Comment sortir du sexisme? Du côté de l'éducation

Comment sortir du sexisme? Du côté de l´éducation

Récemment, dans une réunion interculturelle
de femmes, où nous parlions maternités et
éducation, Marie est intervenue, pour nous
dire avec beaucoup d’émotion dans la voix:
«Je voulais vraiment donner une éducation
égalitaire à mes enfants, fille et garçon. Et
maintenant que je viens d’avoir un petit
garçon, il n’a que6 mois et je me rends
compte que mon regard change et que je
n’agis pas de la même façon! Malgré moi…»

Et Paul, rencontré quelques semaines plus tard, est
tout aussi concerné par ces différences.

Marie et Paul, vous avez décidé de partager avec les
lecteurs et lectrices de solidaritéS vos interrogations
concernant l’éducation de vos deux enfants (Clara,
née en mai 98 et Théo, né en décembre 2000).

Les stéréotypes dès la naissance

En pensant à vous et à vos enfants, j’ai emprunté un
livre au centre de documentation féministe
«Filigrane» (2, rue de la Tannerie à Carouge, ouvert
les après-midi) : «Les Petites filles» de David Laskin
et Kathleen O’Neill, éditions Stock, dans la collection
Laurence Pernoud. Paru aux USA en 1992, ce livre
m’a paru comme une sorte de suite de «Du côté des
petites filles» d’Elena Gianini Belotti, que les mères
MLF lisaient dans les années septante. Sa lecture avait
eu une influence considérable sur l’éducation des
filles, qui en effet actuellement (dans les pays
occidentaux) sont libérées de bien des tabous,
encore actifs en 1970. Mais voilà, cette sacrée
société continue d’infliger ses stéréotypes, comme si
les mouvements de libération des femmes n’avaient
pas changé les mœurs ! Les magasins continuent à
vendre du rose et du gnangnan pour les petites filles
(et du gris vert militaire pour les petits garçons). Les
parents «progressistes» qui ont en horreur ces
mignardises s’efforcent d’y soustraire leurs filles.
Celles-ci acceptent volontiers de jouer au foot, de
porter des jeans, de courir sans entraves, mais dès
qu’elles entrent en contact avec d’autres enfants à
l’école enfantine, la plupart se mettent avec
délectation dans le rose et les dentelles, les fous rires,
les rougissements, les yeux baissés et les bijoux, bref
reprennent les attitudes ancestrales. Les garçons,
eux, abandonnent les poupées et leur sensibilité pour
s’éclater dans les jeux bruyants et compétitifs des
hommes… Consternation. C’est à partir de ce terrain
miné que les deux auteurs, parents de 3 petites filles,
ont lu une quantité de recherches sur les attitudes
différenciées des enfants, sur l’interaction entre
biologie et culture et interviewé quantité de parents de
fillettes. «Nos filles grandissent dans un monde bien
plus compliqué et stressant que nous avons connu,
enfants», disent les auteurs, qui se référent à Simone
de Beauvoir et aux études féministes. En filigrane,
l’éducation des petits garçons est également évoquée.

Et si Théo se mettait du vernis à ongles?

Ce livre est passionnant, il peut se résumer en un
message simple: il faut considérer l’enfant comme un
individu unique, quel que soit son sexe. Les petits
enfants aiment tout expérimenter, et sont aussi bien
fascinés, quel que soit leur sexe, par la culture
féminine et par la culture masculine. Se peindre les
ongles par exemple, «attitude typiquement féminine»
peut en effet passionner une petite fille. Qu’importe si
elle peut aussi courir et jouer au ballon et ne pas se
laisser faire. Laissez seulement votre Clara
expérimenter cette occupation. Son petit frère Théo va
certainement vouloir faire la même chose … Vous le
laisserez faire une première fois, mais le conforterezvous
dans cette activité, comme vous avez conforté la
gym de votre petite ? Le féminin n’est-il pas,
finalement moins valorisé dans notre vécu actuel ? De
même la capacité d’autonomisation d’un-e enfant est
peut-être surévaluée maintenant. Un-e enfant, fille ou
garçon, qui aime les petites choses douces, qui est
timide et qui s’accroche à sa mère, a ses raisons personnelles
et mérite la même admiration que l’autre qui
ne craint rien ni personne… Respecter le
développement, la personnalité de l’enfant reste
toujours le message central de l’éducation.
Les autres parents, vous êtes-vous déjà senti «malgré
vous» faire des différences entre garçons et filles?
Quand? Pourquoi? Que pensez-vous des différences?
Pourrons-nous sortir du sexisme en éduquant différemment
les enfants?

Maryelle BUDRY

Chaque personne, concernée par le sujet,
ayant une expérience ou une lecture (ou un
film) à faire partager sur le sujet abordé est
invitée à vous répondre à l’adresse postale ou
électronique de solidaritéS .Les contributions
les plus intéressantes seront publiées dans
chaque numéro de solidaritéS.