clairement raciste. Des adversaires de son
initiative hésitent pourtant à la condamner comme telle.
Combattre linitiative ne suffit donc pas.
Au-delà du 29 novembre, il faut poursuivre un véritable
combat contre lislamophobie, contre toutes les formes du racisme
et pour une véritable loi contre ce danger.
Karl Grünberg
ACOR SOS Racisme