7e Conférence ministérielle de l’OMC: quels sont les enjeux ?

7e Conférence ministérielle de l’OMC: quels sont les enjeux ?

Nous publions ci-dessous
l’analyse des enjeux de la prochaine conférence de
l’Organisation mondiale du Commerce (OMC),
présentée par deux militants de solidaritéS et du
mouvement altermondialiste. La partie introductive et la note 2 ont
été reformulées par la rédaction.

La 7e conférence ministérielle de l’OMC  se
tiendra à Genève du 30 novembre au 2 décembre
2009. Son thème : « L’OMC, le
système commercial multilatéral et l’environnement
économique actuel ». Sa tenue coïncidera avec
le 10e anniversaire du sommet de Seattle qui avait marqué les
débuts – et une victoire – du mouvement
altermondialiste. Lors de cette Conférence, le Cycle de Doha,
renforçant le rôle des grands opérateurs dans les
échanges internationaux, pourrait être bouclé.
Pascal Lamy, directeur général de l’OMC, multiplie
en effet les initiatives en coulisse pour parvenir à un accord
renforçant la libéralisation du commerce mondial par une
ouverture des marchés et un abaissement général
des tarifs douaniers sur les produits agricoles, les produits
industriels et les services.

    C’est pourquoi une mobilisation à
Genève contre l’OMC et contre l’ouverture du
commerce mondial dans les conditions capitalistes à
l’occasion de cette Conférence est d’une importance
stratégique. Les paysans indiens, soutenus pour la 1re fois par
des syndicats des villes, ont organisé une grande manifestation
à New Delhi, début septembre, lors des
négociations sur le commerce…

Une Conférence ministérielle en pleine crise mondiale

Cette Conférence se tiendra dans le contexte d’une crise
économique et financière mondiale, marquée –
notamment – par une chute des échanges internationaux en
2008-2009.

    Pascal Lamy fait ainsi valoir que la relance du
commerce international est indispensable pour sortir de la crise
actuelle et relancer la croissance mondiale. Pour lui, « attendre
la fin de la crise pour conclure le cycle de Doha signifierait priver
l’économie mondiale d’un puissant stimulant de la
reprise 
» économique. Il souligne en outre
que les gouvernements devraient s’élever contre les
tentations protectionnistes qui résultent parfois de la crise
financière mondiale. (1)

    Le 29 avril dernier devant le Conseil
général, lors de la présentation de sa
« Vision pour l’OMC dans les quatre prochaines
années », Pascal Lamy a
déclaré : « Le renforcement du
système commercial multilatéral, en particulier
grâce à la conclusion du cycle de Doha, devrait être
la lumière qui nous guide. Dans la constellation de la
gouvernance mondiale, oeuvrons ensemble pour que l’étoile
de l’OMC brille davantage ». Ces déclarations
figurent sur le site de l’OMC (2).

    Durant la célébration du 450e
anniversaire de l’Université de Genève, celle-ci a
remis le titre de docteur honoris causa à Pascal Lamy (en
même temps qu’à Mary Robinson et Desmond Tutu). A
cette occasion, le directeur général de l’OMC a
déclaré : « La mondialisation et l’ouverture commerciale peuvent promouvoir les droits de l’homme ». Et d’ajouter : « La
mondialisation et l’ouverture commerciale peuvent jouer en faveur
de la réalisation universelle des droits de l’homme,
qu’il s’agisse des droits civils et politiques ou des
droits économiques et sociaux »
.

    Le directeur général de l’OMC
est décidément très habile : tel un
caméléon, il s’adapte à tous les publics
pour répéter un seul et même message : la
conclusion du cycle de Doha est la panacée, la solution à
tous nos maux !
    Aucun des arguments avancés par le directeur
général de l’OMC ne résiste pourtant
à un examen sérieux. C’est de la pure propagande
idéologique !

