ONU, silence sur l’Irak

ONU, silence sur l’Irak

Il y a un mois, nous avons publié une synthèse des conclusions d’un important rapport par Medact, l’organisation de médecins et de personnel soignants britanniques affiliée à l’IPPNW1, intitulé «Dommages collatéraux: le coût sanitaire et environnemental de la guerre contre l’Iraq». En résumé, le rapport concluait que:

  • Dans le cadre d’un conflit relativement limité il pourrait y avoir un demi-million de morts et un impact dévastateur sur les vies, la santé et l’environnement, pour les combattants, les civils iraquiens, ainsi que sur les populations des pays voisins et au-delà;
  • Jusqu’à 4 millions de personnes pourraient trouver la mort dans un conflit comportant le recours à l’armement atomique.

Jane Salvage, auteure du rapport et spécialiste internationale des questions de santé, a été invitée ce 8 janvier au siège de l’OMS à Genève, par l’Association du personnel de l’OMS, pour présenter directement son rapport. Suite à son exposé, un groupe de participant-e-s intéressé-e-s, de l’intérieur comme de l’extérieur de l’OMS, ont débattu des suites à y donner et d’actions possibles.

Le message essentiel: on peut empêcher cette guerre!

La prévention des conflits devrait être une priorité en matière de prises décisions sur le plan international. Au vu de l’impact énorme et terrible de la guerre sur la santé, le rapport décrit quelques-unes des alternatives possibles qui devraient servir de base à un processus de décision rationnel et démocratique.


Comme le dit Medact «Nous devons nous assurer que les USA ne lancent pas une guerre «préventive» unilatérale contre l’Iraq, qui ne serait pas conforme à la Charte des Nations Unies. Le conseil de sécurité n’a pas le droit de cautionner ce type d’intervention.»

Une mission trahie?

Il est étrange que la tâche essentielle d’évaluer l’impact de la guerre en termes de santé publique n’ait pas été prise en charge par une agence internationale comme l’OMS, mais qu’il ait fallu qu’une petite ONG, aux ressources limitées, doive faire ce travail. Comme l’a relevé Jane Salvage, il a été très difficile de savoir quelles études sont ou ne sont pas entreprises par des agences de l’ONU, du fait du secret dont on entoure cette question. Ceci alors que des informations de ce type devraient évidemment être dans le domaine public, après tout, n’est-ce pas finalement aux citoyen-ne-s du monde entier que l’ONU doit rendre des comptes?


L’ironie suprême de ce manque de transparence est que l’agression unilatérale contre l’Iraq est en train d’être «justifiée» au nom de la démocratie, alors qu’elle est en train d’être menée de manière totalement anti-démocratique. Malgré le barrage de propagande, il y a – partout – une opposition publique massive à la guerre contre l’Iraq, ceci y compris aux USA même. Le fait est remarquable, d’autant que cette opposition intervient avant que la guerre ne soit déclenchée. Les souffrances du peuple iraquien au cours de 10 à 12 ans de bombardements et de dévastations l’ont affaibli et rendu fataliste. L’idée qu’une société pacifique et démocratique pourrait être engendrée par une agression supplémentaire est grotesque.

Des préparations en coulisse

Un document «strictement confidentiel» de l’ONU (projet daté du 10 décembre 2002), produit pour aider à la planification pour faire face à l’éventualité de la guerre contre l’Iraq, vient seulement d’être rendu accessible au public2. Ce rapport prédit un haut niveau de dommages aux civils, une crise aggravée et étendue sur le plan alimentaire et «le déclenchement de maladies à une échelle épidémique, si ce n’est pandémique.» Le document de l’ONU rejette la comparaison avec les conséquences humanitaires, tant de la guerre de 2001 en Afghanistan que de la Guerre du Golfe en 1991, ceci du fait que la situation sur le plan humanitaire en Iraq suite aux sanctions a produit une population dans laquelle 16 millions de personnes (60%) n’ont d’autres moyens de survie que les rations gouvernementales mensuelles.

L’OMS et la prévention de la violence

Dans son rapport 2002 sur la violence et la santé, la Directeure Générale de l’OMS la Dr Brundtland déclare: «Notre préoccupation en matière de santé publique nous conduit à mettre l’accent sur la prévention, en complément à la fourniture après coup des services de santé nécessaires, avec des efforts pour prévenir la violence au départ. Nous pouvons aller plus loin, dans le développement de politiques et de programmes de prévention, sur la base de travaux scientifiques.»


Pourquoi donc l’OMS n’est-elle pas en train de développer des politiques et des programmes de prévention de la violence, dans sa forme la plus extrême qu’est la guerre. En tant qu’autorité mondiale en matière de santé, son premier devoir devrait être de promouvoir tous les moyens envisageables pour prévenir le désastre sanitaire représenté par la guerre contre l’Irak.


Rosamund RUSSELL
Traduction de notre rédaction.

  1. IPPNW: International Physicians for the Prevention of Nuclear War. Le rapport est disponible sur: www.medact.org
  2. www.casi.org.uk/info/undocs/war021210.pdf