Vers une privatisation de l’assurance accident ?

Vers une privatisation de l’assurance accident ?



Le monopole public partiel dont
dispose la Caisse nationale suisse en cas d’accident (SUVA)
– un acquis des luttes ouvrières de 1918 ! –
aiguise les appétits des assureurs privés, relayés
par les parlementaires bourgeois et le Conseil fédéral.

Pire encore aux yeux du lobby des assurances privées, la bonne
santé financière de la SUVA est susceptible
d’apparaître comme la preuve qu’une assurance
publique fonctionne bien, à l’heure où les hausses
vertigineuses des primes maladies remettent à l’ordre du
jour l’idée d’une caisse maladie unique sous
contrôle public. De fait, les primes payées par les
assuré·e·s cotisant à la SUVA reviennent
prioritairement… aux assuré·e·s :
selon les statistiques fédérales, sur un franc de
cotisation, 95 centimes sont reversés aux
assuré·e·s sous forme de prestation, contre 79
centimes chez les assureurs privés.

    Dans une révision mise en consultation il y a
peu, le Conseil fédéral propose, entre autres choses,
d’abaisser le montant du gain maximal assuré SUVA. En
clair, cela signifie que les employé·e·s disposant
de revenus élevés (plus de 106 000 francs par
année) devront contracter une assurance complémentaire
– privée bien sûr – pour maintenir leur
couverture actuelle. Par un effet de vases communicants, les primes de
l’ensemble des travailleur-euses s’en trouveront
relevées et le principe de solidarité, fondé sur
la progressivité des primes et sur le fait que les hauts
salaires sont statistiquement moins sujets aux accidents, s’en
trouvera affaibli d’autant.

    D’autre part, le Conseil fédéral
propose de soustraire certains secteurs professionnels à
l’obligation de contracter une assurance accident: un
véritable retour au XIXe siècle où les
employés étaient obligés d’attaquer
l’employeur en responsabilité civile lors
d’accidents ou de maladie professionnelle ! Comme par
hasard, les secteurs soustraits à la SUVA sont ceux où
les risques d’accidents sont les plus faibles : un
transfert des « bons risques » vers le
privé donc, qui vise à en finir avec l’insolente
santé financière de la SUVA pour pouvoir bientôt
lui appliquer la rhétorique des
« abus », préalable traditionnel au
démantèlement d’une assurance sociale…

    Il s’agit au contraire pour la gauche de
plaider pour que toutes les branches professionnelles soient
assujetties à la SUVA, contre 51 % des
salarié·e·s aujourd’hui, et de
s’opposer à toute réduction des prestations.

Hadrien Buclin