Les implications réelles  du cycle de Doha

Les milieux dominants sont enfermés dans leur système.
Ils disent vouloir le réformer, mais ils ne réussissent
qu’à le retoucher sur un plan cosmétique au prix de
fortes contradictions politiques. Les exemples foisonnent : le
salaire des PDG, les codes de bonne conduite des banques, la
régulation des banques, les paradis fiscaux, le secret bancaire,
etc. L’essentiel de cette cosmétique consiste cependant
à reporter sur le dos des collectivités les
conséquences de la crise déclenchée par
l’affaire des subprimes. La prise en charge par les Etats
nationaux des actifs toxiques des banques paraît
particulièrement scandaleuse, mais elle joue le rôle de
l’arbre qui cache la forêt. Celle-ci, c’est
l’explosion de la dette publique qui entraînera et
justifiera la mise en cause des systèmes sociaux dans leur
essence (3) ; c’est aussi la montée du
chômage, les pressions encore accrues sur les salaires,
l’exclusion sociale, ce que certains appellent la crise
sociale. (4)

    Selon la fraction dominante de la bourgeoisie, le
sauvetage du système passe par la libéralisation du
commerce mondial dans les conditions capitalistes, ce qui va de pair
avec la libéralisation de la circulation des capitaux. Pascal
Lamy ne dit pas autre chose lorsqu’il se plaint des
problèmes de financement que rencontre le commerce international
dans la crise financière actuelle et déclare :
« c’est
l’investissement qui permettra à de nombreux pays en
développement de préparer la sortie de crise en
renforçant leur capacité commerciale
 » (l’investissement capitaliste s’entend).

    Ces prétentions laissent entendre que le
capital investi serait directement lié à
l’activité sociale, alors qu’il ne fait que la
vampiriser. Le capital directement investi dans l’activité
sociale réelle ne représente aujourd’hui
qu’une infime partie (un cinquantième disent certains
économistes) du capital global. Le reste flotte dans le vide
à la recherche d’occasions de placements rentables.
C’est du capital purement spéculatif, mais il pèse
lourdement sur l’activité sociale, il la plombe pour en
capter le moindre surplus et alimenter ainsi les immenses
accumulations. L’essentiel de celles-ci est du capital financier
qui agit sur un plan mondial, il domine et asservit
l’économie dite réelle, il place ses
priorités, la loi du profit prime face à la
réponse aux besoins des populations. Le modèle de
commerce proposé dans le cycle de Doha étouffe la
planète et menace l’avenir de l’humanité.

    La relance du commerce mondial que préconise
Lamy est présentée comme un pan essentiel de la
stratégie de sortie de crise de la fraction dominante de la
bourgeoisie. Le deuxième pan est ce qu’on appelle la
relance. Le but est une sortie de crise basée sur le
redressement rapide de la rentabilité du capital. Il
s’agit donc, pour la bourgeoisie, d’offrir de nouvelles
zones de profit au capital. C’est le but principal du cycle de
Doha.

    Derrière la relance de ce cycle se cache en
réalité l’idée que la crise
systémique actuelle est essentiellement due à la
non-libéralisation du commerce mondial. Il y a refus de voir la
problématique des classes : d’un côté
un appauvrissement des « consommateurs », de
l’autre une concentration de la richesse en très peu de
mains. Cette cécité se fait au profit de la
énième réaffirmation que le commerce mondial ne
serait pas assez libéré. La réalité,
c’est-à-dire que la libéralisation du commerce
mondial ne profite quasiment qu’aux multinationales, aux
intermédiaires commerciaux et aux grands établissements
financiers, est superbement ignorée. Ceux-ci sont maladivement
à la recherche des prix de production les plus bas, ce qui tue
l’activité productive en la concentrant dans les zones
à bas salaire et favorise la captation de la richesse mondiale
par les seuls acteurs multinationaux.

    La relance du cycle de Doha participe de la croyance
quasiment religieuse aux vertus du rapport marchand. Elle induit un
renforcement de la concurrence entre les capitalistes; celle-ci
débouchera sur une concentration du capital accrue, et un
renforcement de l’influence des propriétaires de ce
capital mondialisé sur les structures politiques de
l’ensemble des Etats-nations. Il s’agira plus que jamais
pour les grands groupes de comprimer au maximum les coûts, en
particulier salariaux et fiscaux et, à cette fin,
d’intensifier dans le monde entier l’exploitation des
salarié·e·s qui trouveront un emploi. Les petits
producteurs, à savoir les petits industriels, les paysans et les
artisans devront, pour les premiers travailler dans les conditions des
multinationales, pour les seconds disparaître au profit des
grandes exploitations agricoles
« monoproductrices » et tuant la
diversité génétique, pour les troisièmes
être condamnés à végéter dans les
niches les moins rentables.

