Economie

Economie : Pour comprendre la révolution egyptienne

Au moment où nous mettons sous presse ce Cahier émancipationS, l’Egypte entre dans une période électorale à l’ancienne, censée donner un semblant de légitimité démocratique au régime de l’armée, incarné par le maréchal Tantaoui. Les manifestations contre la répression et les véritables combats de rue qui se sont développés depuis le samedi 19 novembre témoignent de l’instabilité profonde de la situation. Entre avancées et recul, clarification politique et faux semblant, mobilisation et répression, le processus révolutionnaire cherche son chemin. Il sera tout sauf linéaire. Pour mieux le comprendre, nous publions trois contributions, issues de la livraison automnale de la revue internationale de l’Union syndicale Solidaires (no 7)1, présentant respectivement la situation du mouvement ouvrier, celle des femmes au travail et de la gauche. Une introduction de notre cru actualise l’ensemble.

A son corps défendant, Ahmed Harara symbolise la continuité de la révolution égyptienne. Ce dentiste avait perdu un premier œil lors du soulèvement de janvier-février et se trouvait donc parmi les « blessés de la place Tahrir » que les unités antiémeutes de la Sécurité centrale ont voulu déloger le 19 novembre. Victime d’un nouveau tir, il est aujourd’hui définitivement aveugle.

Une telle violence, à l’origine de dizaines de morts et de milliers de blessés, relève non seulement des traditions de la police égyptienne combinées à l’inexpérience des troupes engagées par la Sécurité centrale. C’est aussi un choix politique du Conseil supérieur des forces armées (CSFA), noyau dur du vrai pouvoir en Egypte.

Passé en quelque mois du statut de héros de la nation à celui de réplique de Moubarak, le CSFA paie son incapacité à répondre politiquement et socialement au mouvement. Promise en mars, l’augmentation du salaire minimum se fait toujours attendre, comme le contrôle des prix des biens alimentaires de base. Les différentes manipulations électorales permettant de réintroduire les affidés de Moubarak dans le jeu politique ont clairement montré que le sacrifice de l’ancien « raïs » visait à préserver une domination inchangée. Et les tractations des islamistes et des libéraux avec le pouvoir en place ont versé de l’huile sur le feu de la colère populaire.

  1. http://orta.pagesperso-orange.fr/solidint/revues/revues.htm

Entretien avec Fatma Ramadan*

Le mouvement ouvrier dans la révolution égyptienne

Quelle analyse fais-tu de la révolution ?

Fatma Ramadan : deux analyses différentes sont habituellement faites de la révolution égyptienne :

  • l’une, majoritaire, est de la décrire comme une révolution de la jeunesse, reposant sur Facebook et Internet. Ceux qui partagent ce point de vue demandent ironiquement : « où est la classe ouvrière » ?
  • L’autre, minoritaire, mais très présente au sein de la gauche radicale, donne un rôle essentiel à la classe ouvrière. Elle estime que la classe ouvrière a un potentiel énorme et qu’elle est capable de transformer la révolution actuelle en révolution sociale.

Mon analyse est plus nuancée que ces deux analyses. Le processus révolutionnaire n’a pas commencé le 25 janvier. C’est le résultat d’une longue histoire de luttes incluant la campagne de soutien à la deuxième Intifada en Palestine, la campagne contre la guerre en Irak. Cela a débouché sur une confrontation avec le pouvoir de Moubarak et l’opposition à la passation de pouvoir à son fils. Dans ce contexte de montée des luttes, un saut qualitatif a été franchi avec la grève du textile à Mahallah (2006) puis avec celle des collecteurs d’impôts fonciers (2007). Ces grèves, qui ont eu lieu malgré la répression par le patronat, l’Etat et la centrale syndicale officielle (ETUF), ont été le prélude de la révolution actuelle.

Ce processus révolutionnaire, qui a une longue histoire, avait donc une composante ouvrière. Mais celle-ci s’intégrait dans un mouvement plus large incluant la lutte contre la politique néolibérale et une dimension internationale. Il est pour moi artificiel de vouloir séparer ces différents aspects. Les manifestations sur la place Tahrir ne réclamaient pas seulement la chute de la dictature, mais elles comportaient également un aspect social. C’était également vrai à Mahallah, Suez ou Alexandrie. Mais cette classe ouvrière s’est mobilisée jusqu’à présent essentiellement en tant qu’individus et pas collectivement en tant que classe.

