Nucléaire et bagnoles en pole position à Berne

Nucléaire et bagnoles en pole position à Berne

Le parlement belge décidait récemment d´une sortie du nucléaire entre 2015 et 2025, avec arrêt des réacteurs après 40 ans d´exploitation. Moins d’une semaine après, à Berne le vendredi 13 décembre, le Conseil national comme les Etats, adoptaient à une large majorité de droite deux arrêtés refusant les initiatives populaires antinucléaires «Sortir du Nucléaire» et «Moratoire Plus» qui seront en principe soumises au vote populaire au mois de mai.


Au moment du vote final au Conseil national, un parlementaire de l´UDC s’est même permis d’intervenir sur le caractère «trompeur et erroné» de l’intitulé de l’initiative «Moratoire plus», dont les 120000 signatures ont été déposées en septembre 1999, sous prétexte qu’elle prévoit le prolongement d’un moratoire, expirant en septembre 2000. Il en a exigé la «rectification du titre» par la Chancellerie fédérale, dénonçant au passage la différence entre cette proposition et le moratoire précédent, du fait que la nouvelle version serait reconductible par votes populaires successifs! Possibilité qui dérange évidemment les représentants de ce parti soi-disant populaire, mais réellement pronucléaire.

Béton, bagnoles et CO2

Au cours de la session, le Conseil national s’est illustré en donnant un coup d’accélérateur formidable au bétonnage et au trafic routier, en adoptant un contre-projet à l’initiative dite Avanti, portée par le lobby de la bagnole (TCS, ACS), qui prévoit des autoroutes à six voies entre Lausanne-Genève, Berne-Zurich, etc. Ce contre-projet n’a rien de «contre». Il va au contraire plutôt plus loin que l’initiative, avec le projet explicite d’un second tunnel routier au Gothard (en «dérogation» à l´«Initiative des Alpes» acceptée par le peuple) et la création d´un fond ad hoc, juridiquement autonome, pour le financement des infrastructures routières. Celui-ci sera alimenté par la taxe sur les carburants et enfreint toutes les règles financières opposées d´ordinaire, aux projets qui n’ont pas le caractère «sacré», aux yeux de la droite patronale, de la défense inconditionnelle du transport routier privé.


Avec cette décision le National accorde une priorité financière absolue au routes et coule dans le béton une politique de transfert du rail… à la route! Le premier dépôt versé au fond en question se monte à 1.9 milliards de francs.


Cette décision met en lumière le caractère mensonger de la campagne de votation pronucléaire, déjà lancée à coups de placards couleur dans les quotidiens, par le lobby de la droite patronale economiesuisse. Cette campagne associe le «couple» hydraulique + nucléaire en les présentant comme des piliers indispensables, l’un comme l’autre, de notre approvisionnement électrique. Ces deux sources d’énergie sont présentées comme étant «bonnes pour l’environnement», en ce sens qu’elles ne produiraient pas de CO2! Les questions des déchets et du risque majeur liés exclusivement à l´atome, sont évidemment escamotés. Or ce sont les mêmes milieux qui se préoccuperaient – soi-disant – de CO2 et de l’effet de serre dans le débat sur le nucléaire, qui viennent d’ouvrir tout grand les pots d’échappement avec leur vote sur Avanti plus!

Des millions pour un train de mensonges

La campagne des pronucléaires a démarré avec une annonce mensongère, qui – en plus – calomnie les transports publics en s’en prenant aux CFF! Cette pub trompeuse présente une passagère en train illustrant le slogan «Se déplacer aisément avec 40% d’énergie nucléaire». Or plus de 95% de l’électricité qui fait rouler les locos CFF est d’origine hydraulique – notamment en provenance des centrales propres de la compagnie. Les CFF, soucieux de leur image environnementale, se sont d’ailleurs débarrassés de leurs parts dans les centrales atomiques de Leibstadt et de Gösgen. Ils ont demandé formellement à economiesuisse de retirer cette annonce. Mais cette officine s’y est, assez naturellement, refusée. En effet, s´interdire le mensonge, c´est être bien en peine de dépenser les millions à «investir» pour assurer la pérennité du nucléaire. Rappelons que c’est avec plus d’une dizaine de millions, qu’economiesuisse avait – sans succès – arrosé le pays d’annonces prônant la LME et la fatalité de la libéralisation-privatisation de notre secteur électrique. Au vu de cette déconvenue, il est certain que leur pompe-à-fric tournera encore plus fort ces mois ci. Ainsi, pour la seule «précampagne» pronucléaire en cours economiesuisse avoue un budget de 3 millions, la réalité étant sans doute au-delà!

Plutonium et gaz à effet de serre

Pour en revenir au chapitre du CO2, on peut citer par exemple le secrétaire d’Etat belge à l’énergie qui dit que «l’effort exigé pour le respect par la Belgique du protocole de Kyoto contre le réchauffement climatique ne sera que marginalement influencé par la sortie du nucléaire puisque la production d’électricité ne représente que 15% des rejets totaux de gaz à effet de serre».


En outre, il faut rappeler des vérités élémentaires. Par exemple que si l’on prend en compte l’ensemble du cycle allant de l’extraction de l’uranium au démantèlement des centrales et à la gestion des déchets dans la durée, le nucléaire produit – en sus du plutonium nécessaire à un éventuel holocauste nucléaire – une quantité appréciable …de CO2. Différentes études ont montré que – sur ce plan – les émissions dues à l’énergie nucléaire sont du même ordre que celles de centrales chaleur-force au gaz… Au-delà ces comparaisons ce qu´il faut bien sûr c´est une réelle révolution énergétique avec une réduction drastique des niveaux de consommation insoutenables, tant dans la durée qu´à l´échelle planétaire. Mais nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet!


Pierre VANEK