    Tous les capitalistes sont au­jourd’hui
engagés à la fois dans des luttes sans fin contre les
confrères pour gagner des parts de marché et à
dans recherche de taux de profits supérieurs à ceux de
leurs concurrents. Cette lutte pour le profit est en même temps
pour eux une lutte pour la survie de leur capital. Cette logique, qui
est une logique du système, contraint tous les Etats à
renforcer leur compétitivité, cela à tous les
niveaux et par tous les moyens. Ils doivent créer en leur sein
des conditions cadre procurant au capital des taux de profit au moins
égaux à ceux des pays dits « les plus
compétitifs ». C’est la condition pour garder
ou attirer les investisseurs. Les salarié·e·s,
mais aussi les petits industriels, les paysans et les artisans du monde
entier sont aujourd’hui victimes des effets
particulièrement violents de cette concurrence intercapitaliste.

    Outre que ces processus accentuent les pressions sur
les emplois, les salaires, les conditions de travail, le fait que tout
devienne marchandise soumise à concurrence change les fonctions
des assurances sociales et des services publics. Ces derniers ne sont
désormais plus considérés comme des prestataires
de services dont tout le monde, quel que soit son revenu, peut
bénéficier, échappant ainsi partiellement au
rapport marchand, ils deviennent des producteurs de biens marchands
à l’intention des seules personnes solvables, ce qui
mène aux privatisations.

    En comparaison internationale, cette ouverture
commerciale aura plus de conséquences dans les pays où
les revenus du travail sont relativement élevés,
d’autant plus que les processus de délocalisation des
entreprises vers les pays à bas salaires s’intensifieront,
ce qui mettra en cause tant les salaires élevés que les
protections sociales qu’ils rendaient possibles. Cela
n’améliorera pas pour autant la situation des travailleurs
des pays à bas salaires. Bien au contraire, la baisse de la
demande dans les pays dits développés
rétrécira les marchés entraînant du
même coup une concurrence accrue entre ces pays eux-mêmes,
l’enjeu étant de maintenir des niveaux de salaires
compétitifs, donc encore plus bas que ceux des pays comparables,
les concurrents les plus proches, tout cela pour attirer les
multinationales et leur capital.

    Un tel processus conduit inexorablement à un
énorme transfert de richesses du travail vers le capital
opérant au plan mondial, celui-ci entendant capter sous forme de
profits exceptionnels tant la différence de coût du
travail entre les pays que les différences de pouvoir
d’achat entre les pays ou régions lors des processus de
vente.(5) Ces processus aggraveront le chômage et les
inégalités sociales dans le monde entier, ils sont le
terreau sur lequel mûriront des conditions de crises de plus en
plus violentes.

    La libéralisation du commerce mondial dans
les conditions capitalistes contribuera donc à exacerber les
contradictions à l’origine de la crise actuelle – en
particulier la difficulté de vendre et ce que cela signifie, les
ruptures dans la réalisation en profit de la plus-value
provenant de l’exploitation du travail au plan mondial, avec les
problèmes de rentabilité du capital que cela suppose. La
bourgeoisie crut un moment résoudre ces contradictions par une
consommation basée sur l’endettement des ménages.
Les Etats-Unis avaient joué le rôle d’immense
laboratoire qui tira la croissance dans le monde entier, ils y avaient
joint une « imagination » sans borne dans le
développement d’une véritable
« industrie financière » et de
nouveaux produits financiers strictement spéculatifs. La crise
des subprimes les fait aujourd’hui déchanter, mais ils
n’en tirent aucune leçon, ils reviennent aux recettes
« classiques » qui avaient déjà
échoué.

    Le nouveau pas dans l’ouverture commerciale
proposée dans le cycle de Doha ne favorisera pas le
développement des pays les plus pauvres, il
l’étranglera encore davantage, cela au profit d’un
capital de plus en plus concentré, et de plus en plus hors sol.
Dans toute compétition, commerciale ou autre, les plus forts
l’emportent toujours.

    Lamy le prétend, l’ouverture du
commerce mondial favoriserait les droits universels des humains. Il
faut être aveugle – ou parfaitement cynique – pour
propager cela au moment où l’on ferme les
frontières des pays riches aux migrants, qu’on les enferme
dans des camps de rétention, qu’on relègue des
millions d’êtres humains dans des camps de la misère
qui tendent à devenir des espaces de vie permanents. La
libéralisation de la circulation des capitaux et des
marchandises va en effet de pair avec une multiplication des entraves
à la circulation des êtres humains et une négation
de leurs droits les plus élémentaires.

