Loi sur l'aide sociale
Loi sur l'aide sociale : Accrochez-vous au pinceau, j'enlève l'échelle
Ainsi pourrait-on résumer, la mise en œuvre de la nouvelle loi sur l’aide sociale et l’insertion (LIASI). L’avant-dernier pan de la politique de gestion du chômage de François Longchamp, entrée en vigueur le 1er février 2012 suite à l’échec de notre referendum.
Essentiellement destinée à supprimer le statut de chômeurs·euses en fin de droits par la disparition du RMCAS, cette loi permet surtout d’orienter ces derniers sur un dispositif dont les seuils d’entrée plus bas interdisent l’accès à un grand nombre de ceux-ci. Ainsi la LIASI, en plus de réduire les coûts de prise en charge des chômeurs·euses en fin de droits, biaise les statistiques du chômage et de l’aide sociale pour en occulter la récurrence et la gravité. |
L’insertion, entre méthode Coué et tartufferie
Pour convaincre et donner bonne conscience à ses tenants, cette loi a été parée d’une vertu « intégratrice » qui a constitué son principal argument de persuasion. Que n’a-t-on pas entendu durant la campagne référendaire sur les effets quasi miraculeux qu’allait déployer cette loi. Alors qu’il s’agissait avant tout d’un simple transfert de compétences du service, Office cantonal de l’emploi (OCE), dont elles étaient la spécialité, à un autre service polyvalent déjà submergé et engorgé par ses propres tâches, l’Hospice général, qui allait devoir se réorganiser, mettre en place un nouveau service et se doter des compétences nécessaires pour assumer cette nouvelle mission. Tous, de la droite à l’extrême droite, après avoir critiqué sans appel le suivi des chômeurs·euses en fin de droits déployé jusqu’ici, ont claironné leur volonté de favoriser l’insertion des chômeurs en fin de droits par ce nouveau moyen. Acte de foi et posture de censeurs « tartuffes », si l’on se souvient que ce sont ces mêmes milieux qui depuis des années compriment le budget de l’Etat au point d’entraver les missions de nombre des services qui en dépendent, notamment l’OCE et l’Hospice général, et concourent à la sous-enchère salariale par les suppressions de postes dans la fonction publique et le secteur subventionné.
Des promesses fallacieuses
Ainsi donc, masquant le fait qu’ils y auraient déjà eu droit auparavant, promettaient-ils, la main sur le cœur, que les chômeurs·euses en fin de droits feraient enfin l’objet d’un suivi adéquat et auraient accès aux mesures cantonales de réinsertion par le biais de la LIASI. Avant le vote du referendum, les chômeurs en fin de droits et les personnes à l’aide sociale reçurent même un courrier signé de F. Longchamp les informant que la nouvelle loi leur donnerait accès, entre autres, à des allocations de retour en emploi ou des emplois de solidarité. Qu’en est-il aujourd’hui ? Les chômeurs·euses en fin de droits ne peuvent plus bénéficier des mesures cantonales de l’OCE, ils n’ont plus accès au RMCAS, qui garantissait un niveau de vie un peu plus élevé que le minimum vital de la LIASI, l’Hospice général ne dispose pas de mesures d’insertion, il n’y a toujours pas plus d’emploi disponibles. Les demandeurs d’emploi, dûment munis du courrier de Lonchamp, viennent réclamer ce qu’il leur a été fait miroiter et se voient opposer l’impossibilité de faire face aux promesses qu’il contient. Il ne leur reste donc plus grand chose à quoi se raccrocher. Mais là ne s’arrête pas leur infortune.
Lâchez le pinceau, maintenant !
Après la LIASI, la révision de la loi sur les mesures cantonales (LMC), votée lors de la dernière session du Grand conseil genevois, vient parachever le processus de précarisation des chômeuses·eurs. Si cette dernière comporte quelques améliorations, elle péjore principalement la situation des chômeurs·euses. Tout d’abord, elle achève le travail de déconstruction des emplois temporaires initié en 2008, en supprimant les programmes d’emploi formation institués en lieu et place. Elle les remplace par des stages, dits de « requalification » qui devront intervenir dès le 9e mois d’indemnisation. Prétendument axée sur une intervention voulue plus précoce cette substitution, dont les prémisses se trouvaient déjà dans la révision de 2008, sert en réalité à raccourcir un fois de plus la durée de protection des chômeurs·euses. Dans le même ordre d’idée, cette loi est caractérisée par la volonté d’adapter la durée de la couverture d’indemnité pour perte de gains à la durée de l’indemnisation. Une manière comme une autre d’enfoncer le clou de la catégorisation et de la précarisation des chômeurs·euses induites par l’entrée en vigueur en février 2011 de la nouvelle loi fédérale sur le chômage (LACI). Enfin, la plus antisociale de ses particularités est sans conteste que ces stages de « requalification » pourront se dérouler dans le secteur privé.
Sans emplois, pas de réinsertion
Une évidence s’il en est. Pourtant, tous ceux qui ont soutenu tant la LIASI que la révision de la LMC continuent à affirmer que ces modifications légales sont destinées à favoriser la réinsertion des chômeurs·euses. Cela, sans vergogne, au moment même où, et ils le savent, le nombre d’emplois diminue, qu’une quantité importante d’emplois dans la fonction publique et le secteur subventionné sont occupés par des « travailleurs gratuits » : chômeurs·euses, contre prestataires, bénéficiaires de l’aide sociale, etc. Et qu’enfin le canton s’apprête, grâce à cette loi, à mettre à disposition des chômeurs·euses en stage chez des géants de la vente ou du nettoyage qui se sont d’ores et déjà portés sur les rangs. Le personnel de la vente ou du nettoyage en quête d’emplois appréciera. Contre cette association de « malfaiteurs », nous devons nous organiser nous aussi sur le front du chômage et de la précarité pour défendre une véritable politique de l’emploi et de lutte contre la pauvreté et la précarité. A vos marques…
Jocelyne Haller