Il est vrai que pendant la dernière semaine où Moubarak était au pouvoir, les sit-in de travailleurs ont joué un rôle décisif, mais le mouvement ne s’est pas généralisé. Il n’existait pas d’organe pouvant unifier le mouvement. Les grèves sont restées éparpillées et il n’y a pas eu d’expression collective de la classe ouvrière. Une grève générale était en préparation, mais pour l’empêcher, l’armée de façon intelligente a transformé Moubarak en bouc émissaire.

Pour toutes ces raisons, la question de l’organisation est pour moi centrale.

Comment vois-tu la situation actuelle ?

F.R. : un vieux militant – Fath Allah Mahrous du Parti socialiste Egyptien – aime à dire que nous sommes dans une situation de double pouvoir, avec d’un côté la rue, et de l’autre l’armée. Pour moi, il faut y ajouter un élément : l’organisation de la classe ouvrière. Et il est nécessaire de se focaliser sur cet aspect.

Dans cette situation de double pouvoir limité, il est clair que le Conseil supérieur des forces armées (CSFA) est en alliance avec des éléments issus de l’ancien régime, diverses forces conservatrices, dont les libéraux. Ils agissent énergiquement pour affaiblir l’aspect social de la révolution, par :

  • une campagne médiatique et idéologique,
  • la répression juridique (arrestations, procès, convocations de civils devant des tribunaux militaires…),
  • des lois imposées d’en haut, sans aucune consultation (criminalisation des grèves, entraves à la légalisation de partis, loi électorale restrictive…).

Il est possible que l’armée envisage d’agir comme elle l’avait fait dans les années 1950, pour :

  • donner satisfaction à certaines revendications sociales,
  • en contrepartie, limiter les libertés, y compris le droit de grève, voire se lancer dans une répression généralisée des libertés.

Mais nous sommes dans une situation différente, car la révolution actuelle est un processus par en bas, contrairement aux années 1950. Un danger énorme existe, dont le mouvement ouvrier doit être conscient : la volonté de l’isoler du reste du mouvement social.

Quels défis principaux le syndicalisme doit-il relever ?

F. R. : comme je l’ai dit, un danger énorme existe, dont le mouvement ouvrier doit être conscient : la volonté de l’isoler du reste du mouvement social. Face à cela, les militants syndicaux doivent avoir une vision plus large que la seule lutte sur les revendications immédiates des travailleurs. Je pense par exemple qu’on ne peut pas se limiter au problème du montant du salaire minimum sans poser celui du salaire maximum.

Où en est le mouvement syndical ?

F. R. : Nous sommes dans une situation contradictoire :

  • d’un côté, les mobilisations de ces derniers mois donnent beaucoup d’espoir ;
  • mais de l’autre, nous n’avons pas d’héritage sur lequel nous pouvons nous baser. Pire, ce dont nous disposons est un mauvais héritage qui fait douter les travailleurs de l’intérêt d’avoir des syndicats : ils ont du mal à voir en quoi les nouveaux syndicats pourraient différer des anciens.

De plus, le Premier ministre se déclare favorable au pluralisme, mais dans le même temps il fait tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher de le mettre en œuvre, par exemple en entravant la tenue de réunions de salariés. C’est notamment le cas au sein des services du ministère du Travail où les responsables ont expliqué que le droit de constituer des syndicats avait été annulé.

La faiblesse majeure des nouveaux syndicats est que, dans la plupart des cas, ils ne sont pas le résultat d’un processus long. Le plus souvent, quelques militants politiques organisent des réunions restreintes afin de rassembler les signatures nécessaires à la proclamation d’un syndicat et au dépôt de sa demande de légalisation. Ils expliquent que l’organisation minoritaire ainsi créée prendra par la suite un caractère de masse. Je ne suis pas d’accord avec une telle conception, dans laquelle les travailleurs sont passifs et où ce sont des militants qui dirigent. C’est une vision élitiste du syndicalisme qui peut conduire à l’isolement. Le syndicalisme doit se construire à partir de la base et de façon démocratique. Là où je travaille, nous n’avons demandé l‘enregistrement du syndicat qu’après avoir organisé une réunion large.

Ne pas impliquer le maximum de salariés à la construction de nouveaux syndicats peut, par ailleurs, aboutir à la création de plusieurs syndicats indépendants sur le même lieu de travail.

Quel est l’avenir de l’ETUF, la centrale officielle sous l’ancien régime ?

F. R. : Il ne faut pas se focaliser sur cette question. L’important est que se créent des syndicats de base démocratiques. Dans ce cadre, il y a deux possibilités : soit, grâce à la concurrence avec les syndicats indépendants, l’ETUF fonctionne sur d’autres bases, et ce sera une victoire ; soit l’ETUF disparaîtra.