Effets prévisibles de l’ouverture du commerce, en particulier dans les pays du Sud

On peut l’affirmer sans crainte de se tromper, la relance du commerce mondial :


• continuera
d’éliminer tant la petite production industrielle que la
production agricole de proximité et de subsistance des pays du
Sud.
Concurrencées par l’agriculture industrielle
fortement subventionnée des pays riches et par les produits des
pays industrialisés (y compris ceux des pays émergents)
la production des pays les plus pauvres continuera à être
confinée dans les créneaux les moins rentables.

• renforcera les atteintes à la souveraineté alimentaire, en particulier dans les pays du Sud.
Cela entraînera des crises alimentaires récurrentes. En
effet, le modèle préconisé par le cycle de Doha
est basé sur la croissance par les exportations à
destination des pays riches alors que l’alimentation des
populations autochtones est loin d’être assurée. Ce
modèle contribuera certainement à affamer encore plus de
grandes franges de populations des pays pauvres.


• menacera partout l’agriculture et la production de proximité.
Celle-ci seule serait à même de garantir des produits de
saison, frais et de bonne qualité, ainsi que la protection des
producteurs locaux. De plus, elle minimiserait les besoins de transport
et la consommation énergétique.


• accentuera les risques sanitaires au niveau mondial.
Le développement de l’élevage industriel à
l’intention du marché international implique des grandes
concentrations d’animaux confinés dans des espaces
restreints et élevés dans des conditions
d’hygiène et de vie déplorables. Bien souvent, ces
animaux sont bourrés d’antibiotiques et d’hormones
de croissance. Tout cela dans le seul but d’atteindre des prix de
production dits « compétitifs ».



• soumettra la
réponse aux besoins alimentaires des populations à la
spéculation financière internationale.
Celle-ci
fait alternativement grimper et chuter les cours des
céréales. La hausse des cours peut aller
jusqu’à provoquer des véritables famines, elles
sont donc dangereuses pour les populations, mais la volatilité
des cours, en particulier leur baisse, l’est tout autant, elle
menace à la fois la régularité de
l’approvisionnement des populations et les revenus de nombreux
petits producteurs.

• accélérera
le processus d’expropriation des petits producteurs agricoles et
des populations autochtones.
Cela au profit de multinationales
qui surexploiteront les sols, les sous-sols, les forêts et
l’eau. Ce processus est une véritable accumulation
primitive, une concentration de richesses qui porte atteinte à
diverses formes, souvent ancestrales, de propriété
collective, à d’autres formes de production et de vie, qui
détruit des cultures et prive les populations indigènes
de leurs moyens traditionnels d’existence.

• favorisera tant le
pillage par les multinationales des richesses des pays pauvres, que
l’évasion fiscale qui va de pair.
Le processus est
simple : a) les multinationales
« négocient » un prix de production
avec le pays détenteur de la richesse naturelle
exploitée. Elles usent de toutes les ficelles (y compris la
corruption d’« élites » locales)
pour obtenir un prix de production aussi bas que possible. Elles payent
leurs impôts au pays producteur sur la base de ce prix de
production clairement sous-évalué ; b) elles vendent,
cette fois-ci à une de leurs filiales ou un opérateur
international, les produits qu’elles ont achetés à
un prix nettement sous-évalué ; c) depuis leur
siège, un pays « offshore » (un
paradis fiscal), ces filiales ou opérateurs internationaux
vendent ensuite leurs produits au prix fort et encaissent
l’intégralité du profit réalisé.
L’essentiel des profits des multinationales n’émerge
ainsi que dans les paradis fiscaux, et nullement dans les pays
d’où ces richesses sont extraites ou produites. Ils sont
de ce fait quasiment exemptés d’impôts.


• accentuera la tendance
actuelle à l’accaparement des meilleures terres dans les
pays pauvres par certains Etats étrangers.
Pour ce
faire, les pays du Golfe et la Chine, ou encore certaines
multinationales disposent d’énormes réserves
financières. Les pays entendent ainsi assurer leur
sécurité alimentaire au détriment des populations
locales occupant ces terres bradées, tandis que les
multinationales entendent produire selon leurs propres critères,
développer d’immenses exploitations agricoles ou
élevages à l’abri des réglementations que
les populations avaient réussi à imposer dans certains
pays riches.


• favorisera la
généralisation des monocultures gourmandes en engrais et
produits prophylactiques chimiques.
Ceux-ci épuisent et
polluent les sols, l’air et les eaux, détruisent leur
fertilité, cela dans le seul but d’exporter vers les pays
riches les marchandises issues de cette monoculture et permettre aux
Etats victimes de se procurer quelques devises leur permettant de payer
ce qu’on nomme « leur dette ». La
culture du soja en Amérique latine pour nourrir le bétail
européen est un bon exemple de ces pratiques. Cette
évolution porte clairement atteinte aux bases mêmes de
l’agriculture de subsistance permettant de nourrir les
populations locales.


