Régisseurs et affairistes, les PUS, ça les démange!

Régisseurs et affairistes, les PUS, ça les démange!


Les plan d’utilisation du sol (PUS) sont un instrument unique permettant aux municipalités du canton de Genève, et notamment à la Ville de Genève, de jouir d’une certaine autonomie en matière d’aménagement du territoire. Depuis leur introduction en septembre 1988, les PUS ont été fort utiles pour promouvoir l’habitat en ville en cas d’augmentation des surfaces constructibles.


Les PUS ont notamment permis à la Ville de Genève, contrairement à l’ensemble des villes suisses, de récupérer, voire d’augmenter, le nombre de ses habitant-e-s. Cet instrument d’aménagement original, qui est entré en vigueur à la suite d’une votation populaire, fait l’objet d’attaques répétées de la part des milieux immobiliers et de leurs représentants de droite au Grand Conseil. Dernièrement, nous avons essuyé une première défaite.


Müller à l’abordage


Ces trois derniers mois, au parlement genevois, la bagarre politique a fait rage sur la question essentielle du maintien de cet instrument et notamment de l’une de ses composantes: l’indice d’utilisation du sol.


C’est à la faveur d’un projet de loi relatif aux plans d’aménagement communaux, que la droite a déclenché l’offensive. Profitant de ce projet qui allait recueillir les suffrages de la quasi-unanimité du Parlement, le député Mark Müller, fer de lance des promoteurs immobiliers du canton, a présenté au dernier moment un amendement visant à supprimer l’un des volets d’une autre loi: le taux d’utilisation du sol inscrit dans les PUS. Des députés, révoltés par le procédé, ont a juste titre comparé cette stratégie à une véritable action de flibustiers.


Quelques chiffres


Il faut savoir que ces PUS peuvent être élaborés dans les quatre premières zones de construction et dans leurs zones de développement. La totalité du champ d’application des PUS représente 38,42% des zones à bâtir du canton, soit 29456159 m2 (fin 1999), dont 14190276 m2 situés en zone ordinaire. Quand on sait que l’essentiel de ces zones ordinaires se trouve en Ville de Genève, soit 88,5% du total, on voit bien l’enjeu que représente l’abolition de cette loi pour laisser les mains libres aux promoteurs et spéculateurs en vue de n’y construire que des immeubles de bureaux, combien plus lucratifs que le logement.


Une bataille perdue…


Bien que les dégâts aient pu être limités, puisque les PUS n’ont pas été abolis après plus de quatre heures de débats étalés sur deux sessions parlementaires, le combat a tout de même été perdu par la minorité de gauche du parlement. Aujourd’hui, les municipalités seront donc privées du droit de définir et d’imposer un taux d’utilisation du sol dans les plans qu’elles élaboreront, elles devront se contenter de s’arc-bouter derrière une répartition de 70% de logements et 30% de bureaux dans les nouvelles surfaces construites, pour défendre le droit de la population à habiter en ville.


Mais les habitant-e-s auront la parole


Les droits populaires ont, eux aussi, pris un coup de canif, dans la mesure où, par exemple, l’initiative populaire municipale qui avait été présentée et gagnée par les habitant-e-s pour l’aménagement du triangle de Villereuse contenait un indice d’utilisation du sol. Aujourd’hui, si une initiative du même ordre venait à être lancée, elle ne pourrait plus contraindre les promoteurs à s’en tenir à une certaine densité d’habitat.


On risque ainsi d’assister à nouveau aux dérives de surdensification, du genre de celle de l’aménagement du quartier de l’Europe aux Charmilles. Nous le déplorons et – pour recouvrer ce droit – nous espérons beaucoup de la victoire en votation populaire de l’initiative cantonale «Droit des locataires», déposée en octobre avec plus de 12000 signatures.


Rémy PAGANI