Propos recueillis au Caire
le 31 mai 2011 par Alain Baron et Julien Ente
Traduction assurée par Omar El-Shafei

 * Fatma Ramadan est inspectrice du travail à Guiza, dans l’agglomération du Caire. Elle est fortement impliquée depuis longtemps dans les structures parallèles à la centrale syndicale officielle, comme le CCTUWRL (Comité de coordination pour les libertés syndicales et les droits des travailleurs).

Fatma est par ailleurs membre de Tagdid (Renouveau socialiste), ainsi que de Tahaluf, le parti plus large dont Tagdid est partie prenante.


 

Femmes et travail

Dans le classement réalisé en 2008 par le Forum économique mondial, l’Egypte arrive à la 124e place sur 130 en ce qui concerne le sort réservé aux femmes.

Fait révélateur, du temps de Moubarak, 2 % seulement des élus au Parlement étaient des femmes. Plus grave, la législation est très défavorable aux femmes, notamment au niveau du droit de la famille.

Le mouvement féministe qui avait commencé à se former dans la foulée de la révolution de 1919 n’a pas survécu à l’autoritarisme de Nasser et de ses successeurs. La montée du fondamentalisme religieux a renforcé les tendances obscurantistes.

Résultat, à la différence de plusieurs pays de la région — comme la Turquie, l’Iran, la Tunisie ou le Maroc – il n’existe pas aujourd’hui en Egypte d’organisation de femme ayant un poids significatif. De nombreux obstacles existent donc à la transformation des rapports entre les hommes et les femmes. […]

Des conditions d’emploi dégradées

En plus de leurs tâches domestiques, 46 % des femmes entre 15 et 64 ans ont un travail. Mais il s’agit d’un travail beaucoup plus dégradé que celui des hommes. En 2006, les femmes ne représentaient en effet que 22 % des emplois formels, soit moins qu’au Maroc, en Tunisie, en Turquie, au Bahreïn, en Iran, au Liban et au Yémen. Au final, 83 % des femmes travaillant dans le secteur privé non agricole ont un emploi informel.

Des possibilités d’emploi en chute libre

L’emploi féminin dans le secteur formel a été historiquement concentré dans l’Administration et les entreprises industrielles du secteur public, parce qu’ils offrent une durée du travail plus courte, la garantie de l’emploi et l’accès à des services sociaux. De telles conditions sont davantage compatibles avec la deuxième journée de travail qu’elles doivent accomplir à la maison : préparer les repas, faire le ménage et s’occuper des enfants. En 2006, l’Administration et les entreprises publiques employaient 38 % des femmes ayant un emploi.

La réduction de la taille du secteur public résultant des politiques néolibérales a considérablement diminué les possibilités d’emploi pour les femmes. De plus, un nombre croissant de femmes ayant fait des études ont renoncé à travailler dans le privé à cause du « climat inhospitalier » qui les attend et de l’importance de l’écart salarial entre hommes et femmes. Résultat, le taux officiel de chômage féminin est environ quatre fois plus élevé que celui des hommes. […]

La discrimination salariale

Elle est très visible dans le secteur textile où les femmes représentent 35 % du total des emplois formels. Dans l’entreprise privée Cotton Weaving Industries (Suez), le salaire de départ d’une femme est 16 % plus bas que pour un homme. Pour le même travail, une femme ayant de l’expérience touche 38 % de moins.

Une autre forme de discrimination existe par le biais de la ségrégation des emplois en fonction du genre : les femmes sont en effet concentrées dans des secteurs où, à même niveau de formation et d’expérience, les salaires sont moins élevés. Dans le prêt-à-porter, les femmes représentent un peu plus de 50 % du total de la main-d’œuvre. Les salaires y sont plus bas que dans le filage où la main-d’œuvre est essentiellement masculine, ainsi que dans le tissage où les femmes représentent environ un tiers des effectifs. […]

Des effets inattendus de la ségrégation des emplois

Ce procédé patronal a eu cependant des effets positifs inattendus : sur les lieux de travail exclusivement ou majoritairement féminins, il existe moins de pression sur les femmes pour les faire adhérer au modèle culturel suivant lequel elles doivent se soumettre à l’autorité des hommes. Cela les a aidées à se lever pour faire respecter leurs droits. Des leaders féminines ont émergé et ont joué un grand rôle dans la vague de grèves qui a traversé le pays au début des années 2000. Et cela a facilité des convergences ultérieures entre hommes et femmes qui s’étaient raréfiées depuis les années 1970, lorsque la remontée des islamistes avait commencé à promouvoir des comportements sociaux plus conservateurs. La grève du textile de 2006 à Mahallah fut, par exemple, déclenchée par 3 000 ouvrières de la confection. Elles quittèrent leur poste de travail et se rendirent en manifestation dans les sections filage et tissage, où leurs collègues hommes n’avaient pas arrêté leurs machines. Elles poussèrent les hommes à rejoindre la grève en chantant « Où sont les hommes ? Les femmes sont là ! »