• renforcera la corruption tant au Nord qu’au Sud.
Au Nord, une myriade d’intermédiaires vendeurs se
graisseront la patte au passage, un nombre infini de traders
développeront des trésors d’imagination pour
manipuler les cours, des PDG se feront grassement payer leur absence de
scrupules ou leurs crapuleries ; au Sud, des politiciens au pouvoir,
souvent à coups de pots de vins et de dessous de table,
continueront de brader les richesses de leurs pays aux multinationales,
voire aux institutions étatiques corrompues, en accordant des
licences d’exploitation et en adoptant des lois facilitant ces
« petits commerces crapuleux ».

• aggravera le processus de destruction de l’environnement et de changement climatique en cours.
Le processus de Doha perpétuera le modèle productiviste
actuel, donc la multiplication des transports intercontinentaux de
marchandises, les déforestations en Amazonie, en Afrique, en
Indonésie, aux Philippines, l’exploitation et le pillage
des ressources maritimes et souterraines, le développement
d’une agriculture dégradant les sols et polluant
l’environnement, l’air, l’eau, etc.


• renforcera au niveau mondial toutes les tendances autoritaires et les atteintes aux droits démocratiques.
Par droits démocratiques, nous entendons ceux d’une
démocratie authentique et non d’une
pseudo-démocratie pervertie par le pouvoir de l’argent et
des lobbies, la seule fonctionnelle aux structures capitalistes. Un
exemple frappant de ce type de démocratie sévit
aujourd’hui au Pérou. Là, le président Alan
Garcia fait tirer sur les populations autochtones qui protestent contre
une loi visant à les exproprier de leurs territoires ancestraux
pour permettre aux multinationales de s’y installer, tout cela en
application des accords de libre échange passés avec les
Etats-Unis. Ces dérives autoritaires, on peut désormais
aussi les observer dans les pays européens où se
multiplient les atteintes aux droits d’expression, de
manifestation et aux droits syndicaux (cf. notamment les affaires
d’espionnage de syndicalistes au sein de grandes firmes ou de
militants altermondialistes par des multinationales qui ont pignon sur
rue). Partout, des tendances répressives sont observées.

Les implications de notre opposition à la poursuite du cycle de Doha

La mobilisation proposée à Genève et dans le monde
entier est tournée contre l’ouverture du commerce mondial
dans les conditions capitalistes et contre l’OMC qui est une
institution dominée par les lobbies des multinationales et du
capital opérant au plan mondial. L’occasion de la 7e
conférence ministérielle de cette institution doit
être saisie à la fois pour montrer notre opposition au
type de développement proposé, et mettre en avant les
solutions qu’un autre monde rendrait possibles.

    Dans l’immédiat, il faut faire
échouer le cycle de Doha, parce que son succès serait une
catastrophe pour les travailleurs du monde entier. Mais
par-delà, notre protestation doit viser le modèle de
production, d’échange et de consommation qui sévit
actuellement. C’est ce modèle qui menace l’avenir de
l’humanité.

    Notre mobilisation a donc valeur d’aspiration
à un nouveau mode de produire, d’échanger, de
répondre aux besoins des populations, de démocratie, de
rapport entre les cultures, à un nouveau modèle qui
libère le potentiel de créativité des populations
dans le monde entier.

    Ceux ou celles qui veulent en discuter peuvent nous joindre sur notre page d’accueil, www.travail-et-salariat.org. Ils peuvent nous envoyer des contributions.


