Une fête pour créer les conditions d’une rencontre

Une fête pour créer les conditions d’une rencontre

Le Collectif Haddock, constitué de vendeurs/vendeuses et de
jeunes militants de divers horizons, vous convie à une GRANDE
FETE contre les nocturnes, samedi 13 novembre dès 20h au
Café industriel (25, rue du Vuache). Au programme : trois
concerts, une disco, des gens de toute la ville et… vous !

A la reconquête d’un temps-libre collectif et social

La campagne contre les ouvertures prolongées des commerces
était l’occasion – à saisir – d’initier un
recentrage du débat politique autour de la question du travail.
Dans les quartiers populaires, d’abord (cf. édito),
où cette thématique est certainement la mieux à
même de faire contrepoids aux propagandes racistes et
xénophobes qui montent les individus les uns contre les autres.
On l’observe, s’agissant en particulier du personnel de
vente que chacun côtoie, la dénonciation de
l’exploitation induit l’identification et l’empathie,
et aménage un climat de solidarité en désignant
d’autres « abus », d’une autre
ampleur, que les petites débrouillardises des petites gens.
    Mais c’est également parmi les jeunes
qu’elle était propre à susciter un regain
d’intérêt, et notamment auprès d’une
nouvelle génération de militants et militantes. Le refus
des ouvertures prolongées permet en effet de faire la jonction
entre le souci social d’assurer à chacun des conditions
d’existence décentes, et les inquiétudes
environnementales liées au consumérisme de masse,
très présentes chez les jeunes. La possibilité de
cette rencontre s’explique ici, semble-t-il, par le fait que
cette campagne relègue au second plan les revendications
liées à la défense du pouvoir d’achat des
travailleurs·euses concernés pour se concentrer sur leur
droit et leur désir légitime d’avoir du temps. Or
le temps qui leur manque, ce n’est pas celui des activités
solitaires comme le shopping, puisque les magasins sont ouverts 67h30
par semaine et qu’ils travaillent une quarantaine d’heures.
Bien plutôt, ils aimeraient passer plus de temps avec leurs
enfants, leurs amis, leur conjoint, à s’occuper de leur
santé, à participer à des activités
associatives ou militantes, à prendre des cours, etc. Autrement
dit, ils souhaitent coordonner leur temps libre avec celui de leur
entourage, ce qui revient à défendre un temps libre
collectif et social, plutôt qu’individuel.

Moins de biens et plus de liens

Pour une fois, et sur ce point, leur préoccupation rejoint la
posture de cette nouvelle génération de
militant·e·s, maydayistes décroissants ou acteurs
culturels précarisés, que rassemble le slogan
« Moins de biens, plus de liens ». Car la
méfiance de cette mouvance par rapport à la
« démocratisation » de la consommation
la laisse un peu désarmée devant ce qu’elle appelle
les « vrais gens », dénonçant
tout au plus, et à distance, leur aliénation
indéfectible à la publicité. Toujours est-il que
d’ordinaire, la rencontre ne se fait pas entre la
réalité vécue par ces travailleurs·euses,
autrement plus complexe, et cet anticapitalisme idéal qui, pour
abstrait qu’il soit, n’en est pas moins un puissant moteur
de proposition et d’organisation.

    Nous avons voulu faire de cette campagne
l’occasion de cette rencontre. Il nous fallait un
prétexte : l’organisation d’une fête, qui
permet des degrés d’implication très divers et
mobilise un éventail de compétences varié, nous
l’a fourni. Une poignée de vendeurs et vendeuses et une
quinzaine de jeunes se sont engagés côte à
côte, qui à déterminer le visuel de
l’affiche, qui à rassembler le matériel son ou
lumière, qui à trouver des groupes de musique,
approvisionner le bar, orchestrer la promotion de
l’événement ou gérer la flotte des
bénévoles. Les liens créés et les questions
échangées font que notre victoire sera
indépendante du verdict des urnes. Nous vous invitons donc
chaleureusement à entrer dans la danse!

Quatre questions au chanteur K, qui se produira à la fête du 13 novembre :

Dans le cadre de cette campagne contre les nocturnes, on entend
beaucoup de jeunes dire que les vendeuses n’ont qu’à
changer de boulot si elles n’aiment pas bosser le soir. Et
c’est ce que fait la petite Léonine de ta chanson,
malgré les mises en garde de sa mère sur son avenir et sa
retraite… Dans la réalité, une caissière
qui quitte son boulot ou le perd se retrouve plus souvent à
pointer au chômage qu’à faire de la poterie sur les
marchés ensoleillés. Qu’advient-il des autres
caissières ?

Je fais l’hypothèse que lorsqu’un individu
décide de vivre son rêve ou sa passion, c’est toute
la société qui est gagnante. Mais je ne peux parler
qu’en mon nom et constater que ça fonctionne pour moi.

Est-ce que tu penses que notre démarche collective aurait
aussi été possible, pour que la petite Léonine
retrouve du sens à sa vie, voire à son boulot ?

J’ai déjà remarqué que lorsqu’on se
retrouve à plusieurs autour de la même envie, ou du
même projet, nos forces sont démultipliées. Par
contre, je n’hésiterais pas à quitter une alliance
si la direction prise ne correspond plus à quelque chose
d’enthousiasmant.

Est-ce que tu dirais que tu fais de la chanson politique ?
Ou alors que ta démarche poétique est politique ?
En quoi ? Comment la décrirais-tu ?

La politique est quelque chose qu’il me reste à
découvrir. Pour l’instant, je colore ma vie en
écrivant des chansons et je constate que ça
fonctionne : la parole est créatrice.

Tu as aussi une chanson sur un autre travailleur, fonctionnaire
lui, et même fonctionnaire de police, qui en a
« marre d’être un flicard ». Au
fond tu prends les sujets les moins poétiques a priori pour en
faire de la poésie et de la tendresse. Idem sur les travailleurs
de la pub. C’est politique, ça ?

Je ne sais pas…

Propos recueillis par Laïla Batou