Grande-Bretagne: le mépris de classe comme réponse à la crise

Grande-Bretagne: le mépris de classe comme réponse à la crise



Formé en juin dernier, le
premier gouvernement de coalition que connaît la Grande-Bretagne
depuis 75 ans est le résultat d’un accord conclu entre les
Libéraux Démocrates (Lib-Dem) et leur
« grand frère », le Tory Party. En
formant cette coalition avec les conservateurs emmenés par David
Cameron, les Lib-Dem ont brutalement viré à droite,
rejetant tout compromis avec le Labour Party.

En réalité, cette coalition n’est qu’une
façade. Sur le plan idéologique, ce gouvernement
dominé par les Tories et soutenu par des Lib-Dem qui se sont
pleinement alignés sur la politique des conservateurs est encore
plus néolibéral que celui de Margaret Thatcher. Il
s’agit d’un pouvoir qui se détermine
entièrement en fonction d’un agenda centré sur les
coupes budgétaires et d’une approche bien définie
de la crise et de la dette britannique. C’est un gouvernement de
millionnaires qui s’attaque aux pauvres, qui mène une
politique dont Thatcher a dû beaucoup rêver, sans jamais
réussir à la mettre en œuvre.

Passage en force des « Con-Dem »

C’est bien le plus grand plan d’austérité
jamais vu de mémoire d’homme ou de femme qui a
été lancé en Grande-Bretagne : 81 milliards
de livres sterling de coupes budgétaires, 500 000 postes
de travail supprimés dans la fonction publique, avec en
conséquence 500 000 autres licenciements dans le
privé, ainsi que des attaques massives dans les secteurs de
l’éducation, de la santé, des transports, etc. Le
projet vise rien moins qu’à mettre un terme
définitif à l’ère du Welfare state (Etat
providence), ouverte après la seconde guerre mondiale. Le
National Health Service (système de santé national), par
exemple, est destiné à être détruit et
privatisé ; tandis que la réduction des allocations au
logement obligera les familles pauvres à quitter les quartiers
les plus riches, favorisant ainsi le « nettoyage
social » des villes. Pourtant, ni les Tories ni les
Lib-Dem n’avaient de mandat démocratique pour de telles
attaques au moment de l’élection.

    Lors de l’annonce au parlement de ce plan
d’austérité, les Premiers ministres
concernés ont largement argumenté que la crise et le
problème de la dette les avaient forcés à faire
ces « choix difficiles » pour sauver
l’économie. Il n’en est rien : les
décisions qu’ils ont prises sont celles qu’ils
planifiaient depuis longtemps. Ils utilisent seulement la crise comme
bélier pour les faire passer en force. Certains Tories ont
même affirmé publiquement que la crise ne devait pas se
transformer en une occasion manquée…

« There is no alternative »

Dans le cadre de ce tournant réactionnaire significatif (qui se
traduit par exemple par la criminalisation des pauvres et des
chômeurs), le gouvernement se cache derrière la vieille
affirmation thatchérienne « there is no
alternative ». Malgré tout, il continue à
avoir le soutien de la majorité de la population,
démontrant le succès idéologique de leurs
arguments. Il n’y a pour le moment aucune voix alternative
audible s’élevant contre les attaques de cette coalition,
bien que cela risque de changer prochainement. Quant aux médias
dominants, adhérant les yeux fermés à la politique
gouvernementale, ils tiennent eux aussi désormais le
« there is no alternative » pour une
vérité indiscutable.

    Le Labour, et son nouveau leader Ed Milliband, ont
déjà échoué. Non seulement ils ont
laissé le champ libre à la coalition, mais ils se sont
également laissés prendre au piège du plan
proposé par Brown et Darling [Gordon Brown, premier ministre de
2007 à 2010 et Alistair Darling, son ministre des finances ;
tous deux membres du Labour, réd.] qui vise à
réduire la dette en quatre ans, impliquant des coupes
budgétaires à peine moins massives que celles du
gouvernement actuel.

    Plus grave encore, rien ne se passe du
côté des leaders syndicaux, ni même du TUC [Trade
Union Congress, première confédération syndicale
du pays, elle compte 6,5 millions de membres et regroupe plus de 70
syndicats, réd.] Ils ont discuté de ce plan
d’austérité au mois de septembre et
n’appellent à manifester qu’en mars
prochain ! Dans la plupart des entreprises, l’introduction
des nouvelles mesures (réductions de salaire, licenciements,
etc.) s’est déjà déroulée sans
résistance.

Alan Thornett
Traduction et adaptation : Giulia Willig

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« Fuck Fees »

Le gouvernement britannique a entériné, à une
courte majorité, jeudi 9 décembre l’augmentation
des taxes universitaires de 3290 à 9000 livres sterling
d’ici à 2012, alors qu’au dehors, sur Parliament
Square, les étudiant·e·s étaient
rassemblés par milliers pour protester. Depuis début
novembre, les mobilisations se succèdent à un rythme
soutenu et sous des formes toujours plus radicales, à mesure
aussi que le mouvement affronte une répression croissante des
autorités. La tactique policière du kettling –
conduite du bétail en anglais – qui consiste à
former un cordon de sécurité autour des
manifestant·e·s pour les empêcher de quitter les
lieux est vivement critiquée par les
étudiant·e·s. La violence policière –
43 hospitalisations de manifestant·e·s et 34 arrestations
pour la seule journée du 9 décembre – peut susciter
la panique mais contribue aussi à rendre les
étudiant·e·s plus agressifs.
    Si le mouvement a surpris par la rapidité
avec laquelle il est né ainsi que par sa radicalité, la
question est de savoir dans quelle mesure il suscite la crainte des
autorités. L’impact de cette protestation sur le
gouvernement ne pourra se mesurer que dans la continuité et
l’ampleur que prendra la mobilisation. Pour donner naissance
à une dynamique plus large contre le plan
d’austérité du gouvernement, il faudra que 
travailleurs·euses et étudiant·e·s
s’unissent. Il faut aussi dès maintenant que les forces de
la gauche radicale travaillent à l’unité : pour le
moment, trois campagnes anti-cuts sont menées en
parallèle : par le Socialist Workers Party, par le SP
(Militant) et par la Coalition of Resistance (mouvement unitaire plus
large). GW