Eric Decarro & Christian Tirefort


1   
Gageons que c’est par des déclarations telles que celle-ci
que le directeur général de l’OMC s’est vu
attribuer, en marge du festival de Locarno, le prix de la culture
politique doté de 50 000 euros par la Fondation Ringier.
Pascal Lamy a été récompensé en tant que
« combattant pour une globalisation
équitable » ainsi que pour sa
« sensibilité exceptionnelle pour la
culture ». Avouons quand même que cela mérite
bien l’augmentation de 32 % de son traitement
réclamée par lui en pleine crise économique et
financière, mais refusée unanimement par les pays membres
de l’OMC, ces ingrats. Pascal Lamy ne perçoit en effet
« que » 480 000 francs suisses par an
(soit 320 000 euros, à quoi s’ajoute, cependant,
une cotisation de 15 % du montant de son traitement pour sa
retraite).
2    Selon Pascal Lamy, l’expansion du commerce
mondial est, on l’a dit, une véritable panacée. Les
crises financières ? Il voit
« l’expansion du commerce comme une garantie contre
les turbulences financières » (février
2008). La crise économique ? Doha apportera la croissance
qui permettra de la surmonter (février 2008 encore). La
libéralisation du commerce en matière de produits
agricoles et industriels, mais aussi de services ? Dans
l’intérêt commun du capital et du travail. Entonnant
lui aussi désormais le refrain du « capitalisme
vert », Lamy prétend que la conclusion du cycle de
Doha constituerait une solution au problème de la destruction de
l’environnement et du changement climatique ! (juin 2007)
En décembre 2007, il déclarait à Bali
« Le commerce et donc l’OMC doivent être mis au service du développement durable ». Il n’y a « pas de conflit entre le commerce et l’environnement »,
soutenait-il déjà en mai 2006. Le directeur
général de l’OMC soutient aussi qu’une
libéralisation du commerce mondial serait dans
l’intérêt des pays du Sud et permettrait de
réduire la fracture entre pays riches et pauvres (juillet 2009),
ajoutant en avril 2009 : « le meilleur plan de relance, c’est le Programme de Doha pour le Développement (PDD) ». En juin 2008, au moment des émeutes de la faim, il proclamait « le cycle de Doha peut apporter une partie de la réponse à la crise alimentaire ».


3    En France, par exemple, le déficit de la
sécurité sociale croît de manière
exponentielle sans que les pouvoirs publics ne cherchent des nouvelles
recettes. C’est à se demander si cela n’est pas
délibéré pour provoquer sa faillite.
Parallèlement, partout les pouvoirs publics dépensent
sans compter pour renflouer les banques et tenter de relancer la
machine économique, ce qui crée un endettement global
sans précédent qui justifiera tous les programmes
d’austérité.

4    Mais, peut-on parler de crise sociale pour
désigner les conséquences sociales de la crise du
capitalisme en tant que système ? A notre avis non. Il ne
s’agit pas là d’une crise sociale, mais des effets
d’une lutte de classe unilatérale, celle de la classe
dominante qui cherche à restaurer les conditions de son profit
mis à mal par la crise de son système. Celui-ci a le
profit comme raison d’être. Dans la propagande bourgeoise,
le profit est posé comme la condition du bien-être
général, il serait donc la raison d’être tant
idéologique que politique du système. Il est certainement
la raison d’être du système, mais il est tout, sauf
la condition du bien-être général. Lorsque les
travailleurs l’auront compris, ils se battront contre les mesures
restaurant le profit, ils exigeront que le surplus social provenant du
travail serve désormais à améliorer la vie des
gens à la place de nourrir le capital. Cette lutte
déclenchera la crise sociale, c’est-à-dire
l’impossibilité de la bourgeoisie d’imposer ses
mesures antisociales. Une crise sociale commencera par un
« pat » politique : ni la bourgeoisie,
ni les travailleurs ne seront en mesure d’imposer leur solution,
la lutte des classes tranchera.

5    Le contraste est d’ailleurs frappant entre
cette pression sur les emplois et les salaires au niveau mondial et la
surenchère à laquelle se livrent à nouveau les
banques en matière de bonus ou de niveau de
rémunération de leurs cadres ou des traders
opérant dans les salles de marchés. Le G20 a fait de
belles déclarations sur la nécessité
d’encadrer les bonus dans les établissements financiers,
faisant valoir que ceux-ci favorisent les prises de risques excessives
qui nous ont précipités dans la crise. Aujourd’hui,
dans tous les pays, les banques passent outre à ces
recommandations et résistent à toute
réglementation légale en matière de plafonnement
des bonus et rémunérations. Les bourses et les
marchés des matières premières ont en effet repris
des couleurs depuis mars 2009, de sorte que les banques
d’investissement, qui ont renoué avec les gros profits au
2ème trimestre 2009, font valoir que toute réglementation
dans ce domaine menacerait leur compétitivité face
à leurs concurrentes étrangères. Il s’agit
pour elles de s’attacher « les meilleurs
éléments », ceux qui leur font à
nouveau gagner beaucoup d’argent dans des opérations
spéculatives, lesquelles généreront
immanquablement de nouvelles bulles financières. Tout cela,
alors que le chômage et la pauvreté s’aggravent dans
le monde entier.