Dans l’usine de vêtements Mansura-España, la grande majorité des salarié·e·s étaient des femmes. Elles ont été la principale force motrice de la grève d’avril-juin 2007 qui a duré deux mois. […]

La surexploitation des jeunes femmes

Un pourcentage important de travailleuses sont jeunes et célibataires, ce qui sert souvent d’argument pour leur payer des salaires faibles. Elles travaillent souvent afin de faire des économies pour acheter des meubles et des appareils électro-ménagers avant leur mariage. Certaines d’entre elles arrêtent ensuite de travailler, au moins tant que leurs enfants sont petits. Ces jeunes femmes sont souvent recrutées dans les campagnes et n’ont jamais travaillé auparavant dans l’industrie ou un autre secteur.

Presque la moitié des 600 femmes sur lesquelles l’association Femme Nouvelle a mené son enquête avaient moins de 30 ans. La tendance à employer des femmes plus jeunes est plus prononcée dans le secteur privé (où 68 % des travailleuses ont moins de 30 ans), que dans le secteur public (où 25,6 % des femmes ont moins de 30 ans). Dans les entreprises privées des secteurs du textile et de la confection, 84 % des femmes ont moins de 30 ans. Dans l’entreprise Indorama Shibin Spinning, privatisée en février 2007, la nouvelle politique de recrutement encourage l’embauche de jeunes femmes. Le management considère qu’elles sont « plus dociles » que les hommes et pense que cela améliorera la discipline au travail et la productivité. Les jeunes femmes sont majoritaires dans la nouvelle unité de production ouverte en 2008. Pour espérer être embauchées, les candidates doivent avoir au maximum 25 ans, peser moins de 60 kilos et être célibataires. Les femmes ayant ces caractéristiques sont supposées être plus facilement intimidées par leurs contremaîtres masculins.

A la Compagnie Suisse de Vêtements, l’âge moyen est de 23 ans. […]

Source : Joel Beinin, Marie Duboc

Justice for All : The Struggle for Worker Rights in Egypt, 2010, pp 67-75, extraits choisis et traduits par Alain Baron


Harcèlement sexuel

L’étude de l’association Femme nouvelle révèle qu’il est fréquent que les femmes soient harcelées sexuellement au travail ou lors du trajet entre leur domicile et l’entreprise. Selon une étude du Centre égyptien pour les droits des femmes, réalisée en 2008, 83 % des femmes ont été victimes de harcèlement. Le 21 octobre 2008, les femmes égyptiennes ont remporté une victoire lorsque, pour la première fois, un homme a été condamné pour harcèlement sexuel. Sa peine a été de 3 ans de prison et de 5 000 livres égyptiennes (6 à 7 fois le salaire mensuel moyen) pour avoir agressé sexuellement une femme dans la rue. […]

Une grève ayant eu lieu en 1985 dans l’usine Misr-Iran de Suez est bien connue dans les milieux féminins comme exemple de harcèlement sexuel sur le lieu de travail et la manière pour s’y opposer. Nagat Rabi‘ était une des six élu·e·s au comité syndical local de cette usine comptant 3 000 salariés, dont 800 femmes. Ses collègues femmes l’avaient poussée à se présenter à ce poste suite au fait que les jeunes contremaîtres masculins essayaient de façon répétitive d’obtenir des rendez-vous avec des femmes après le travail, puis persécutaient et sanctionnaient celles qui refusaient. Les femmes partirent en grève, demandant la fin du harcèlement sexuel par les contremaîtres et la mise en place d’une crèche pour leurs enfants. Le comité syndical local apporta son soutien aux femmes et y ajouta d’autres revendications. Tous les salariés se joignirent à la grève. Deux des dirigeantes de la grève furent licenciées. Le comité syndical les défendit et porta plainte contre la compagnie. Quatre ans plus tard, les femmes obtinrent une piètre indemnité de 300 livres égyptiennes (environ le tiers du salaire mensuel égyptien moyen). Bien que cela ne fut qu’une victoire partielle, le fait que ?des femmes se soient rebellées et se soient battues pour leurs droits était une avancée substantielle.


