Francois Masnata (1934-2011)

Francois Masnata (1934-2011)



Figure de l’Université de
Lausanne durant un quart de siècle, animateur de l’aile
gauche du Parti socialiste, membre actif du groupe d’Yverdon,
François Masnata – décédé
récemment – a fini par porter un regard
désabusé sur un parti dont il estimait qu’il devait
quitter le gouvernement fédéral pour retrouver ses
capacités critiques et réformatrices, en particulier
après l’échec cuisant de la non-élection de
Lilian Uchtenhagen.

Se rapprochant alors de la gauche critique, il avait brigué un
siège au Conseil national sur la liste d’A gauche
toute ! Mais ses derniers engagements politiques, il les aura
menés sur le front de la politique d’asile en
s’investissant dans les actions menées par Coordination
Asile, engagement qui exprimait chez lui des convictions
idéologiques fortes mais aussi un humanisme profond et ancien.
En 2004, il n’hésita pas à recourir aux gestes
d’une « désobéissance
civile » qu’il avait déjà
pratiquée par le passé et qui lui avait valu un
blâme des autorités universitaires. Cependant il n’a
jamais été longtemps à l’aise dans les
engagements collectifs : élu à la Constituante, il
a assez vite repris sa liberté de parole et c’est
assurément comme intellectuel critique qu’il a
marqué son temps, et en particulier durant ses années
d’enseignant à l’Université de Lausanne.

Un intellectuel engagé

Professeur depuis 1969 à l’Ecole devenue Faculté
des SSP, il aura marqué, séduit ou irrité, de son
charisme intellectuel des générations
d’étudiants. C’est aussi à
l’intérieur de sa discipline qu’il aura tenté
de développer une sociologie politique critique
s’inspirant des grands classiques de la pensée critique
anglo-saxonne et de la sociologie française ( les travaux
de Pierre Bourdieu par exemple, dont il a suivi aussi les inflexions
politiques ). Son travail intellectuel a commencé par une
série de publications sur les Etats-Unis, sur les contradictions
du pouvoir démocratique, et sur les racines profondes et le
pouvoir structurant du racisme dans ce pays. De son séjour aux
Etats-Unis, effectué avec sa compagne d’alors, Claire
Masnata-Rubattel, il rapportera plusieurs essais percutants dont
Pouvoir blanc, révolte noire, paru en 1968. Ce regard sur la
société américaine n’a pas été
sans incidence sur l’analyse qu’il portera sur la Suisse.

    Sa thèse sur le Parti socialiste
annonçait la lecture critique qu’il développera
avec Claire dans ce qui restera une contribution majeure à une
lecture démythifiée de la réalité
démocratique suisse : Le pouvoir suisse. Séduction
démocratique et répression suave, paru dans une
première édition en 1975. L’impact du livre a
été considérable parce qu’il apportait au
discours critique qui se développait alors un cadre, un
argumentaire et une rigueur intellectuelle qui s’est
révélée fructueuse. En témoigne la
réédition du livre augmentée de contributions
très nombreuses qui ne se limitaient nullement à ses
seuls élèves ou disciples. Le livre repris en poche est
aujourd’hui un classique, le débat intellectuel et
politique lancé et prolongé alors mérite
d’être repris dans une conjoncture creusée par les
inégalités et les injustices, où la
séduction démocratique a cédé à la
confrontation, la répression suave à la manipulation
délibérée.

Rédaction