Marche mondiale des femmes

Marche mondiale des femmes : Renforcer l'action collective des femmes pour changer le monde

C’est en rythme, au son de musiques et de chansons traditionnelles philippines, que débuta la 8e Rencontre internationale de la Marche mondiale des femmes. Des déléguées de pas moins de 34 pays ont fait le déplacement jusqu’à Manille pour, toutes ensemble, mettre leurs énergies, expériences et analyses au service du renforcement et de la consolidation de ce mouvement féministe et anticapitaliste international.

Les repas entre les sessions de travail étaient préparés par des collectifs de femmes ayant survécu à la prostitution et à la violence sexuelle. L’une de ces femmes a volontairement témoigné de la descente aux enfers que vit une femme lorsqu’elle est sexuellement violée et exploitée : « J’ai été violée par un homme dont j’étais amoureuse. J’ai aussi été abusée par mon employeur. J’ai été engagée dans un travail domestique qui est devenu de la prostitution. Ce n’est que ma détermination qui m’a permis de quitter le milieu. En tant que victime, je sais qu’on doit se battre continuellement pour nos droits. Rien ne nous est ‘généreusement’ octroyé. Tant que le capitalisme continuera à utiliser nos corps, les femmes seront toujours en prostitution. Sans mon implication au sein de mon organisation (Bagong Kamalayan Collective – organisation de masse des survivantes de la prostitution de rue et du trafic sexuel) jamais je n’aurais pu être parmi vous ni suffisamment vivante que pour vous raconter mon histoire ». Lorsqu’on entend un tel récit, l’affirmation selon laquelle la prostitution est un travail comme un autre sonne plus que jamais comme une infamie destinée à légitimer ce commerce humain insoutenable. […]

 

La MMF comme mouvement permanent de mobilisation et d’action féministe

Dans un contexte de crise systémique où toutes les politiques répondent aux logiques du capital et consacrent le saccage de la vie, où ne cessent de croître militarisation, fondamentalismes et désordres climatiques, où – au nom de la dette – sont imposées les pires régressions sociales, où partout les droits des femmes sont attaqués et les violences de toutes formes à leur égard s’intensifient, la MMF veut construire des alternatives concrètes et être une force de recomposition et de mobilisation. Elle entend continuer à créer et à renforcer ses alliances avec les mouvements sociaux en veillant à ce qu’il n’y ait pas hiérarchisation, mais bien articulation entre les luttes, chacune incluant désormais l’analyse féministe.

En 2015, la Marche entend bien être plus large, s’être renforcée dans les différents pays et continents, constituer une organisation féministe, anticapitaliste de dimension internationale où les femmes de cultures, de régions et de milieux sociaux différents se retrouvent et agissent ensemble. Elle désire fermement construire un mouvement enraciné dans les luttes locales, capable de rompre l’isolement des communautés qui souffrent des impacts de la militarisation et de l’avancée du capital sur toutes les sphères de la vie. En renforçant la solidarité internationale, la MMF désire appuyer les luttes locales et être encore plus proche des femmes de la base.

 

Pour donner corps à leurs aspirations, les activistes de la Marche mondiale des femmes ont, durant cette rencontre, élaboré collectivement des pistes stratégiques et des propositions d’actions:

– D’un mouvement aux activités sporadiques et cycliques, la MMF se constitue désormais en un mouvement permanent de sensibilisation et d’action féministe.

– La Marche travaillera à devenir plus inclusive : elle sera plus présente dans les luttes locales, veillera à associer toujours davantage les femmes rurales, autochtones, migrantes, prostituées, femmes sans-papiers et à renforcer l’engagement des jeunes féministes.

 

– La MMF développera ses activités d’éducation populaire.

 

– Afin de garantir son autonomie, la Marche réfléchira à une politique d’autofinancement.

 

– Encore plus de stratégies de convergences et de travail conjoint avec les mouvements sociaux mixtes, une présence accrue de la MMF aux mobilisations sociales en cours et à venir et l’appropriation par les mouvements « amis » de la thématique du féminisme constitueront les lignes de force majeures de la politique d’alliance de la MMF.

 

– Renforcer son travail sur les alternatives féministes notamment dans le domaine macro-économique, réaliser plus d’analyses sur les impacts de la crise sur les femmes (la MMF Europe lance une campagne contre les plans d’austérité) et profiter de celle-ci pour impulser un changement radical de société constitueront également des priorités pour la Marche.

 

– Des groupes de travail et d’action unilingues sont réactivés. Ils approfondiront les thèmes suivants : les politiques d’austérité et la pauvreté, les compagnies minières canadiennes, l’impact de la présence militaire des États-Unis, mais aussi des Nations Unies sur la vie des femmes et la façon de poursuivre le débat sur les droits des lesbiennes dans la Marche.

 

– La MMF entend assurer le transfert de son Secrétariat international (pour l’instant établi au Brésil) pour 2016.

 

D’ici 2013, sera organisée une journée féministe d’action commune – 24 heures d’action pour la paix – ainsi qu’une campagne en vue de promouvoir le droit des femmes à disposer librement de leur corps. 7

 

Christine Vanden Daelen

Comité pour l’annulation de la dette dans le Tiers monde (CADTM)