Votation fédérale: Pasò (il est passé)
Votation fédérale: Pasò (il est passé)
« No
pasaràn » (ils ne passeront pas). De 1936 à
1939, les révolutionnaires et les républicains espagnols
ont subi la guerre civile que soutenaient Hitler et Mussolini. La suite
est connue. Le 28 novembre, aucune forme de fascisme na certes
emporté la mise. Mais le racisme a gagné une bataille qui
menace la Suisse et lEurope.
LUDC est indiscutablement raciste
Oskar Freysinger déplore « le bradage de la race
blanche devenue souffre-douleur ». Il assure que
« nous sommes en Europe dans une situation
davant-guerre civile ». Son credo? Frauder la
démocratie, susciter la peur. La recette est connue, mais la
cuisiner demande du doigté, car « constamment vous
butez contre des lois, contre la constitution ».
Laveuglement
Pour les éditorialistes, lUDC est une fois de plus
parvenue à simposer contre tous les autres. Mais
doù tiennent-ils que ceux-ci souhaitaient son
échec ? Le contre-projet na-t-il pas au contraire
accrédité la vision raciste de lUDC contre le
« crime étranger » ? Cet
aveuglement est, hélas, profond. Croire aux « peurs
légitimes qui sexercent à légard des
phénomènes migratoires » ne mène-t-il
pas à penser que le populisme seul serait raciste ?
Les masques du racisme
Cette croyance est une concession au racisme : craint-on les
malades lorsquon craint la maladie ? La défense
des prétendus « siens », soi-disant,
victimes des abus et des crimes des
« autres », est raciste elle aussi. A droite,
lÜberfremdungsdiskurs est le fondement même du
nationalisme suisse.
La gauche na toujours pas voulu affronter la difficulté
que soulève SOS Racisme Suisse depuis 25 ans. Combien de fois
navons-nous pas entendu que, les travailleurs sunissant
dans leurs luttes, les militant·e·s doivent se consacrent
à leur préparation plutôt quà saisir
à bras le corps le racisme qui les divise au quotidien ?
1917, les autorités suisses instituent le racisme différentialiste
En 1917, elles conçurent avec
lÜberfremdingsdiskurs le racisme
différentialiste qui simpose dans lEurope
entière avec le courant identitaire en ce début du 21e
siècle. Sans empire colonial, elles navaient pas à
justifier le déni dhumanité de peuples
opprimés. Neutres, elles ne pouvaient établir leur
nationalisme contre un ennemi héréditaire. Le rejet de
létranger est le socle dun nationalisme qui, dans
lesprit du temps, stigmatise particulièrement les Juifs
et les Gitans.
2010, elles contribuent à son succès européen
Soyons clairs. Le contre-projet avait une seule mission,
protéger limage de la Suisse des outrances de
lUDC. Elles ont ainsi accepté linitiative de
lUDC car elle restaure la légende dun peuple
suisse résistant à linvasion
étrangère, réhabilite
l« Überfremdingsdiskurs », et
distrait les salarié·e·s du saccage de la
concertation sociale et des conventions collectives, du
délabrement des conditions de travail et de
lassurance-chômage, de leffritement de
lassurance-maladie et des retraites.
Les slogans du néoracisme
A la différence de ceux qui revendiquent clairement une
filiation avec un racisme fondé sur la supériorité
de la race blanche (ou aryenne), sur la légitimité des
pouvoirs imposés à des peuples soumis, sur la nostalgie
de ces derniers, le néoracisme combine le sentiment
dinsécurité, la revendication identitaire, la peur
du métissage et lhorreur du multiculturalisme. Il formule
des slogans et des clichés plutôt que des théories.
Linsécurité? « Nous » sommes des victimes!
Les identitaires manipulent la rumeur et transforment des faits divers
en bruit de fond suggérant que
« nous » les aurions tous subis !
Incivilités, viols, abus, islamisme portent la marque du crime
étranger.
Lidentité cest lappartenance
Notre identité ne nous appartient pas. Bien au contraire, ce
sont nous qui lui appartenons. Les abus, les délits que
commettent des étrangers ont pour cause leur
déracinement. Loin des leurs, ils sont livrés à
eux-mêmes et fautent.
Ce sont nos racines qui nous portent
Certains étrangers sassimilent, senracinent.
Dautres ont rompu avec leur origine et nous menacent dun
déracinement contagieux, de métissage. Cest une
vieille idée. Lantisémitisme suisse des
années 1930 nommait les Juifs
« Emigrantlustige », ceux qui samusent
à émigrer.
Le multiculturalisme menace nos racines
Dautres étrangers, les musulmans, ont une culture forte
et différente de « nos »
références judéo-chrétiennes ou
romain-germaniques : ce sont les envahisseurs musulmans que
« nous » devons combattre.
« Pénétrer les sentiments, bombarder démotions » (Oskar Freysinger)
Évidemment, la puissance du néoracisme identitaire ne
tient pas à ses syllogismes boiteux que la critique
démasque aisément. Oskar Freysinger le dit bien :
« la personne qui reçoit un texte résiste
à la manipulation. Elle se demande sil est intelligent ou
sil ne tient pas la route ». Linfluence
quelle exerce tient aux images et aux émotions fortes qui
le véhiculent.
Est-ce vraiment nouveau?
Nos mémoires hantées par la vision des cheminées
dAuschwitz, de Noirs lynchés, des ratonnades ne doivent
pas nous leurrer. La réapparition du racisme sous sa nouvelle
forme « identitaire » manipule de pseudo
évidences qui ne sont guère plus légitimes que
celles dans lesquelles il baignait au tournant du 20e siècle,
conforté par mille et un récits absurdes de Juifs
mangeant des petits enfants, dArabes paresseux, de Chinois
fourbes et de Noirs abrutis !
Karl Grünberg. ACOR SOS Racisme