La révolution syrienne, un mouvement de masse

 Les médias de toute part se concentrent sur les conflits armés entre le régime criminel syrien et l’opposition armée, courageuse, mais sous-équipée, ou décrivent la révolution syrienne comme une guerre civile ou une guerre entre majorités et minorités religieuses. Ce faisant, ils mettent en définitive sur pied d’égalité le régime et le mouvement populaire. Cette image de la révolution syrienne est loin de traduire la réalité, les actions populaires restant la forme principale d’opposition au régime autoritaire.

Nous ne nions pas l’importance de la résistance armée et ne le condamnons pas non plus, bien au contraire, puisqu’elle exprime le droit du peuple syrien à se défendre contre la répression du régime. L’objet de cet article concerne toutefois ces millions de courageux Syrien·ne·s qui, dans les rues à travers tout le pays, manifestent pour la justice, la liberté et la dignité et que l’on oublie un peu dans les médias. 

 

     Tandis que la mission des observateurs de l’ONU était suspendue, vu la persistance de la répression et de la violence du régime, la communauté internationale, dans son ensemble et sans exception, continue de vouloir mettre en œuvre une solution de type yéménite en Syrie, comme on a pu le constater lors des rencontres entre officiels américains et russes. La solution yéménite consiste à enlever la tête du régime, le dictateur Bashar Al Assad, tout en maintenant sa structure intacte. Dans leur propre intérêt, les grandes puissances n’ont en effet pas avantage à voir ce régime s’effondrer (voir notre article sur la Syrie dans le no 204). Le peuple syrien compte donc sur sa bravoure, sa persévérance et la solidarité des autres peuples pour mettre fin à ce régime.

 

Un véritable mouvement populaire

Le mouvement populaire en Syrie ne s’est en effet pas retiré des rues, des universités et des places de travail malgré la répression multiforme du régime, autant politique que militaire.

     Les « manifestations éclair » (flash mob) et autres marches continuent d’être organisées ainsi que des manifestations dans l’espace public et dans des endroits qui n’avaient jusqu’alors pas connu d’importantes mobilisations.

     Le slogan « Stop aux massacres, nous voulons bâtir une Syrie démocratique et civile » a été brandi pour la première fois il y a quelques mois par une jeune activiste. Elle se tenait seule devant le Parlement. Ce mot d’ordre a été repris dans tout le pays par des groupes de jeunes militant·e·s, à la suite de son arrestation par les services de sécurité.

     Les universités constituent toujours des centres de la résistance. L’Université d’Alep a vu se dérouler d’importantes manifestations d’étudiant·e·s en mai et précédemment aussi. Elles ont été violemment réprimées par les forces de sécurité qui ont tué quatre personnes et arrêté des centaines d’autres. Aujourd’hui, pas une semaine ne se passe sans que les voix et les chants des étudiant·e·s de l’Université de Damas ne soient entendus au palais présidentiel, proche d’une centaine de mètres, tandis que des manifestations quasi quotidiennes ont lieu dans les universités de Deraa et Deir Al-Zur. L’Université d’Alep a suspendu ses cours par crainte d’un soulèvement encore plus important des jeunes, tandis que les balles de fusil sont plus nombreuses que les livres à l’Université de Homs.

     Les étudiant·e·s représentent un quart de tous les martyrs en Syrie depuis le début de la révolution en mars 2011, selon l’Union des étudiants libres de Syrie (SFSU). Fondée le 29 septembre 2011 pour lutter contre le régime, l’Union constitue un bastion politique et syndical de la résistance pour une société démocratique dans la vie du mouvement étudiant. Le syndicat organise des manifestations des étudiant·e·s libres et la résistance populaire dans les universités à travers tout le pays.

 

La population laborieuse, elle aussi réprimée

Les travailleurs et les travailleuses ont également été des cibles de la répression. Au cours du mois de décembre 2011, des campagnes réussies de désobéissance civile ainsi que des grèves générales se sont déroulées en Syrie. Elles ont paralysé d’importantes parties du pays, montrant ainsi que la mobilisation de la classe laborieuse et des exploité·e·s se trouve au cœur de la révolution syrienne. C’est pour cette raison que la dictature, cherchant à briser la dynamique de la contestation, a licencié plus de 85 000 travailleurs et travailleuses entre janvier 2011 et février 2012 et fermé 187 fabriques (selon les chiffres officiels).

Le peuple syrien a continué de répéter son refus du sectarisme, malgré toutes les tentatives du  régime pour allumer ce feu dangereux. Les manifestations et messages de solidarités entre Syrien·ne·s n’ont pas cessé. Le mouvement populaire a aussi réaffirmé sa lutte pour l’unité du peuple syrien et contre les divisions, en développant un sentiment de solidarité nationale et sociale qui transcende les divisions ethniques et confessionnelles.

     Donc, contrairement à ce que prétendent uniformément les médias, les actions populaires restent la forme principale de la résistance du peuple syrien. Cette réalité ne plaît toutefois pas au pouvoir, qui tente de présenter tous les membres de l’opposition comme étant des extrémistes islamistes contrôlés par le régime saoudien. C’est pour cette raison qu’il a ciblé, depuis le début de l’insurrection, des personnalités et des activistes connus pour être favorables à des stratégies populaires pacifiques de renversement du régime, qui ont été arrêtés, torturés, forcés à l’exil ou assassinés par les autorités.

     Le peuple syrien, malgré tout, résiste et continue sa lutte pour construire une nouvelle Syrie démocratique, sociale, civile et réellement indépendante. La révolution est permanente jusqu’à la victoire !

Vive la Révolution syrienne et gloire à nos martyrs.

 

Khalil Habash