La gauche en Egypte

 

Du temps de Moubarak existaient au sein du monde du travail et de la jeunesse plusieurs grands courants politiques de gauche :

  • L’opposition légale respectueuse du régime en place, essentiellement représentée par la direction du Tagammu;
  • Le Parti communiste, impliqué dans le Tagammu jusqu’à la révolution ;
  • Des réseaux militants issus de différents courants de la tradition communiste ;
  • Un courant trotskyste, né dans les années 1990, et dont la façade légale était le Centre d’études socialistes. Il est représenté depuis 2010 par deux organisations différentes.

Tagammu a eu jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de membres sous l’ancien régime et en aurait toujours des milliers. En février 2011, l’effectif total des autres organisations de gauche ne dépassait pas le millier de membres1. […]

Tagammu (Rassemblement)

Sous l’ancien régime, le Tagammu était un parti légal disposant de quelques sièges au Parlement, d’un journal (al Ahâlî), de locaux, de permanents, etc. On y trouvait notamment des nostalgiques de la période de Nasser et des communistes. Certains de ses militants étaient à la fois membres de la direction de Tagammu et de la direction de l’ETUF (la centrale syndicale officielle sous la dictature).

Le parti Tagammu était très complaisant envers Moubarak : son président avait même déclaré que la chute de celui-ci serait négative. Cette attitude a entraîné le départ sur la gauche de militants refusant de telles compromissions, et dont certains ont ensuite participé à la constitution de l’Alliance populaire socialiste (Tahaluf). […]

Parti communiste égyptien

Reconstitué en 1975, le PC n’était pas légalement autorisé sous Moubarak. Il était simultanément impliqué dans le parti légal Tagammu. Le PC comptait un certain nombre de militants syndicalistes, comme à Mahallah dans la plus grande usine textile du pays. Il était également présent dans les universités.

Parti socialiste égyptien

Ce parti a vu le jour après le départ de Moubarak. Il a été fondé par des militants issus de différents courants de la gauche marxiste. Le PSE est peu présent dans la jeunesse. Il a par contre une influence au niveau syndical par le biais de militants participant depuis les années 1990 à diverses structures militantes, dont le Comité de coordination qui réunit mensuellement de façon informelle des militants syndicaux combatifs.

Socialistes révolutionnaires

Ce groupe est sorti de la clandestinité en 2011. Sa priorité est d’organiser politiquement des travailleurs, même lorsque ces derniers ne se reconnaissent pas nécessairement dans l’ensemble de ses orientations. Il a fondé à cet effet, le 25 février 2011, le « Parti ouvrier démocratique », au sein duquel les Socialistes révolutionnaires sont le seul courant politique organisé.

Tagdid? (Renouveau socialiste)

Ce groupe, également clandestin sous Moubarak, est né en 2010 d’une scission des Socialistes révolutionnaires (voir ci-dessus). Il intervient parmi les travailleurs, ainsi qu’au sein des différents mouvements sociaux, à commencer par celui de la jeunesse. Malgré sa petite taille, Renouveau a joué un rôle non négligeable dans la révolution de janvier-février 2011. Renouveau considère que la construction d’un parti large passe par un regroupement préalable de plusieurs courants politiques. Renouveau a eu, pour cette raison, un rôle moteur dans la constitution de Tahalouf (voir ci-dessous).

Tahalouf (Alliance populaire socialiste)

Ce parti a été créé le 26 janvier 2011 à l’initiative de Renouveau socialiste, de militants ayant rompu sur la gauche avec le Tagammu, ainsi que d’intellectuels, de militants syndicalistes, associatifs, et/ou ayant appartenu par le passé à diverses organisations de gauche.

Même s’ils ne s’impliquent pas vraiment dans ce parti, les Socialistes révolutionnaires ont néanmoins un représentant dans sa direction.

Front des forces socialistes

Constitué le mardi 10 mai 2011, il ne s’agit pas d’une organisation, mais d’une coordination entre l’ensemble des partis pouvant être véritablement considérés comme de gauche (donc à l’exception de Tagammu) :

  • le Parti socialiste égyptien,
  • le Parti communiste égyptien,
  • l’Alliance populaire socialiste,
  • Tahalouf (dont Renouveau socialiste),
  • les Socialistes révolutionnaires (et le Parti ouvrier démocratique).

 

  1. Différentes sources attribuent actuellement respectivement un millier de membres au Parti socialiste ; 2 000 membres au Parti ouvrier démocratique et 3 000 membres à l’Alliance populaire socialiste. Les « Socialistes révolutionnaires » et « Tagdid » sont issus du courant international dont le Socialist Workers Party (SWP) britannique est la principale organisation.